KEUR MASSAR, UN NOUVEAU DEPARTEMENT ET 1000 PROBLEMES
Les défis sont à la fois sécuritaires, sanitaires, fonciers, mais surtout environnementaux

Fraichement installé comme préfet du quarante-sixième département du pays, Sahite Fall a enregistré son premier cas de meurtre dans la journée du 27 juillet. Un homicide qui montre que les chantiers du nouveau département sont énormes. Les défis sont à la fois sécuritaires, sanitaires, fonciers, mais surtout environnementaux. Reportage
Keur Massar n’a été érigée en département qu’en début juillet et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’insécurité galopante y hante le sommeil des populations.
En face du centre commercial, lundi, un groupe de jeune gens est confortablement assis autour d’un cireur de chaussures. La discussion tourne autour du meurtre commis la veille sur un jeune citoyen dans la commune. Ce qui a vite fait de créer une psychose avec la prolifération des armes blanches qui étaient en vente libre lors des semaines qui ont précédé la Tabaski. « Le fait d’ériger Keur Massar en département est une bonne chose. Mais il faut des infrastructures de base comme un poste de police dans chaque commune. Le nombre d’agressions a vraiment augmenté. Chaque jour, on fait face à des actes de banditisme. Ce fut le cas avant-hier où un jeune a été sauvagement tué par des agresseurs. Donc nous ne sommes plus en sécurité » s’indigne El Hadj Ka, la trentaine, habillé d’une chemise à manches courtes, exposant ses muscles saillants.
Selon nos interlocuteurs, la sécurité est le plus grand défi du nouveau département. La peur est telle que rares sont les habitants qui osent s’éterniser dans les rues à certaines heures de la nuit. Dans cet espace tenu par les jeunes, il se passe souvent des scènes qui montrent la témérité des agresseurs. Un client qui sort d’un magasin peut être suivi et se voir dépouillé de ses biens dans des ruelles désertes. Beaucoup de cas d’agressions selon ce mode opératoire sont souvent constatés. Et il n’est pas rare que ces bandes d’agresseurs soient poursuivies par des mécaniciens qui n’hésitent pas à les lyncher.
A quelques mètres du centre commercial, le gérant d’un kiosque à journaux est entouré par des lecteurs. Si certains se procurent un journal avant de quitter les lieux, la plupart ne sont agglutinés que pour lire les différents titres de la presse. Ce sont certainement ceux que les Ivoiriens appellent non sans humour les « titrologues ». D’autres ont carrément pris place sur un banc de fortune installé par le vendeur. Chacun tenant un journal acquis ou prêté par le vendeur s’il n’est pas loué comme c’est souvent le cas. Dans ce lot de lecteurs, un vieil homme se distingue par la bonne humeur qu’il distille autour de lui. Interrogé sur l’insécurité, le vieux Jean Diatta ne se fait pas prier pour donner sa grille de lecture. « Il y a de cela trente ans, il y avait de fréquentes patrouilles de la police dans les quartiers. Ce qui faisait que personne ne trainait dehors à certaines heures de la nuit Et même si ces patrouilles se font toujours, elles ne sont pas aussi régulières qu’avant », déplore M. Diatta qui explique la hausse de la criminalité par l’absence de la police sur le terrain.
« Il faut un poste de police dans la commune Sud de Keur Massar ! »
Interpellée sur le défi sécuritaire, l’équipe municipale ne cache pas ses inquiétudes. Tout en magnifiant la départementalisation de Keur Massar, l’équipe municipale demeure consciente que le défi sécuritaire reste une préoccupation. « La police doit renforcer son effectif et faire de fréquentes patrouilles. Car les populations sont dans la peur. Il nous faut un poste de police dans la commune Sud de Keur Massar», plaide Matar Mbengue, chef de cabinet du maire de Keur Massar.
Selon lui, la commune Sud du nouveau département doit répondre au défi environnemental. Par exemple, avoir un hôpital de bon niveau et faire face à des maladies saisonnières comme le paludisme qui fait des ravages dans la zone. Pour le responsable politique de la mairie, il faut des infrastructures de base pour accompagner la départementalisation. Par exemple, pour chaque commune, un hôpital de bon niveau et des postes de santé. Ceci, afin de soulager les populations. Car avec la pandémie, les hôpitaux sont pris d’assaut par les habitants du département. L’autre défi, selon le chef de cabinet du maire, reste environnemental.
A l’en croire, il faut augmenter l’éclairage public. Ceci, afin d’améliorer le cadre de vie des riverains. Mais également, lutter contre le banditisme. Le volet cadre de vie englobe également le défi environnemental. C’est la raison pour laquelle M. Mbengue insiste sur un bon réseau hydraulique. Ce, dès lors qu’il existe des poches de résistance en ce qui concerne les inondations. Il s’agit également de régler définitivement le problème de l’assainissement. Les Parcelles Assainies, fortement impactées par les inondations de l’hivernage passé, sont également au cœur de ce dispositif. Ce qui fait que, malgré les assurances des autorités, les habitants demeurent inquiets. « L’année dernière, nous avions souffert avec les inondations. Ceci face à l’absence d’un bon réseau d’assainissement. Nous étions obligés de quitter nos appartements.
Le grand défi du nouveau département, c’est de résoudre le problème de l’assainissement » estime Fallou Kassé, locataire dans un immeuble de Keur Massar. Si Fallou est préoccupé par l’assainissement, son voisin de palier en appelle au règlement des voies d’accès. « Le défi majeur du nouveau département n’est rien d’autre que l’occupation anarchique des différents trottoirs. Personne ne peut passer au niveau de la station. Les trottoirs sont occupés, les voitures de Rufisque ont transformé une bonne partie de la route en garage. Vraiment le désordre qui règne à Keur Massar est insupportable », s’offusque Christophe Sagna. Cependant beaucoup de personnes pensent que le plus grand mal du nouveau département, comme partout au Sénégal, reste l’absence de civisme. « Le véritable défi de Keur Massar, c’est le niveau du civisme très bas. Ici, le degré d’indiscipline est très élevé. Honnêtement, je suis inquiète de l’avenir de ce pays. Il faut que les parents réinvestissent de nouveau dans l’éducation de leurs enfants » estime Valentine Manga, professeur de français.
A l’en croire, le développement est avant tout éducationnel. Au niveau de la gare routière du transport en commun, la majorité des chauffeurs pointent du doigt l’indiscipline de la nouvelle génération. C’est son mauvais comportement au volant et sur la route qui expliquerait les nombreux accidents constatés sur les routes du pays.