BABACAR ABBA MBAYE BRISE LE TABOU SUR LA PRÉCARITÉ PARLEMENTAIRE
Les banques les attendent dès l'installation, les prêts plombent leurs revenus, certains vivent à l'hôtel des députés... l'ancien de Taxawu Senegal dévoile la face cachée de la condition parlementaire au Sénégal

L'ancien parlementaire dénonce la "ma gestion" de la polémique sur les véhicules de fonction et révèle les conditions difficiles des élus qui perdent "la moitié de leurs revenus en prêts".
La polémique sur l'acquisition de véhicules pour les députés continue de faire des remous, mais pour Babacar Abba Mbaye, ancien membre de la dernière législature, le débat a été "très mal géré" par le président de l'Assemblée nationale. Dans l'émission "Soir d'infos" du 27 mai 2025 sur TFM, il a levé le voile sur une réalité méconnue : la précarité financière des élus sénégalais.
"Si le président avait fait un sondage, je pense que la plupart des députés auraient préféré les indemnités plutôt que les véhicules", affirme Babacar Abba Mbaye, estimant que cette approche aurait été plus judicieuse financièrement et politiquement.
Le leader du Mouvement "Convictions" révèle une pratique méconnue du grand public : l'endettement massif des nouveaux élus. "Dès que les députés arrivent à l'installation de l'Assemblée, les banques sont là, c'est-à-dire ils prêtent aux députés. Ce qui fait que les députés perdent déjà généralement la moitié de leurs revenus en prêts."
Cette situation crée un cercle vicieux de précarité que Babacar Abba Mbaye illustre par des cas concrets : "Je connais une femme députée qui est arrivée comme suppléante, qui n'espérait pas être élue, et qui a pris un prêt parce que sa maison familiale qui était en héritage était en vente. Des cas comme ça, je peux vous en donner des dizaines."
L'hôtel des députés : refuge de fortune
Cette précarité pousse certains élus vers des solutions de survie peu reluisantes. "Pourquoi beaucoup de députés, une fois qu'ils venaient à Dakar, s'installaient à l'hôtel des députés ?" interroge l'ancien parlementaire, faisant référence à l'incendie qui avait touché ces locaux.
"Les gens finissent par habiter dans l'hôtel des députés alors que c'est quasiment transitoire, c'est pour les sessions", explique-t-il, dénonçant une situation où des élus se retrouvent contraints de vivre dans des structures d'hébergement temporaire faute de moyens.
Au-delà de la précarité financière, Babacar Abba Mbaye pointe du doigt l'insuffisance des moyens de travail : "À l'Assemblée, il n'y a que huit assistants parlementaires" pour l'ensemble des députés. Une situation qu'il juge aberrante comparée à d'autres pays.
"Vous allez en France ou même en Côte d'Ivoire, chaque député a un assistant parlementaire. Les députés sont à deux par bureau, vous vous rendez compte ?" s'indigne-t-il. Ces assistants, précise-t-il, ont été obtenus "grâce à l'USAID" dans le cadre d'un programme de coopération, révélant la dépendance aux financements extérieurs.
"L'accessoire suit le principal"
Pour l'ancien député, cette polémique sur les véhicules détourne l'attention des vrais enjeux : "Aujourd'hui, vous polémiquez sur des véhicules, vous vous rendez compte à quel point ça fausse les débats de fond."
Il plaide pour une approche plus globale : "Si vous voulez améliorer notre démocratie, c'est vraiment améliorer les conditions de travail du député mais aussi la qualité de nos députés." Pour lui, "l'accessoire suit le principal", et il faut d'abord régler les questions de fond.
Babacar Abba Mbaye illustre les limites du contrôle parlementaire par son expérience personnelle : "Moi j'ai été député, je vote une loi de règlement. Après, il y a un nouveau régime qui arrive et qui me dit 'tout ce que vous avez voté était faux. Les comptes étaient maquillés, la dette était fausse'."
Cette situation révèle, selon lui, "le problème de notre pays : c'est le contrôle de l'action du gouvernement en temps réel" plutôt que ces "problématiques de véhicules".
L'ancien parlementaire conclut par un appel à la modernisation du système : "Il faut arriver à pousser les partis à se moderniser et avoir l'aspiration d'envoyer à l'assemblée des députés de qualité."
Pour Babacar Abba Mbaye, tant que ces questions structurelles ne seront pas résolues, les polémiques sur les "accessoires" continueront de parasiter le débat démocratique, détournant l'attention des vrais enjeux de gouvernance et de représentativité.