En Afrique de l’Ouest, l’extrême focalisation sur le coronavirus, a noyé nombres d’évènements majeurs qui en d’autres temps auraient occupé la « Une » des médias
A l’échelle du globe, la pandémie du Covid-19 tient en haleine acteurs de tous bords. Décideurs étatiques, médias, société civile, etc., n’ont d’yeux que pour cette maladie qui, depuis la fin 2019, bouleverse le cours normal des choses et tient la Une de l’actualité mondiale. En Afrique de l’Ouest, l’extrême focalisation sur le Covid-19, a noyé nombres d’évènements majeurs qui en d’autres temps auraient occupé la « Une » des médias.
Législatives contestées au Mali
Le 29 mars 2020, le Mali a organisé des élections législatives, malgré le contexte sanitaire mondial. Ces élections sont passées presque inaperçues, y compris les contestations post-électorales qu’affectionnent les journalistes et qui continuent encore en ce mois de mai 2020, dans une quasi-indifférence du reste du monde.
Les résultats définitifs de ces élections, selon la Cour constitutionnelle, donnent 51 sièges au Rassemblement pour le Mali (RP, parti au pouvoir) sur un total de 147 que compte l’assemblée malienne.
Dans la nuit du 7 mai, de nouvelles manifestations ont éclaté pour dénoncer les résultats de ces élections législatives, publiés le 30 avril par la Cour constitutionnelle. Ces manifestants ont bravé le couvre-feu instauré à partir de 21 heures et l’interdiction des rassemblements de plus de cinquante personnes, en raison justement de la pandémie du Covid-19.
Ces élections avaient été maintenues malgré le contexte marqué par les attaques terroristes et la pandémie du coronavirus. Ce scrutin avait un enjeu de taille dans un pays traversé par une crise profonde depuis 2012. Il devait permettre de renouveler un parlement dont le mandat était achevé depuis 2018 et surtout faire progresser la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, signé en 2015 entre l’Etat malien et des groupes armés, sensé ramener la paix.
A la date du 10 mai 2020, le Mali a déclaré 704 cas confirmés, dont 351 guéris et 38 décès, selon un communiqué du ministère malien de la Santé et de l’action sociale daté du 11 mai 2020.
Soumaïla Cissé, otage oublié
Le scrutin législatif malien a aussi été marqué par un l’enlèvement, très peu médiatisé du fait de la pandémie de Covid-19, de Soumaila Cissé, le chef de file de l’opposition malienne et leader de l’Union pour la République et la Démocratie (URD).
Alors qu’il était en campagne électorale dans la région de Tombouctou, M. Cissé et plusieurs de ses collaborateurs sont tombés entre les mains de leurs ravisseurs, un groupe armé non identifié, dans la journée du 25 mars 2020.
Plus d’un mois après, cet ancien ministre et ancien président de la commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) est toujours entre les mains de ce groupe. Le 31 mars 2020, le gouvernement malien a annoncé la création d’une « Cellule de crise » pour sa libération.
« Nous souhaitons de tout cœur que Soumaîla Cissé retrouve très vite la liberté. Nous ne ménagerons aucun effort pour obtenir sa libération », avait déclaré le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, le 29 mars après son vote lors du premier tour des législatives.
Le parti de Soumaïla Cissé, l’URD, qui dit mener des négociations avec les ravisseurs, a annoncé le 3 avril 2020 la libération de huit proches de Soumaila Cissé, enlevés au même moment que lui. Jusque-là, très peu de place est réservé aux développements et rebondissements de cette affaire dans l’actualité.
A titre d’exemple, la libération d’Amadou Kolossi, le maire de Koumaïra (commune de la région de Tombouctou dans l’extrême noprd), annoncé ce dimanche 10 mai 2020 par les médias locaux. Parti négocier la libération de M. Cissé, l’édile de Koumaïra avait été pris en otage à son tour, le 10 avril 2020.
Législatives et référendum en Guinée
En Guinée, malgré la pandémie du Covid-19, les élections législatives couplées à un référendum sur la nouvelle constitution ont été tenues le 22 mars 2020. Selon les résultats de la Commission électorale guinéenne publié le 1er avril, le parti du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, parti au pouvoir) remporte 79 sièges sur les 114 de l’Assemblée nationale à l’issue du scrutin.
Auparavant, le 27 mars 2020, la Commission électorale guinéenne avait également annoncé les résultats du vote sur la nouvelle constitution proposée par le président Alpha Condé : le « Oui » l’emporte avec 91,59 % contre 8,41 % pour le « Non », pour un taux de participation estimé à 61%.
Ce référendum est considéré par l’opposition guinéenne comme une manœuvre du président Condé pour se maintenir au pouvoir en briguant un troisième mandat fin 2020.
La vive tension et les violentes manifestations ayant précédé le double scrutin ont vite été oubliées et Condé a pu dérouler son plan dans l’indifférence totale. Le vote a été boycotté par les principaux partis de l’opposition, notamment l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDC) de l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo.
Les résultats des législatives et du référendum pour la nouvelle constitution ont été proclamés alors que la Guinée est sous le régime de l’état d’urgence, interdisant les rassemblements de plus de 20 personnes, assorti d’un couvre-feu, pour faire face à la pandémie du Covid-19.
A la date du 11 mai 2020, la Guinée compte 2.146 cas confirmé, dont 714 guéris et 11 décès, selon un bilan de l’Organisation mondiale de la Santé.
Bissau : Embalo enfin confirmé
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a annoncé le 22 avril 2020 dans l’indifférence totale qu’elle reconnaissait la victoire de Umaro Sissoco Embalo, quatre mois après la proclamation des résultats contestés de la présidentielle bissau-guinéenne du 29 décembre 2020.
