DE LA PARENTÉ À PLAISANTERIE AU GATSA GATSA
EXCLUSIF SENEPLUS - Le populisme et les films de fiction ont en commun le besoin de créer au préalable un cadre utopiste. La plus grande crainte d’un populiste au pouvoir est le retour de flamme de la méthode qui l’a porté

Avec la bourde d’un ministre de la République qui a allègrement remis le gatsa gatsa au goût du jour, il m’est venu instantanément une nostalgie du Sénégal d’hier et des souvenirs de mon défunt beau-père, un affectueux Peulh, qui se plaisait à chaque fois qu’il était interpellé dans la circulation par un policier à y voir son KAL* (cousin à plaisanteries) et, de suite l’entraîner avec son Ouoloff approximatif dans une joute oratoire conciliante. Et comme par enchantement cela marchait toujours.
Je tiens ce « KAL» produit authentique du génie sénégalais pour legs patrimonial sublime et ciment qui, de la cohésion des multiples ethnies que nous formions, à fait une nation paisible et harmonieuse.
Malheureusement l’on constate aujourd’hui qu’il est bousculé et relégué au rang de fossile par la tactique politique du gatsa gatsa en vogue. Génération nouvelle, mœurs nouvelles, nous dira-t-on.
Limites de la tactique du gatsa gatsa
Le gatsa gatsa est introduit dans nos mœurs politiques par une opposition instantanée à l’ancien régime, comme la riposte tactique la plus cynique et impitoyable d’une stratégie aux relents populistes.
Le populisme politique fonctionne comme les films de fiction. Ils ont en commun le besoin de créer au préalable un cadre utopiste, avec comme critère d’admission et d’éligibilité l’agrément tacite à une “suspension de l’incrédulité, cette faculté innée à l’être humain qui lui est un attribut fondamental à son émancipation. Après quoi l’adhérent fait sien tout argument et opinion servis par le gourou, au mépris de toute preuve et doute de sa part. Être membre, c’est renoncer à son identité propre et sens de soi-même en échange de la validation d’un groupe, dont rien qu’un élément du combat qu’il mène vaut à l’être acquis un ralliement total. L’on préfère parfois rejoindre un groupe qui provoque un élan d’euphorie et inspire ses membres à toujours relever la barre plus haute, même dans l‘expression de la férocité et l’apologie de l‘insolence et de l’affrontement, que de souffrir isolément avec un mal irréductible par son seul engagement.
Mais quoique l’on puisse penser de cette stratégie politique, elle est loin d’être une absurdité et peut s’avérer très efficace pour l’atteinte d’une surprenante et superbe victoire, comme ce fut le cas chez nous.
Conséquences des conséquences en cas de victoire...
Un adage dit : faites attention à ce que vous demandez à Dieu, il pourrait vous le donner. Après avoir déconstruit les valeurs et croyances d‘une société, foulé aux pieds l‘ordre et les hiérarchies établis pour ne laisser subsister qu’une image usurpée de Messi détenteur de solutions, il ne vous reste qu’à vous empresser de démontrer votre génie et savoir-faire pour délivrer rapidement les promesses faites. La plus grande crainte d’un populiste au pouvoir est le retour de flamme de la méthode féroce qui l’a porté au pouvoir et qu’il encourt en cas de retard des changements promis. L’impatience des partisans est prompte à déterrer l’incrédulité à fin de reprise de ses quartiers. Les mesures dictatoriales, tentatives de museler presse et société civile, intimidations tous azimuts d’activistes et chroniqueurs, réprobations des institutions compétentes dûment constituées sont stériles.
En agissant ainsi l‘on opère une rupture avec l’efficacité présumée incarnée par le leader et l’on ouvre la porte à davantage de scepticisme.
Faire preuve d’efficacité orientée vers des résultats
Pour tous ceux qui sont en charge, ministres hauts fonctionnaires, directeurs généraux et autres managers d‘institutions politiques, qu’ils ne se méprennent : l’équipe dirigeante du pays n‘a aucune dividende politique à gagner des outrages à la décence et de l’arrogance que d‘aucuns se plaisent à assumer publiquement. Ce qui est attendu d’eux n’est rien d’autre que ce qu‘exige l’optimalisation du savoir-faire dans la mission qui leur est assignée. Ils devraient se focaliser à tout instant sur les priorités les plus urgentes de leurs programmes et prouver qu’ils ont des compétences à la hauteur du challenge de toute opportunité inopinée qui découlerait du processus de transformation en cours. Faire avancer les choses ! Rien que ça ! Et ça suffit largement, dans un pays avec tant de souffrances, pour qu’un ministre se rende compte qu’il lui incombe un sacerdoce.