ABDOU LATIF COULIBALY, DE L'AUTRE CÔTÉ DU RING
L’ancien journaliste d’investigation a rejoint Macky Sall après la présidentielle de 2012. Il s’est mué en ardent défenseur du chef de l’État, à des années-lumière de ses enquêtes explosives sur les malversations du pouvoir. Sans regrets ?

Dans la salle bondée de l’hôtel Radisson Blue, sur la corniche de Dakar, ce 25 mars 2012, journalistes et partisans se pressent pour entendre le premier discours du président tout juste élu. Après une campagne présidentielle agitée, Macky Sall, celui qui vient de faire tomber Abdoulaye Wade, salue la maturité de la démocratie sénégalaise et en célèbre les « martyrs ».
Abdou Latif Coulibaly, comme beaucoup d’autres, se rend à l’hôtel pour y saluer le chef de l’État. En lui serrant la main, Macky Sall le retient une seconde : « Grand, j’espère que tu n’as pas pas oublié ta promesse ? On se retrouvera bientôt. » Les deux hommes avaient déjà, quelques années plus tôt, évoqué la possibilité de travailler ensemble. C’était en 2010, à l’occasion d’une conférence sur les indépendances africaines en Suisse à laquelle ils avaient tous deux participé. « J’étais conscient que c’était quelqu’un sur qui on pouvait compter pour faire des choses pour le Sénégal », confie aujourd’hui le secrétaire général du gouvernement.
Dès le mois d’avril 2012, il devient le conseiller du président sur les questions de gouvernance. Une fonction officialisée six mois plus tard, avec son entrée au gouvernement d’Abdoul Mbaye. Le poste est créé sur-mesure pour ce journaliste renommé qui a consacré une bonne partie de sa carrière à dénoncer et dévoiler malversations et scandales perpétrés par le pouvoir. Il est temps pour lui de ranger calepins et stylos, et d’endosser le boubou respectable de ministre de la Bonne gouvernance et porte-parole du nouveau gouvernement. À l’époque, les attentes sont aussi grandes que les promesses de Macky Sall de rompre avec les pratiques clientélistes et le népotisme de son prédécesseur et de moraliser la vie publique et politique.
Fidèle à Macky Sall
Cette chasse aux biens mal-acquis conduira surtout, on le sait, à mettre hors-jeu plusieurs de ses anciens compagnons du Parti démocratique sénégalais (PDS), dont Karim Wade. La Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), ressuscitée par Macky Sall, retombera dans le formol aussi vite qu’elle en était sortie. Le portefeuille de la Bonne gouvernance a depuis longtemps été supprimé.
Mais Abdou Latif Coulibaly fait toujours partie de l’équipe ministérielle. Après la Bonne gouvernance, il a occupé la fonction de ministre de la Culture, de 2017 à 2019, avant d’être nommé secrétaire général du gouvernement avec statut de ministre à la faveur du remaniement ministériel du 1er novembre 2020. Nommé porte-parole du gouvernement en 2012, puis de la présidence en juin 2019, l’ancien journaliste a eu à plusieurs reprises à défendre les actions de l’exécutif.
En mars 2021, alors que les portables de plusieurs responsables du gouvernement sonnaient dans le vide suite aux émeutes qu’avait déclenché l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, Abdou Latif Coulibaly avait reçu Jeune Afrique dans son grand bureau du bâtiment Mamadou Dia, et défendu pendant plus d’une heure les choix de son gouvernement. De l’action de Macky Sall, il a toujours assuré qu’il ne dirait rien de mal.