Le 17 janvier 2020, la Commission nationale électorale bissau-guinéenne avait confirmé les résultats provisoires annoncés le 1er janvier. Ces résultats donnent Umaru Sissoco Embalo vainqueur avec 53,55% des voix, contre 46,45% pour le leader du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, parti majoritaire à l’Assemblée nationale), Domingo Simoes Pereira. Ce dernier avait saisi la Cour suprême pour un recomptage des voix du second tour.
Ignorant ce recours, Umaru Sissoco Embalo, après plusieurs tournées dans des pays africains, avait organisé son investiture fin février pour succéder au président sortant José Mario Vaz.
Installé au palais présidentiel, Embalo avait dans la foulée limogé le Premier ministre Aristides Gomes (PAIGC), qui avait été nommé par une médiation de la Cedeao, et désigné un gouvernement dirigé par son allié Nuno Gomes Nabiam, qui est arrivé troisième à la présidentielle avec 13% des voix.
Ce dernier vient de guérir après avoir été testé positif au Covid-19. Il a affirmé s’être soigné avec un remède local à base d’ail, de gingembre et de citron qu’il prenait au moins cinq fois par jour, selon l’Agence chinoise Xinhuanet.com.
A la date du 11 mai 2020, la Guinée Bissau compte 726 cas confirmés, dont 26 guéris et trois décès, selon la Commission interministérielle de prévention et de lutte contre le Covid-19.
L’« Eco », oubliée ?
L’émergence inattendue du Covid-19, a aussi relégué au second plan, la grande question de la monnaie commune ouest africaine qui a longtemps alimenté les débats avant l’apparition de la pandémie.
Idée lancée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) depuis 1983 et dont la concrétisation tarde à se réaliser, la création de l’éco avait soudain refait surface à la faveur d’une annonce du président ivoirien Alassane Ouattara le 21 décembre 2019.
Cette annonce avait soulevé un tollé et a alimenté un vif débat jusqu’à ce qu’il soit noyé par le Covid-19.
Aujourd’hui l’Eco, dont l’entrée en vigueur est ixée en juillet 2020, a presque totalement quitté les espaces de débat public en Afrique de l’Ouest, pour céder la place à la crise sanitaire et à ses conséquences.
Les géants anglophones, le Nigeria et le Ghana insistent sur le retour au projet originel de la Cedeao et sont moins enthousiastes à l’idée d’un Eco qui « remplacerait » le franc CFA, la nouvelle option des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
A la date du 10 mai 2020, l’Afrique de l’ouest (les 15 pays membres de la Cedeao) comptait un total de 17.973 cas, dont 5.100 guéris et 386 décès, selon les données du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique).
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LE CORONAVIRUS VU PAR MOUSSA SENE ABSA
"Une autre humanité va se créer", et "ce ne sera pas le monde d'avant j'espère, parce que le monde d'avant, c'est le monde de la consommation, du super fric, des banques, c'est le monde du matériel, qui a déshumanisé les êtres humains"
La pandémie vue par le cinéaste sénégalais Moussa Sène Absa : "une autre humanité va se créer", et "ce ne sera pas le monde d'avant j'espère, parce que le monde d'avant, c'est le monde de la consommation, du super fric, des banques, c'est le monde du matériel, qui a déshumanisé les êtres humains."
par Ada Pouye
LA RIPOSTE AU COVID-19 À L'ÉPREUVE DE LA SUPPRESSION DE LA PRIMATURE
EXCLUSIF SENEPLUS - S’appuyer sur le CNLS pour la distribution alimentaire et le transfert d’argent, nous aurait fait gagner du temps, des coûts et de l'efficacité dans la gestion des transmissions communautaires
Depuis l’abrogation du poste de Premier Ministre, le Sénégal s’est englué sur un terrain miné par les contradictions internes après s’être appuyé sur le PSE comme le pivot intangible du développement du Sénégal en occultant les contraintes de la géopolitique mondiale et surtout l’avènement du Covid-19 qui ont chamboulé les efforts pour l’union nationale et le dialogue politique. Comment la disparition du PM dans le schéma institutionnel a-t-il impacté la gouvernance de la riposte au Covid-19 au Sénégal ?
Le Sénégal entame la phase la plus critique de la riposte au Coronavirus avec le nombre actuel croissant de transmission communautaire. En effet, après les cas importés et les cas contacts, nous assistons à ce nouveau phénomène des cas relevant de la propagation communautaire. La gouvernance de la riposte face à la pandémie du Covid-19 ayant frappé le Sénégal depuis plus de deux mois connaît des fortunes diverses avec beaucoup d’incohérences et d’hésitations dans la prise de décision politique. Nous reviendrons la prochaine fois sur le diagnostic de la communication actuelle autour de la riposte et l’analyse de signes avec l’essoufflement et la lassitude des communautés par rapport aux messages des médias.
La pandémie du Covid-19 qui est une des pandémies les plus complexes que le monde a connu, revêt une importance particulière de par ses modes de transmission, sa vitesse de propagation, la discrimination de ses effets sur l’âge, entraînant une mortalité élevée. De cette complexité, il faut retenir la centralité de la gouvernance et de sa coordination pour une efficacité de la riposte. La gestion politique de la pandémie intervient dans un contexte marqué par la suppression du poste de Premier Ministre. La bonne gouvernance de la riposte dépend à la fois de la superstructure au niveau de l’appareil d’Etat et de la qualité des infrastructures biomédicales ainsi que des leçons apprises dans la gestion politique de la pandémie.
