VIDEOLA HAUTE COUR PIRE QUE LA CREI
Théodore Monteil et Ahmeth Thiam estiment que la procédure votée hier à l'Assemblée contre cinq ministres du régime précédent s'apparente à une "justice guillotine" encore plus redoutable que son précédent, bien que déjà controversée

L'Assemblée nationale a adopté hier des résolutions d'accusation contre cinq anciens ministres du régime précédent : Mansour Faye, Moustapha Diop, Sophie Gladima, Ndeye Sali Diop et Ismaïla Madior Fall. Ces derniers devront désormais comparaître devant la Haute Cour de Justice pour des accusations liées principalement à des détournements de deniers publics.
Cette décision, prise dans un "silence de cathédrale" selon l'ancien député Théodore Monteil, soulève de vives inquiétudes quant au respect des procédures judiciaires et des droits de la défense. "J'ai eu l'impression d'avoir des députés qui caractérisaient des gens, qui portaient déjà des jugements, mais qui dans le même temps cherchaient à justifier leur position", a-t-il déclaré lors d'une intervention télévisée sur la TFM.
Le président de l'ONG Justice Sans Frontières, Ahmeth Thiam, dénonce pour sa part une "procédure inquisitoriale et tendancieuse" qui favorise davantage l'accusation que la défense. Il rappelle que les décisions de la Haute Cour de Justice ne sont susceptibles d'aucun recours - ni appel, ni cassation - ce qui rend cette juridiction particulièrement redoutable.
Les experts pointent également l'ambiguïté de l'article 101 de la Constitution sénégalaise qui ne définit pas clairement les conditions de mise en accusation des ministres. "On a tendance quelquefois à fouler au pied les lois et ceux qui foulent au pied les lois, ce sont les plus hautes institutions du pays", s'alarme Monteil, qui appelle à une révision urgente des textes juridiques.
Cette affaire pourrait compromettre le dialogue national convoqué par le président Diomaye Faye pour la fin du mois. "Quand vous appelez vos adversaires politiques à une concertation et qu'en même temps ils sont sous le coup de la loi, en matière de politique, ce n'est pas la vérité qui compte, c'est l'opinion", analyse l'ancien parlementaire.
Les deux intervenants s'accordent sur la nécessité de réformer en profondeur la justice sénégalaise pour garantir des procès équitables et respectueux des normes internationales. Ils se disent prêts à participer au dialogue national pour contribuer à cette réforme essentielle à la démocratie sénégalaise.