LA FORCE TRANQUILLE
Contesté mais jamais ébranlé, Ousmane Tanor Dieng a réussi à tenir la barque du PS jusqu’à sa disparition

Quand le bateau du Parti socialiste prenait l’eau de toutes parts au lendemain de la première alternance en 2000, il fut l’homme qui s’est évertué à colmater les brèches. Aidé en cela par de jeunes pousses à qui il a ensuite confié des postes de responsabilité au sein du parti historique déserté par les caciques. Contre vents et marées, Ousmane Tanor Dieng, capitaine sextant, est parvenu à tenir à flot le navire. Même lorsque, plus tard, en 2015, il dut faire face à une crise interne dont certains protagonistes sont des responsables dont il avait participé à l’éclosion sur la scène politique nationale.
En réalité, la carrière politique du secrétaire général du Parti socialiste n’a jamais été un long fleuve tranquille. Puisque depuis sa nomination en 1996 comme Premier secrétaire à sa candidature à la présidentielle de février 2012, Otd n’a jamais réussi à faire l’unanimité autour de sa personne. Sa prise de pouvoir au sein de la formation socialiste a été suivie du départ de plusieurs ténors dont Djibo Kâ à la veille des élections législatives de 1998 et de Moustapha Niasse, une année plus tard, en 1999. Tous les analystes politiques s’accordent à dire que ces départs ont sonné le glas du Parti socialiste et expliqueraient la défaite du 19 mars 2000. Une défaite du candidat sortant, Abdou Diouf mais aussi et surtout celle du premier secrétaire qu’il s’était choisi et qui avait la mainmise sur l’ancien parti au pouvoir. En le nommant directeur de campagne en 1993, le président Abdou Diouf avait balisé la voie à cet énarque breveté de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) en 1976.
La victoire socialiste aux élections législatives et présidentielle, en 1993, avait conforté son ascension puisqu’il s’est vu attribuer un poste sur mesure, celui de ministre d’Etat, ministre des Services et Affaires présidentiels. De ce poste, il devenait le super intendant du palais présidentiel et s’ouvrait une voie royale pour prendre pied au sein du Ps.
Au lendemain de la défaite de 2000, quelques caciques du Ps comme Robert Sagna, feu Mamadou Diop et Souty Touré demandent sa démission. En vain. En dépit de plusieurs tentatives de réconciliation, ces derniers ont finalement claqué la porte pour former leur propre formation politique. L’ancien conseiller diplomatique du président Léopold Sédar Senghor est élu député, pour la première fois, aux élections législatives de 2001. Sans être un champion du verbe comme les autres opposants (mais sa plume est des plus sublimes selon certaines sources), il est apparu comme le candidat naturel de l’ancien parti au pouvoir lors des élections présidentielles de 2007 et de 2012. Allié du président Macky Sall depuis la présidentielle de 2012, l’homme s’est signalé par une loyauté à toutes épreuves, apportant son soutien à l’action du gouvernement où le Ps est représenté par ses deux plus fidèles lieutenants depuis toujours : Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye. Jamais demandeur de poste, Ousmane Tanor Dieng lui-même attendra quatre ans, c’est-à-dire en 2016, pour se voir confier la présidence du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct). Poste qu’il cumulait avec celui de maire de Nguéniène, commune du département de Mbour où il vit le jour en 1947.
Malgré les multiples adversités, le natif de Nguéniène, de nature introvertie, a toujours su faire le dos rond et laisser passer les bourrasques de la contestation de son autorité. Jamais un mot plus haut que l’autre. L’homme est toujours dans la mesure. Même les malheureux événements survenus lors de la réunion du Bureau politique du 5 mars 2016, n’ont réussi à sortir Ousmane Tanor Dieng de ses gonds.
Aujourd’hui, si le Ps a retrouvé du poil de la bête et continue d’être le parti le plus structuré de la scène politique sénégalaise, au point qu’on y organise des élections internes, c’est sans doute grâce à lui. Parce qu’il faut le reconnaître, par le passé, le Ps n’avait pas cette ouverture démocratique qui le caractérise aujourd’hui. Le mérite d’Ousmane Tanor Dieng a été d’avoir maintenu ce parti en vie lors de la traversée du désert consécutive à la perte du pouvoir en 2000.