La superstructure de la riposte s’appuie sur des leviers complémentaires à savoir le Comité Stratégique, le comité technique pour la mobilisation et l’affectation des ressources, le Comité National de gestion des épidémies et le Centre d’opérations des urgences sanitaires sous la maitrise d’ouvrage du ministre de la Santé et de l’Action sociale. Nous sommes arrivés à une phase critique de la réponse, s’approchant presque de la barre des 2000 cas sans être alarmiste avec un faible taux de létalité. Nous constatons que l’absence de Premier ministre a plombé la riposte et permis une vampirisation de la réaction par le ministère de la Santé et de l’action sociale et de son cabinet, occultant la multi-sectorialisation. En son temps, l’ancrage politique de la structure de gouvernance de la pandémie du sida et de la lutte contre la malnutrition au niveau de la Primature a permis au Sénégal d’avoir une reconnaissance internationale dans cette double lutte. En effet, le Comité National de Lutte contre le Sida et la Cellule de lutte contre la Malnutrition étaient placés sous la tutelle de la Primature pour démontrer la volonté politique du gouvernement de mener ces combats et les maîtriser. La première génération de la Commission Nationale de lutte contre la Malnutrition après la dévaluation survenue en 1994 était logée à la présidence gérée par l’AGETIP comme un élément du Fonds d’investissement social avec une emphase sur la création de micro-entreprises de jeunes. En s’appuyant sur la nature de leur problématique, on aurait pu se dire que cela devrait relever du ministèrere de la Santé, mais en réalité seules les divisions sida et la Nutrition étaient associées dans la coordination.
Nous sommes même fondés à penser que nous assistons à un pilotage à vue de la riposte contre une pandémie avec plusieurs variables pouvant générer des risques politiques très élevés.
La riposte telle qu’elle a été abordée à travers la structure de gouvernance porte la marque de la verticalité autour du ministère de la Santé et de l’action. Les formats de communication institutionnelle autour du cabinet nous renseignent largement sur le parti pris d’une gouvernance à la fois politique et médicale au détriment des structures de coordination multi-sectorielles que nous connaissons dans la gestion des urgences sanitaires et humanitaires.
Le ministère de la Santé et de l’action perd pied et bande des muscles.
Le Covid-19 est sous la forme d’une géométrie à plusieurs variables dont la santé est juste une composante avec des incidences collatérales notamment sociales, économiques et politiques.
Vouloir réduire la riposte à une gouvernance médicale, c’est se tromper d’approche et exposer le Sénégal à une grave crise humanitaire dont les conséquences vont même ensevelir le PSE et exacerber l’ampleur de la demande sociale.
En effet, la nature de la pandémie exige une approche horizontale inclusive et multidisciplinaire. La structure de coordination de la pandémie doit être articulée au-delà du ministère de la Santé et de l’action sociale en l’absence du poste de Premier ministre, à l’instar des structures de coordination des urgences y compris sanitaires comme l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire en Guinée avec Dr Sakoba Keita, l’Agence nationale de lutte contre les urgences au Nigeria, et le Comité exécutif national de gestion des urgences au Kenya, piloté depuis la présidence du fait des enjeux politiques de la pandémie.
Les atouts pour bâtir sur le modèle des bonnes pratiques dans la gouvernance de la riposte au Covid-19
Au plan de la définition des politiques, l’amnésie est le sentiment le mieux partagé au Sénégal. Le CNLS dispose d’un potentiel énorme au niveau du plaidoyer, de la mobilisation sociale de l’engagement communautaire et de la prise en charge clinique et même ambulatoire. Rien ne s’opposait à ce qu’on bâtisse à partir du modèle du CNLS une matrice inclusive, participative avec la société civile et les communautés, qui prend suffisamment en compte la dimension du genre. Le CNLS qui dispose d’une plateforme communautaire et d’un maillage avec les religieux, les leaders communautaires, les femmes et les personnes vivant avec le VIH, est complètement ignoré par les structures de gouvernance de la riposte au Covid-19. En s’appuyant sur le dispositif du CNLS ou de la Cellule de lutte contre la malnutrition pour la distribution alimentaire et le transfert d’argent, il en découlait un gain en termes de temps, de coût et d’efficacité pour gérer les transmissions communautaires. Le modèle de gouvernance de la pandémie porte les marques d’une capture de la riposte par le ministère et son cabinet. Il ne sert à rien de réinventer la roue en s’appuyant sur une approche verticale avec le ministère de la Santé comme maitre d’œuvre de la riposte, comme le dit si bien le ministre. Il ne faut pas confondre l’algèbre et les mathématiques. La pandémie du Covid-19 est multidimensionnelle : c’est une équation à plusieurs inconnues qui mérite qu’on aille chercher au fonds de nous-mêmes le génie culturel et cultuel sénégalais et déconstruire le modèle technicisé, voire technocratique que nous tirons de l’occident dans la gouvernance de la riposte. La meilleure riposte face à une pandémie aussi complexe que le Covid-19 doit s’appuyer sur une bonne analyse du contexte socio-culturel, politique, social et économique et s’engager dans une singularité subjective, socle de la transformation positive autour des communautés qui ont toujours montré la voie de la résilience non cosmétique. Les sciences humaines doivent nous aider à décrypter ce qui se joue autour de la pandémie en vue de trouver des solutions appropriées pour les communautés.
Nous avons assisté le 11 Mai 2020 à un point de presse bien singulier tant sur la forme que sur le ton des messages conflictogènes donnant un sentiment de non-maitrise des nerfs du ministère de la Santé et de l’action sociale. Il semble démontrer qu’il perd pied devant l’impératif du changement de cap et le débordement sur sa droite par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en termes de positionnement envers les collectivités locales et les confréries religieuses. Les coups de boutoir du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, du ministère de l’intérieur, du ministère du Développement communautaire de l’équité sociale et territoriale, du ministère de l’Economie et des finances, le ministère des Affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur, montrent encore une fois avec acuité les problèmes de coordination gouvernementale au niveau de la riposte.
