LE JOURNALISME SPORTIF, UNE DISCIPLINE DE PRECISION
Le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur a besoin de savoir ce qui soutient les performances sportives. Les sciences avec les statistiques, la médecine, la diététique, l’argent, la politique ont investi le monde du sport.

Il est vrai qu’on ne peut pas tout savoir, tout maîtriser. Car tout va si vite ! Dans ce monde, les nouvelles s’enchaînent à la vitesse de la lumière. Il y a un flot d’informations. Toutes les données convergent vers le grand creuset des technologies au point que l’embarras nous visite lorsqu’arrive le temps de nous servir. La recherche est le grand tri auquel il importe de sacrifier, chaque fois que sonne le temps de se faire une religion.
L’opinion se forge à partir des données mises à la disposition du public. Hélas, il nous arrive d’oublier un fait comme il nous arrive de rechigner à chercher l’élément précis dans le lot des papiers ou des fichiers électroniques. C’est cela : il est bon de s’arrêter et de consulter la documentation. Dans la jubilation, il y a eu un oubli qu’on peut nous pardonner grâce au bonheur ! La poussée de joie nous a transportés vers les élans emphatiques au point que nous n’ayons plus senti nos pieds dans la réalité. Ces réalités, ce ne sont pas une « première victoire du Sénégal en Coupe du monde de basket masculin et féminin ». Et pourtant, le Sénégal du basket a connu d’autres succès dans ces deux compétitions ! Il est important, dans la célébration des performances sportives réussies par les « Lions », et les « Lionnes » de ne pas oublier ces quelques lignes d’histoire. Avant l’édition espagnole de 2014, le Sénégal a glané des succès en coupe (appelé auparavant championnat) du monde masculin de basket. Quelque part, certains peuvent considérer que ces victoires revêtent moins d’importance parce qu’ayant concerné des matches de classement.
Pour sa première participation au championnat du monde, du 1er au 14 octobre 1978 à Manille, Jean Aimé Toupane, Mathieu Faye, Ambroise Dogue, Bengaly Kaba, Joseph Lopez, coachés par Ibrahima Diagne Busnel, se sont offert la Chine (89-79), terminant à la 14è place sur 14 participants. Pour ce qui est de la 13è édition du championnat du monde joué à Athènes du 29 juillet au 09 août 1998, l’équipe du duo de coaches Maguette Diop-Ousseynou Ndiaga Diop, avec dans ses rangs Boubacar Aw, Cheikh Dia »Yaya, et autres Makhtar Ndiaye, a remporté le match de classement (15è et 16è places) aux dépens de la Corée (75-72). Du 19 août au 03 septembre 2006, au Japon, l’équipe coachée par Moustapha Gaye avec, entre autres éléments, Pape Babacar Cissé, Malèye Ndoye, Malick Badiane, Kabir Pène et consorts, n’a pas enregistré de succès, terminant 23è sur 24. Pour la coupe du monde masculine de basket de 2014 qui s’est déroulée en Espagne, oui, pour la première fois de son histoire en quatre participations, le Sénégal s’est qualifié pour un second tour de cette compétition. C’est tout à l’honneur de l’Etat, du Comité de normalisation du basket sénégalais (Cnbs), des coaches avec, en tête, Cheikh Sarr et des acteurs Gorgui Sy Dieng, Mouhamed Faye, Malèye Ndoye et consorts. Oui, pour la première fois, les « Lions » l’emportent sur un pays européen, une des plus grandes nations du basket au monde, la Croatie. Non, nous n’avons pas assisté à une première victoire dans cette compétition.
De même pour la Coupe du monde féminine de basket qui s’est déroulée en 2018 en Espagne, la victoire des « Lionnes » emmené par Astou Traoré, Yacine Diop, Maïmouna Diarra et autres Oumou Khaïry Sarr, sur la Lettonie (70-69) est certes la première des Sénégalaises et même des Africaines au premier tour de cette épreuve, mais elle n’est pas la première du pays de la Teranga. On se rappelle les succès des Mame Maty Mbengue, Nathalie Sagna ; Marthe Ndiaye, Anne Marie Diokh, Khady Diop, et autres Astou Ndiaye face à la Malaisie (73-41) et devant le Zaïre (60-52) au 11è championnat du monde disputé en 1990 en Malaisie. Au 13è championnat du monde qui s’est déroulé en 1998 en Allemagne Mame Maty Mbengue, Mborika Fall Aminata Kane, Astou Ndiaye, Awa Guèye, Khady Diop, Adama Diakhaté, s’imposeront devant l’Argentine (67-59).
En 2002, en Chine, les « Lionnes » l’emportent devant les Tunisiennes (87-52). Et en 2006, au Brésil, Aya Traoré et les siennes s’offriront les Nigérianes (66-64). Peut-être que c’est l’euphorie - nous avons presque tous souhaité que cela dure au-delà du huitième de finale contre l’Espagne en garçons ou que les filles l’emportent contre la Chine (66-75) pour s’ouvrir la première fois le second tour - , mais il faut qu’on se tourne vers nos papiers jaunis ou consulter les différents sites spécialisés (par exemple Fiba et Fiba-Afrique) ou certains portails sportifs, pour être édifiés. C’est un exercice salutaire parce que les statistiques sont essentielles au développement du sport. Elles constituent une mesure de la performance sans laquelle le jugement est impossible. En sport, la précision est utile sur le terrain (tirs) comme sur les gradins (les faits). L’infantilisme du reportage sportif avec le lyrisme comme seule ou principale qualité est passé de mode. Chanter la beauté du spectacle sportif ne suffit plus.
Le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur a besoin de savoir ce qui soutient les performances sportives. Les sciences avec les statistiques, la médecine, la diététique, l’argent, la politique ont investi le monde du sport. Les codes de jeu, les règles qui régissent les différentes disciplines sportives changent, entraînant, du coup, des modifications dans les stratégies, les systèmes de jeu. Ce n’est pas trop demander à certains journalistes de respecter le minimum, la base, le « fact checking ». Le journalisme ne tolère pas l’à-peu-près. A fortiori, le journalisme sportif.