VIDEOFAYE-SONKO, LE COMBAT DIFFÉRÉ
Mamoudou Ibra Kane voit dans la polémique entre le président de la République et son Premier ministre l'annonce d'un affrontement politique majeur que les déclarations d'amitié ne peuvent masquer

(SenePlus) - L'éditorialiste Mamoudou Ibra Kane analyse la crise ouverte entre le président et son Premier ministre comme l'annonce d'un affrontement inéluctable. Une fracture qui révèle l'incapacité du régime à résoudre les problèmes économiques du pays.
La tentative d'apaisement du président Bassirou Diomaye Faye n'a trompé personne. Lundi 14 juillet, le chef de l'État sénégalais a eu beau affirmer qu'il n'avait "aucun conflit" avec son Premier ministre Ousmane Sonko, déclarant : "Il est mon ami", la crise ouverte entre les deux hommes révèle des fractures profondes au sommet de l'État.
Pour l'éditorialiste Mamoudou Ibra Kane, leader du mouvement "Demain, c'est maintenant", cette réconciliation de façade ne fait qu'ajourner l'inévitable. "Au fond, selon moi, cela ne fait que différer le combat", a-t-il déclaré sur RFI, analysant la séquence comme bien plus qu'une simple montée de tension.
La sortie publique d'Ousmane Sonko jeudi dernier a marqué un tournant. Le Premier ministre s'en est pris ouvertement au président de la République, lui reprochant de ne pas suffisamment le soutenir face aux attaques dont il dit faire l'objet. Plus grave encore, il a pointé "un problème d'autorité dans le pays" et lancé cette phrase lourde de sens : "s'il ne peut pas, qu'il me laisse gouverner".
"On se serait cru dans un numéro de cirque. Mais cela ne fait pas rire", commente Mamoudou Ibra Kane sur RFI. "Il s'agit d'un sujet sérieux, d'un sujet qui concerne l'État du Sénégal." L'éditorialiste établit un parallèle historique troublant : "Si on interroge l'histoire, les présidents Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia constituaient un beau duo à la tête de l'État. Mais leur compagnonnage a duré le temps d'une rose, avec une crise qui a éclaté en décembre 1962."
Cette référence à la crise constitutionnelle de 1962, qui avait vu l'arrestation du Premier ministre Mamadou Dia, prend une résonance particulière. Pour Mamoudou Ibra Kane, les propos de Sonko dépassent les bornes institutionnelles : "Nous sommes dans une République avec des institutions. Il faut avoir de l'entendement. Je pense qu'un rappel à l'ordre s'imposait au chef de l'État, qui ne l'a pas fait."
Au-delà de la polémique sur l'autorité, Ousmane Sonko a envoyé un signal politique clair. "Le premier ministre dit d'abord 'personne ne peut m'empêcher de me présenter'. Cela est clair. C'est un message qu'il envoie à son camp et plus précisément au président de la République", analyse l'éditorialiste sur RFI.
Cette déclaration d'intention présidentielle révèle les enjeux de pouvoir qui se jouent au sein du Pastef, le parti au pouvoir. Sonko, figure charismatique du mouvement, ne cache plus ses ambitions pour la prochaine élection présidentielle, défiant implicitement celui qu'il a lui-même porté au pouvoir.
Mais pour Mamoudou Ibra Kane, cette querrie au sommet masque mal l'échec du régime face aux défis économiques. "Je ne faut pas limiter la question à Bassirou Diomaye Faye et à Ousmane Sonko. Je pense qu'il faut plutôt s'intéresser au ressenti des populations aujourd'hui", souligne-t-il.
L'éditorialiste dresse un constat sévère : "Mais clairement c'est un aveu en réalité d'incompétence, en tout cas d'incapacité d'attaquer de front les problèmes." Les chiffres donnent raison à cette analyse : "Vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui, les finances de l'État du Sénégal sont exsangues. L'agence de notation Standard and Poor's vient d'abaisser encore la note du Sénégal par rapport à la dette publique."