Assiste-t-on à une guerre au sommet avec comme facteur d’exacerbation des contradictions sur les perspectives politiques post Covid-19 ? Le post covid-19 va-t-il être suivi par le réchauffement du climat social ? Les enjeux financiers des 1 000 milliards de francs vont pousser inéluctablement les groupes sociaux, politiques et religieux à chercher les moyens de prendre leur part du butin de guerre. Le chef de l’Etat devrait siffler la fin de la recréation et revenir sur les fondements de la République avec un retour en perspective du poste de Premier ministre pour faciliter la coordination de l’action gouvernementale autour de la riposte, et tracer les lignes directrices d’une deuxième phase de la montée en puissance de la riposte et du post Covid-19. Une chose est sûre : après l’expérience difficile du Covid-19, le Sénégal ne pourra plus être géré comme avant sans mettre en place une politique hardie de rupture de la géopolitique africaine et mondiale, de pleine souveraineté dans la prise de décision des politiques publiques, sanitaires, alimentaires et monétaires africaines, du renforcement du secteur privé et de la protection sociale. Plus qu’un handicap ou un désastre, le post covid-19 s’avère une opportunité pour aller au-delà du Programme Sénégal Émergent avec l’épanouissement des femmes et de la jeunesse comme point d’ancrage de toutes les politiques. Devrions-nous recourir au keynésianisme pour lancer de décisifs travaux à haute intensité opérationnelle de main d’œuvre et aborder la relance économique dans la sérénité républicaine ? Légitime et indispensable question à se poser !
D’ANCIENS MINISTRES DE LA SANTÉ LANCENT ‘’UN CADRE DE RÉFLEXIONS ET D’INITIATIVES’’ CONTRE LE COVID-19
‘’Cette initiative regroupe des personnalités ayant exercé d’importantes responsabilités dans le secteur de la santé dans leurs pays respectifs
Dakar, 12 mai (APS) – D’anciens ministres de la Santé du Sénégal, de la France, du Bénin, de la Mauritanie et de la Tunisie ont lancé une initiative visant à offrir aux autorités de leur pays ‘’un cadre de réflexions et d’initiatives’’ dans les stratégies nationales de riposte au nouveau coronavirus (Covid-19), a-t-on appris mardi à Dakar.
‘’Cette initiative regroupe des personnalités ayant exercé d’importantes responsabilités dans le secteur de la santé dans leurs pays respectifs. Elle marque leur volonté d’offrir un cadre de réflexions et d’initiatives pour soutenir les pouvoirs publics dans les stratégies nationales de riposte au Covid-19’’, a annoncé, dans un entretien avec l’APS, un ancien ministre sénégalais de la Santé (2000-2001, 2005-2007), Abdou Fall.
M. Fall et d’anciens ministres de la Santé de la France, Nora Berra, de la Mauritanie, Diye Ba, du Bénin Dorothée Kindé-Gazard, et de la Tunisie, Samira Meraï-Friaa, ont récemment publié une tribune publiée par l’hebdomadaire Jeune Afrique et le journal français L’Opinion, pour faire part de leur initiative.
Selon l’homme politique et ancien ministre sénégalais, le but de cette démarche est ‘’de capitaliser les innovations et les bonnes pratiques engendrées par cette crise, d’aider à entretenir cette dynamique créatrice et de travailler sur les conditions d’émergence de partenariat de nouvelles générations entre l’Afrique et le reste du monde, dans le secteur de la santé’’.
‘’Nous en sommes à la phase d’élaboration du projet’’, a-t-il précisé, affirmant que les auteurs de cette initiative sont en train de travailler sur ‘’la stratégie et les initiatives à entreprendre de façon planifiée’’ pour atteindre leur objectif.
‘’Notre ambition est de contribuer à l’effort de construction de systèmes de santé de plus en plus résilients et performants, au regard de la place que la santé occupe dans la vie des hommes et des sociétés’’, a souligné M. Fall.
‘’Nous n’avons aucun doute que nos propositions, qui s’inscrivent dans la ligne de renforcement des politiques nationales de santé, ne manqueront pas de susciter un intérêt pour les décideurs et les professionnels du secteur’’, a-t-il assuré.
Concernant l’inquiétude que suscite la propagation du Covid-19 en Afrique, Abdou Fall estime que ‘’la situation sanitaire du continent reste globalement sous contrôle’’.
‘’Mais un devoir de vigilance absolue et de tous les instants s’impose, car il ne fait aucun doute que nos systèmes de santé, malgré les résiliences prouvées, restent encore faibles pour contenir une flambée de l’épidémie. Des efforts soutenus doivent être consacrés à des stratégies préventives, destinées à la rupture de la chaîne de transmission’’, a-t-il souligné.
LE PANAFRICANISME SANITAIRE DE RAJOELINA TROUVE DES ÉCHOS FAVORABLES
En affirmant que les doutes émis contre son remède sont dus au fait qu’il ait été élaboré en Afrique, le président malgache a réussi un coup double : être porté aux nues par les internautes du continent, et éluder la question des preuves cliniques
En affirmant que les hostilités et les doutes émis contre son remède, qu’il présente comme étant curatif, sont dus au fait qu’il ait été élaboré en Afrique, Andry Rajoelina a réussi un coup double : être porté aux nues par les internautes du continent africain, et éluder la question des preuves cliniques de l’efficacité de sa décoction. Aux questions posées, des réponses empreintes d’une forte fibre nationaliste et africaniste qui ont fait mouche, aux dépens d’arguments scientifiques.
