DIOMAYE-SONKO, OÙ EST LE PROBLÈME ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette administration a produit depuis 60 ans une "noblesse d'État" qui se transmet ici peu encore par héritage culturel, surtout par initiation à l'ENA et croit détenir le monopole de l'intérêt général

Oui, il y a un problème entre le président de la République Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre et mentor Ousmane Sonko. Ce problème, c'est le système. C'est-à-dire, "les institutions de la République", leurs modes de fonctionnement, leurs rites et rituels, leur personnel, ses délices et poisons, pour parler comme Cheikh Anta Diop. Il y a aussi l'Administration publique qui fonctionne ici telle que l'avait établi Jean Baptiste Colbert au XVIIème siècle, auteur aussi du sinistre Code Noir.
L'Administration, c'est une bureaucratie centralisée autour des corps d'État que sont la Justice, la Police, l'Intérieur, les Finances et les Affaires étrangères, en somme ce qu'on appelle le gouvernement.
Cette administration a produit depuis 60 ans une "noblesse d'État" qui se transmet ici peu encore par héritage culturel, surtout par initiation à l'Ecole Normale Supérieure (ENA) et croit détenir le monopole de l'intérêt général.
Il s'agit en somme de "l'état profond" dans son acceptation française et pas dans le sens complotiste américain, car il ne s'agit pas d'un "complot, mais un système de corps intermédiaires qui, par inertie ou leurs réseaux filtrent le changement" (Michel Crozier, la Société bloquée, 1970).
Si le président de la République est dans son rôle de défendre l'Etat et ses institutions (il en a fait le serment), Ousmane Sonko est tout à fait dans le sien en que tant "premier responsable" du Pastef, en attaquant le système qu'il avait désigné comme la cible nécessaire à abattre pour apporter des "solutions" aux maux dont souffre les peuples sénégalais et africains.
Dès lors, que faire ?
Beaucoup de militants, pas seulement du Pastef, avaient pensé que la première mesure après l'arrivée au pouvoir du tandem aurait consisté en la mise en œuvre des institutions proposées par la Charte de Gouvernance démocratique de 2009 puis par la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) de 2013.
Il n'en fut rien, bien entendu, alors que le candidat Bassirou Diomaye Faye s'était engagé avant l'élection présidentielle à précisément cela. Réaction de rejet de l'Etat profond ? Peur du vide de la part du tandem ?
Que faire désormais ? À mon avis, il n'y a pas d'autre choix que cela, la réforme radicale des institutions de la République. Cette réforme doit même s'accompagner à mon sens d'une profonde révolution culturelle sous les vieux mots d'ordre plus que jamais d'actualité de Mom Sa rééw et Dafar Sa reew, afin de mobiliser la jeunesse autour de nouvelles valeurs et de créer pour elle des emplois en quantité, ici et maintenant.