«LA CONSTITUTION N’A PAS BESOIN D’ETRE LAISSEE A LA MERCI ET A LA PORTEE DES HUMEURS POLITIQUES»
Avocat à la Cour, Me Khassimou Touré n’en est pas moins un constitutionnaliste et un observateur averti de la scène politique. Il dénonce la propension des gouvernants à tripatouiller la charte fondamentale du pays.

L’Assemblée nationale a procédé, samedi dernier, à la suppression du poste de Premier ministre. Dans un entretien qu’il a accordé à «VOX POPULI», Me Khassimou Touré a donné son avis sur cette nouvelle donne politique. «J’ai suivi le débat de très loin. Les gens ont tendance à oublier que je suis un constitutionnaliste. Avant d’être pénaliste, je suis d’abord constitutionnaliste. J’ai fait des études très poussées en droit constitutionnel. J’ai écrit des articles scientifiques en droit constitutionnel. Donc, tout ce qui se passe en matière constitutionnelle, je le sais», indique, d’emblée, l’avocat. Avant de renchérir : «Il y a des motivations qui ont été avancées par le président de la République, chef de l’exécutif, pour dire que c’est pour une question d’efficience et d’efficacité dans l’action gouvernementale, pour être plus proche de l’administration et des administrés, que pareille suppression est opportune. D’un autre côté, il y a une autre thèse qui a été avancée pour dire, qu’en réalité, la suppression du poste de Premier ministre, participe au renforcement grandiloquent du pouvoir du chef de l’Etat de pouvoir gérer avec parcimonie tout ce qui a trait à l’administration de notre cité. Ce sont deux thèses contradictoires». Mais, Me Touré pense qu’«il faut éviter de toucher et de retoucher la Constitution qui est un texte sacré». «La Constitution n’a pas besoin d’être laissée à la merci et à la portée des humeurs politiques ou politiciennes. On l’appelle la charte fondamentale. Elle a besoin de stabilité. Certaines touches et retouches en altèrent la substance utilitaire et c’est dangereux pour un Etat de droit. Parce que si on parvient à désacraliser la Constitution de notre pays, si on parvient à démythifier la charte fondamentale, l’Etat de droit saute, et c’est dangereux», souligne-t-il.
«Si on parvient à démythifier la charte fondamentale, l’Etat de droit saute»
Sur sa lancée, Me Khassimou Touré fait remarquer, pour s’en indigner : «Depuis un bon bout de temps, on est en train de désacraliser notre charte fondamentale». «La suppression du poste de Premier ministre, si tenté que les raisons avancées par le président de la République sont des raisons sincères et objectives, pour le rapprocher des dossiers, pour plus d’efficacité et de diligence, je suis preneur. Mais, s’il y a une ambition politique ou politicienne derrière, un dessein inavoué derrière, je ne suis pas preneur et je le combattrais de toutes mes forces», affirme l’avocat. Parce que, indique-t-il, «comme le disait l’autre, ce qui fait la beauté de la démocratie, c’est le sort réservé à la minorité». A son avis, «la minorité a besoin de savoir et d’être bien gouverné sans calcul politique ou politicien. Et c’est ça l’essentiel».