« Le nouveau Sankara », « courageux et déterminé », « gardant la tête haute », « pourfendeur de l’Occident » : les adjectifs et métaphores dithyrambiques pour qualifier le président malgache ont inondé, hier, les réseaux sociaux, après son interview donnée sur notre radio.
« Lui, au moins, il a eu le courage de dire que comme il n’y a pas d’autres solutions meilleures provenant d’autres pays, il y a le médicament trouvé à Madagascar, donc on va s’en tenir à cette solution-là. »
Pour cet acteur de la société civile malgache comme pour de très nombreux internautes du pays, le président Rajoelina sort grand vainqueur de son intervention. Il a su notamment, disent-ils, défier publiquement l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et pu prouver aux yeux du monde sa volonté de faire fi des mises en garde de cette organisation internationale.
Pour le politologue Toavina Ralambomahay, également élu municipal de l’opposition à la mairie d’Antananarivo, le chef de l’État a joué à l'envi sur une corde sensible : « Il utilise une frustration partagée par la population africaine, dont malgache. Le fait d’avoir été méprisés, sous-estimés pendant pratiquement toute l’histoire de l’humanité, d’avoir été colonisés, c’est comme une revanche. Toutefois, utiliser la fierté nationale et continentale pour donner de la crédibilité au remède tambavy-organics, c’est un argument, mais il vaut mieux hisser le débat sur le terrain scientifique ».
Pour d'autres, les vrais enjeux sont ailleurs
Des arguments écartés jusqu’à présent au profit de constats ou observations énoncés et répétés par le président et son entourage, jusqu’ici invérifiables. Pour Faraniaiana Ramarosaona, activiste de la société civile, le débat est ailleurs.
« On est en train de gaspiller de l’énergie pour cette tisane, alors que des gens dans notre pays sont en train de mourir de faim. Et on ne voit toujours pas arriver le plan de relance socio-économique alors que c’est le plus important. »
Les plus sceptiques, dont certains taxent le chef de l'État malgache de « panafricaniste opportuniste », « complotiste » voire de « dangereux imposteur », eux, attendent avec impatience les résultats des essais cliniques réalisés par l’Union africaine, le Sénégal ou encore l’Afrique du Sud.
Pour rappel, à ce jour, la Grande Île compte officiellement 183 cas d'infections au Covid-19 dont 105 guérisons et aucun mort.
par le chroniqueur de SenePlus, Hamadoun Touré
COVID- 19 : LE TRAIN DE LA RÉSILIENCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le temps d’après sera celui qui substituera la résilience à la résignation, conséquence de la manière dont nous avons supporté les contraintes d’hier, qui nous ont justement préparés à dominer celles de demain
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 12/05/2020
« Dieu a donné une sœur au souvenir et l’a appelée espérance ». (Michel-Ange)
Progressivement, le monde s'éloigne de l’œil du cyclone de la maladie à coronavirus. Les premiers pays les plus touchés brisent timidement le cercle du confinement à la manière d’un enfant qui apprend à marcher, sortent de l’ombre avec discrétion et surmontent la psychose ambiante. Conséquence de l’observation de l’évolution de la pandémie par médecins et scientifiques dont les travaux ont réduit la part d’inconnues dans la propagation de cette maladie, entraînant ainsi moins de frayeur dans l’opinion populaire.
Les chercheurs et scientifiques auront sans doute raison du Covid-19 qui a fait tant de ravages et occasionné tant de pertes en vies humaines. Des médicaments sont proposés, des vaccins annoncés alors que les nouvelles technologies viennent en appui du travail des spécialistes. Ces évolutions nous éloignent de la panique ambiante du début.
Les malades du COVID-19, ceux qui en sont guéris comme ceux qui en ont été épargnés ne considèrent plus qu’un test positif à la maladie est synonyme de rejet dans le camp des pestiférés. En parler n’entraîne plus apparemment ni stigmatisation ni culpabilité. Pour le plus grand nombre d’entre nous, il ne s’agit plus de maladie honteuse comme d’autres pathologies en d’autres temps pas si lointains. Une belle avancée dans l’approche psychologique du coronavirus.
Tout voir et faire autrement
Il n’est pas trop tôt d’envisager une vie de l’après-pandémie, en raison de sa “décrue” et se préparer à embarquer dans le train de la résilience. En effet, la crise actuelle, si dure qu’elle soit, quelque douleur qu’elle ait engendrée ces six derniers mois, ne devrait pas occulter notre volonté d’inscrire l’avenir dans cette perspective.
Oui, le temps d’après, sera celui qui substituera la résilience à la résignation, conséquence de la manière dont nous avons supporté les contraintes d’hier, qui nous ont justement préparés à dominer celles de demain, à les adapter à notre nouvelle vie. L’arme du passé nous permet d’affronter le combat de l’avenir. L’épreuve vécue nous impose de tout voir et de tout faire autrement pour conjurer les imprévisibles retombées du coronavirus. Car désormais, il y aura, dans notre façon d’être, un avant et un après COVID-19.
Il nous faut donc nous préparer à un bouleversement des habitudes, nous qui avons développé des réflexes de résilience qui nous ont prémunis de l’effondrement tant redouté. Il ne fait aucun doute que le temps d’après sera une succession d’étapes plus longues et même plus contraignantes que l’adoption des mesures barrières et l’instauration des restrictions administratives. Ce sera un long parcours. Il faut s’y résoudre.
