PROFIL DES PÈRES INCESTUEUX
Soit la société sénégalaise apprend à se regarder en face, soit on va continuer à égrainer des drames dans les médias et ainsi conforter les violeurs dans leurs actes avec les discours qui les entourent

Après avoir été informée qu'une émission de chaîne de radio contribue à diffuser des informations fausses qui sont de nature à jetter le discrédit sur les victimes d'inceste et leur mère, je pense qu'il serait important de faire un point sur les profils des pères incestueux.
Les pères incestueux n'agressent pas leurs filles (ou leurs fils) parce qu'elles pourraient ne pas être les leur d'un point de vue biologique.
Les études en psychiatrie ont montré que sur le plan clinique on retrouve des profils d'hommes profondément immatures, carencés affectivement. Ils peuvent aussi être débordant d'un machisme affirmé et à la pulsionnalité incontenable. Cela cache mal une construction de leur masculinité instable et peu structurée. Ils ne sont pas souvent correctement ancrés dans le réel et ne mesurent pas du tout le degré de responsabilité qu'ils engagent dans leurs actes. Certains sont purement et simplement pervers avec une appétence non dissimulée pour ce type d'acte.
D'autres construisent un système familial particulièrement toxique et pervers ou mères et filles sont interchangeables dans le lit conjugal induisant donc un brouillage de la différenciation des sexes et des générations. Parfois avec la complicité de la famille élargie ou du voisinage notamment quand des enfants naissent de ces actes contre-nature (quand on parle français et que l'on sait ce qu'il y a dans la nature).
Tous les pères incestueux n'ont pas nécessairement été victimes d'inceste ou d'attouchement mais ont pu vivre dans des climats familiaux incestuels (l'incestuel est à la psyché ce que l'inceste est au corps. Racamier.). L'intimité des uns et des autres n'a jamais vraiment été respecté. La sexualité des uns et des autres a pu être portée à la connaissance de tous entretenant ainsi une atmosphère hyper excitante pour les enfants qui n'étaient pas en âge de comprendre. Ils ont pu avoir des pères tyranniques et violents dont leurs propres mères n'ont pas été capables de les protéger voire de s'en protéger elles-mêmes, tant elles s'y sont soumises et l'ont normalisé. Cela nourrit aussi le sexisme et la culture du viol qui favorise le passage à l'acte. Les femmes n'étant pas considérées, dans ces systèmes familiaux, comme des personnes à part entière mais comme des objets de jouissance.
Bref, soit la société sénégalaise apprend à se regarder en face, soit on va continuer à égrainer des drames dans les télés et les radios et conforter les violeurs et les pères incestueux dans la commission de ces infractions avec les discours qui les entourent. Oui à la liberté d'expression non quand elle participe à diffuser de fausses informations et à causer des préjudices aux victimes de viol et d'inceste.
L'État doit réguler ce genre de discours au risque de voir tous ses efforts sur ces questions tomber à l'eau. Il en va de même pour tous les discours de haine envers les femmes, l'apologie de la pédophilie et du viol etc. L'État, par l'institution de la justice, doit prendre au sérieux ces questions là et faire son travail de protection des citoyen.nes. Les discours bilan de fin d'année sont bien jolis mais il faut agir avec célérité et sévérité. Ne dagg ba mou dal ne doit pas se transformer en un slogan pour faire genre. Ca doit s'appliquer !
Ndeye Khaira Thiam est psychologue clinicienne, spécialisée en pathologies psychiatriques et en criminologie clinique.