BOYCOTTER LE DIALOGUE, UNE FAUSSE BONNE IDÉE
L’histoire récente a montré que, au Sénégal, le dialogue a permis d’aplanir bien des obstacles. C’est le dialogue qui a permis de dépasser le vieux contentieux des élections de 1988 qui s’étaient soldées par l’emprisonnement des leaders de l’opposition...

Le 28 mai, date désormais surlignée au stylo bille, est, depuis 2016, celle retenue pour un Dialogue national. Nonobstant le changement de régime et de cap, le Président Bassirou Diomaye Faye l’a maintenue. Pour ce faire, le Palais a envoyé des cartons d’invitation et termes de références aux différents partis, mouvements politiques et entités de la société civile. A l’arrivée, beaucoup de formations politiques ont exprimé leur refus d’y participer, chacun avec ses propres arguments. Sur le ton de la dérision, Thierno Alassane Sall, leader de la République des valeurs, appelle les deux têtes de l’Exécutif à dialoguer d’abord, accorder leurs violons, ensuite, avant d’appeler les autres à des concertations.
En effet, si le Président pense que le dialogue est nécessaire, son Premier ministre ne croit pas qu’il y ait matière à dialoguer. Pour Ousmane Sonko, le système politique sénégalais est si solide qu’il n’est point besoin de dialoguer dessus. Pour lui, les défis du Sénégal sont plus économiques que politiques. Plus sérieusement, TAS dénonce une manœuvre de communication politique aux conclusions «déjà écrites» et accuse le gouvernement de trahir les engagements du Pacte de bonne gouvernance démocratique. S’appuyant sur les recommandations de la CNRI, son parti réclame des réformes concrètes : justice indépendante, élections équitables, fin de l’hyper présidentialisme… Il fustige les «atteintes aux libertés» et les «magouilles institutionnelles». Ouvert à tout échange sincère sur les priorités nationales, il refuse de cautionner un «simulacre de dialogue».
Même son de cloche à l’Alliance pour la République de l’ancien Président Macky Sall. Le Sen de l’Apr se dit convaincu que le dialogue politique proposé par le pouvoir n’est ni «sincère ni honnête», mais relève plutôt d’une «ruse politicienne» visant à «la validation de décisions déjà arrêtées».
L’Alliance des forces de progrès (Afp) de Moustapha Niasse pourrait y participer. Mais, avec deux conditions. D’abord, que le dialogue soit véritablement inclusif, réunissant l’ensemble des forces vives de la nation, et que les termes de référence soient ouverts à amendement pour répondre aux attentes des différentes parties prenantes. La Ld-Debout, elle, y participera. Voilà pour l’ambiance.
Mais, notre intime conviction est que ceux qui décident de boycotter doivent y réfléchir à deux fois avant de mettre leur menace à exécution. Parce que nous pensons que le dialogue est essentiel pour comprendre les points de vue des autres, trouver des compromis et construire des ponts plutôt que des murs. En rejetant toute idée de dialogue, on risque de laisser place à la méfiance, à la frustration et à l’incompréhension. Ce qui peut rendre les problèmes encore plus insolubles. Donc, même si cela peut sembler difficile voire frustrant à court terme, privilégier le dialogue est une approche plus constructive et bénéfique à long terme.
L’histoire récente a montré que, au Sénégal, le dialogue a permis d’aplanir bien des obstacles. C’est le dialogue qui a permis de dépasser le vieux contentieux des élections de 1988 qui s’étaient soldées par l’emprisonnement des leaders de l’opposition de l’époque que sont Abdoulaye Wade, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, etc. C’est ce dialogue qui a permis l’adoption, «sans y changer une virgule», du code électoral consensuel de 1991 sous l’égide du juge Kéba Mbaye. L’histoire racontera, un jour, que c’est le dialogue qui a permis l’élargissement de prison de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko et l’élection du premier à la présidentielle, quelques semaines plus tard. A contrario, c’est l’absence de dialogue qui a régulièrement plongé le Sénégal dans des cycles de violences en 1988, 1993, 2010-2011 et entre 2021 et 2023. Alors, il faut dialoguer pendant qu’il est encore temps et refuser de rendre à Pastef au pouvoir les armes de Pastef en tant qu’opposition.