La fin attendue de la sédentarisation annonce aussi le temps des comptes du confinement et plus généralement de la pandémie. Au bilan, seront inscrites en solde positif toutes les vies humaines qui ont pu être préservées au regard des énormes conséquences de cette pandémie sur l’économie mondiale, de ses répercussions sur les plans financiers, sociaux, culturels, cultuels, psychologiques.
Notre siècle considérait comme acquis définitifs tant de conquêtes réalisées par l’homme. Il tenait par exemple les fusées comme des instruments domestiques ; de même, la santé, les congés payés, la liberté d’aller et de venir, les voitures, les trains et les avions étaient des évidences. Le COVID-19 nous ramène à une réalité moins orgueilleuse. Elle nous impose, devenus familiers de tous les aspects de la pandémie, d’adapter nos réactions et nos comportements. Tel doit être le crédo de la résilience pour qu’elle n’apparaisse pas comme une simple mode dont la vocation est d’être démodée.
C’est sur cette base que la résilience sera collée au réel au lieu d’être le catalogue de pieuses résolutions utopiques. La résilience ne vise pas à renouer avec la vie d’avant.
Urgences sanitaires et préoccupations économiques
Dans le temps d’après, il y aura un nouvel environnement professionnel et un espace de loisirs qui induiront une nouvelle manière de nous regrouper avec masque, cet appendice qui se sera imposé comme supplément vestimentaire à l’image d’un imperméable pour se protéger de la pluie.
Les urgences sanitaires coïncident rarement avec les préoccupations économiques. La santé sans soutien financier n’est qu’un état précaire, la richesse sans santé n’est qu’une maladie qui se prolonge. Entre les deux, la résilience est la forme de la réalité. C’est cette conviction qui guide les défenseurs du déconfinement en cours entrepris avec tact et prudence dans un monde en devenir.
La résilience suppose encore la nécessité de reconsidérer la place secondaire de la santé sans laquelle aucune vie économique, sociale et même politique n’est possible. Ainsi, on l’a vu, les gouvernements de certaines grandes démocraties n’ont pas hésité à bousculer leur calendrier républicain et ont même accepté des compromis idéologiques pour s’ajuster à la crise.
Longtemps négligé, parent pauvre de maints budgets africains, derrière ceux consacrés aux départements régaliens par exemple, le secteur sanitaire apparaît soudain dans toute son importance, nous contraint à distraire tous les fonds qui lui avaient été refusés pour acquérir dans l’urgence masques, respirateurs, matériels sanitaires dédiés à la lutte contre la propagation de la pandémie. Une vision politique lucide eût évité ce qui ressemble fort à un colmatage de brèches trahissant une improvisation et un sauve-qui peut dans la gouvernance.
Priorité à la vie tout court
Répétons-le. Le COVID 19 ne nous aura pas entièrement vaincus si, à l’heure de la résilience, il permet de prendre conscience que nos budgets de santé sont squelettiques et que nous tentons piteusement de les renflouer par des appels pathétiques aux contributions volontaires et à l’aide internationale. Cet élan désespéré, démontre hélas que nous avons été incapables de nous donner les moyens d’assurer notre bien-être physique, moral et mental. La santé ne doit pas être considérée comme une série d’urgences successives à gérer dans l’improvisation et les tâtonnements, comme l’a fait notre monde. Le prétexte fallacieux de l’imprévu, qui ne doit pas échapper à une vision lucide, ne saurait dédouaner aucun dirigeant. Gouverner, c’est prévoir. Cette maxime n’est pas une fantaisie sémantique, mais une feuille de route.
La pandémie vaincue, la lutte contre le COVID-19 doit aller plus loin, nous aider à inventer une autre manière de concevoir notre monde et notre mode de fonctionnement. Est-ce de l’angélisme ? Justement, la réponse pourrait se trouver dans notre capacité à assumer notre résilience.
La crise actuelle ne doit pas obstruer les chemins de l’avenir. Hier doit donner naissance à des lendemains meilleurs. Comme l’a dit le génie florentin Michel-Ange : « Dieu a donné une sœur au souvenir et l’a appelée espérance ».
EXCLUSIF SENEPLUS - L'ordre théocratique qui a partout travaillé à la ruine des puissantes monarchies "ceddo" n'a fait que se superposer aux monarchies déclinantes, pour en épouser bien souvent les contours et les pratiques
Nous sommes une Nation fragile, bâtie sur des plaques dont le ciment reste mou, sujet à des mouvements continus jusqu'à son édification compète. L'histoire a voulu que nous soyons une Nation carrefour, avec deux influences majeures, chacune porteuse de la violence qui la caractérise, avec ses sous-entendus hégémoniques et racistes. L'une arabo-berbère, porteuse d'une culture arabophone et d'une religion à vocation universalisante, l'Islam, avec, naturellement, ce que l'arabité (à distinguer de l'islam) porte de dominateur, de condescendant, d'esclavagiste à bien des égards.
L'autre, occidentale, elle-même dominatrice qui, en raison du blocage de la Route de la soie par les Ottomans, s'est cherchée des nouvelles routes vers l'Ouest, à la découverte des Nouvelles Indes, bientôt la mise en place des premiers comptoirs sur la côte ouest africaine et la funeste traite négrière. Nous avons eu le malheur de nous trouver, nous populations d'Afrique occidentale, à la pointe la plus rapprochée de cette Amérique nouvellement découverte et serons bientôt le lieu de transit des esclaves achetés pour servir de main-d’œuvre à l'Amérique. Les navires marchands ont remplacé les caravanes, mais les cargaisons, elles, n'ont pas changé : des épices, des étoffes contre des esclaves.
En réalité, par quelque bout que l'on prenne la chose, cette dure réalité s'est traduite par une extraversion de nos valeurs fondatrices, l'expansion de nouvelles religions par la force du sabre ou de la gamelle ; la dispersion de nos grands empires et la déperdition de notre héritage civilisationnel. Nous nous sommes mis à nous appeler comme des catholiques d'occident ou comme des musulmans du Moyen-Orient, avec une fierté qui devrait plutôt interroger notre authenticité et ce que nous sommes profondément.
Les deux grandes cultures qui ont été au premier contact de ces deux envahisseurs ont été les vecteurs relais de notre processus de nationalisation : le Wolof sur la côte occidentale et le Pulaar sur la côte nord-orientale. Deux groupes porteurs d'un héritage culturel certes radieux, mais très marqués par les ordres monarchiques et les castes sociales, toutes deux difficilement transposables dans un cadre démocratique. L'ordre théocratique qui a partout travaillé à la ruine des puissantes monarchies Thieddo n'a fait que se superposer aux monarchies déclinantes, pour en épouser bien souvent les contours et les pratiques. Le Sourghe cohabite avec le Jaam. Voilà pourquoi en dehors de quelques cas de résistance héroïque, l'islam local s'est accommodé de ce pouvoir colonial, quand il n'a pas travaillé à son maintien.
L'école, assurément, qui devait être un creuset de civilisation, lieu de nationalisation par excellence, cadre dans lequel doit se transmettre ce que nous avons en commun et en partage, a failli. 500 ans après la création des premières écoles dans notre pays, nous n'avons pas pu scolariser plus de 40% de nos compatriotes. D'où voudrions-nous qu'ils tiennent leur citoyenneté ? Ils sont d'un côté assaillis par des marchands de la foi qui se font concurrence et de l'autre, soumis à un discours rationaliste occidental auquel ils sont très peu préparés.
D'où il me vient que s'il y a une tâche à laquelle nous devons nous atteler sans attendre, c'est travailler à notre unité. Il n'y a pas une autre définition de ce qu'est la République. En faisant la promotion de ce qui nous unit. C'est ce que j'appelle Education.
Par Habib Demba FALL
L’OPINION DU GOUVERNEMENT ET LE GOUVERNEMENT DE L’OPINION
La tyrannie de la patrimonialisation de notre représentation sociale de la religion favorise un glissement dangereux en mettant en accusation le degré de considération vis-à-vis d’un groupe confrérique
La gouvernance est aussi une affaire d’horloge. L’aiguille qui tourne est un instrument de mesure du temps créé et commandé par l’intelligence humaine à travers un art consommé du timing. La bonne appréciation au bon moment ! C’est la marque de l’autorité de l’Etat et de la volonté du peuple de s’y soumettre parce qu’il se reconnaît dans l’action publique. Et pile, nous avons eu droit au cri mobilisateur dans cette guerre contre, non pas une superpuissance orgueilleuse et odieuse, mais un minus «vicieux» selon la formule présidentielle : « l’heure est grave ».
Une alerte du Général qui a « confiné » nos curiosités face aux tentations du dehors et sorti de sa coquille notre fierté de Républicains. L’opinion du Gouvernement a trouvé un point de jonction entre son plan de riposte et les instances populaires de validation. Le président de la République, M. Macky Sall, a sans doute formulé une opinion sur la base de paramètres précis tant en termes d’évaluation de la situation que de projections plus ou moins lointaines dans le temps. Les pouvoirs publics ont taillé à la situation une armure face au défi sanitaire : Etat d’urgence, couvre-feu, interdiction de la circulation inter-urbaine, fermeture de marchés, réaménagement des horaires de travail, etc.
Plusieurs tours d’aiguille et presque 2000 tests positifs plus tard, il faut « apprendre à vivre avec le virus ». Nous sommes loin de la centaine de cas ayant sonné l’alerte. Nous avons franchi le cap du millier. La « guerre » est loin d’être terminée à la lumière de la capacité de l’ennemi à se loger dans les organes vitaux et à les affaiblir.
Dans une autre mesure, cet ennemi est encore plus qu’un sniper perché dans le néant et capable de réussir le coup fumant du lâche. Ses balles sont prêtes à envoyer leurs cibles à l’internement, dans le meilleur des cas. Car, en ce mois de mai inauguré par la Fête du Travail, le virus « travaille » encore dans le corps sain de la communauté nationale, allongeant les régiments des angoissés des lendemains sans revenus aussi bien dans les structures sanitaires que dans les demeures. Puis, arrive l’heure des dissonances. C’est en ce moment précis que le gouvernement de l’opinion se saisit des moyens de persuasion sociale pour convaincre l’opinion de Gouvernement d’assouplir les conditions de riposte à la COVID-19. Au marché comme à la mosquée, sur nos routes comme dans la diaspora, l’air du temps est au «déconfinement » des esprits et, partant, des habitudes. Que voulez vous ? Dakar, porte océane d’Afrique, est également à l’heure du monde. Avons-nous déjà manqué un rendez-vous ?
Lorsque le reste du monde se préparait au confinement, les familles sénégalaises qui en avaient les moyens ont fait le plein de provisions. Le président de la République a opté pour un système modulé plus proche du mi-confinement que de l’isolement total. Maintenant que le reste du monde «déconfine », il est encore plus difficile d’imposer un «confinement ». Pis, certains employeurs ne garantissent pas des revenus à leur personnel en chômage technique prolongé et cela, en dépit des assurances présidentielles.
Le risque de voir l’économie souffrir d’«embolie pulmonaire » (une des conséquences désastreuses de la progression de la COVID19) fait qu’il soit urgent d’amorcer une phase réaliste de relance. Dans la même ligne de cohérence, la stratégie devra être reconsidérée, en rapport avec les hommes de science.
Dans un débat souvent proche de la défiance, le registre de la solution religieuse est convoqué pour ouvrir les portes des lieux de culte. La poussée d’émotions voire de fanatisme qui entoure les demandes de réouverture des mosquées (l’utilisation des génériques « lieux de culte » ne ferait pas justice aux catholiques) n’est pas une simple transmission de volonté qui laisserait à l’autorité le soin de prendre LA décision.
La tyrannie de la patrimonialisation de notre représentation sociale de la religion favorise un glissement dangereux en mettant en accusation le rapport de nos gouvernants à la foi ou, de manière plus pernicieuse, le degré de considération vis-à-vis d’un groupe confrérique. Il n’est pas mal d’écouter son peuple dans ses composantes les plus saines. Seulement, il vaut mieux faire face à une opinion des gouvernés plutôt qu’à un gouvernement de l’opinion. Car, c’est l’autre nom de la dictature des allégeances sociales au cœur de la République.
Habib Demba Fall est Journaliste
«NOUS NOUS BATTONS POUR FREINER LA MALADIE, ALORS IL NE FAUT PAS DÉTRUIRE CE QUI A ÉTÉ CONSTRUIT JUSQUE-LA»
C’est une Marie Khémess Ngom Ndiaye particulièrement remontée qui, après le communiqué sur le point journalier hier, s’est adressée aux Sénégalais pour asséner ses quatre vérités.
C’est une Marie Khémess Ngom Ndiaye particulièrement remontée qui, après le communiqué sur le point journalier hier, s’est adressée aux Sénégalais pour asséner ses quatre vérités. Visage grave et ton ferme, la directrice générale de la Santé a soldé ses comptes avec ceux qui chahutent la stratégie de riposte mise en place pour combattre le virus. Elle a tenu à mettre les points sur les «i» concernant un certain nombre de questions.
La directrice générale de la Santé est dans tous ses états. Elle a laissé exploser sa colère hier après sa présentation du point journalier.
Dénonçant avec vigueur le non-respect des mesures sanitaires, Dr Marie Khémess Ngom Ndiaye s’est prononcée sur l’utilisation de l’artémisia et les faussaires qui s’activent dans la pratique des tests du covid-19. «Les gens commencent à se familiariser avec la maladie en ne respectant pas les gestes barrières. Il y a même des gens qui disent que si l’on porte un masque, on peut se rapprocher, mais ce n’est pas vrai», tonne-t-elle avant d’appeler les populations à se plier aux recommandations édictées par les autorités sanitaires.
«Nous nous battons jour et nuit pour freiner la maladie, alors il ne faut pas qu’on en profite pour détruire ce qui a été construit jusque-là», martèle Dr Marie Khémess Ngom Ndiaye qui révèle par ailleurs une campagne de sabotage contre le travail mené par le Ministère de la Santé. D’autant que, souligne-telle, «Interpol nous a mis en garde contre les détracteurs des règles sanitaires. Il y a un produit dénommé Uni-Gold TM HIV, certains qui sont de mauvaise foi l’utilisent pour dire qu’ils effectuent des tests ou soignent le coronavirus. Ce produit est fabriqué et commercialisé par Trinity Biotech Plc, ils ont mis des dates de péremption, mais c’est un faux médicament. Le gouvernement, à travers le Ministère de la Santé, a pris toutes les dispositions pour lutter contre cela. C’est la police qui nous a envoyé ce document et nous allons le transmettre aux gouverneurs et aux médecins-chefs de régions et de districts».
Au Sénégal, poursuit-elle, le système de santé est encadré par des experts. «Et quiconque veut nous aider sait où nous trouver, nos portes ne sont pas fermées. Le personnel de santé chargé de lutter contre le coronavirus est doté d’un badge professionnel», renseigne-t-elle S’agissant de l’utilisation de l’artémisia pour traiter le nouveau coronavirus comme préconisée par le Pr Daouda Ndiaye, la directrice générale de la Santé se montre prudente. «Ces feuilles (d’artemisia, Ndlr), nous les avons au Sénégal même si elles ne sont pas nombreuses. Leurs effets sont différents, il y en a de curatifs et certains ont d’autres effets. Nous connaissons cet arbre, parce que quand on a éliminé la Nivaquine, c’est ce que l’on utilisait sous le nom d’Artémisine. Mais quand on l’a utilisé contre le paludisme, nous avons remarqué que ses effets n’étaient pas importants parce que la maladie ne diminuait pas, alors on l’a encore changé avec un décret. Maintenant, on ne va pas dire que l’artémisia venu de Madagascar n’est pas bon. Nous faisons des essais thérapeutiques et c’est là qu’on jugera après de son efficacité ou non», explique-t-elle avant de sonner une nouvelle charge contre les théoriciens de l’artémisia : «Les gens spéculent sur cette plante sans parler avec les responsables de la santé. Nous ne fermons la porte à personne, s’ils sont des experts dans le domaine de la santé, qu’ils viennent avec les chercheurs, car un soignant doit être avec un soignant.»
Toujours dans le même registre, elle informe que tout ce processus est piloté par la Direction de la Pharmacie et du Médicament. «Il y a un comité éthique et on ne fera pas de recherche avec qui que ce soit si l’on ne vérifie pas ce qui est fait. Nous sommes dans un Etat de droit et nous ne laisserons pas le soin aux gens de faire ce qu’ils veulent», clame-t-elle.
En guise de conclusion, elle demande aux Sénégalais d’être vigilants avec le virus. «Nous ne savons pas quand le coronavirus va disparaître, car nous ne connaissons pas le virus», indique-t-elle.