L'ALLIANCE BRISÉE QUI PROFITE À PASTEF
La séparation inattendue entre Khalifa Sall et Barthélémy Dias fragmente l'opposition. Cette rupture d'alliance, sans hostilité apparente mais lourde de conséquences, laisse le champ libre au parti au pouvoir pour consolider son emprise politique

Khalifa Sall et Barthélémy Dias ont traversé ensemble le désert depuis 2014 avec la création du mouvement Taxawu Dakar. Depuis lors, ils ont vécu une épopée glorieuse tout comme des moments de galère. En décidant de se séparer aujourd'hui, ils vendangent tous les points engrangés jusque-là en politique.
Toute chose a une fin. Mais le divorce entre Khalifa Sall et Barthélémy Dias est assez prématuré. Les deux hommes ont décidé de se séparer de la meilleure des manières sans heurts ni anicroches. Aucune déclaration qui, pour le moment, laisse entrevoir une hostilité entre eux.
"Dias-fils" a tout simplement décidé de créer son propre mouvement politique. Pendant ce temps, Khalifa Sall qui avait préféré faire un petit recul pour donner plus de place à son poulain Barth, décide d'être à nouveau hyperactif dans le champ politique. La preuve, il s'est engagé en première ligne au niveau du Front pour la Défense de la Démocratie et de la République (FDR) dont il est aujourd'hui l'un des porte-étendards.
Même si les deux acteurs politiques ont préféré taire l'origine de leur divergence, force est de constater que des responsables de Taxawu Sénégal ont toujours rouspété en coulisses en accusant l'ancien maire de Dakar d'avoir favorisé ses hommes dans la confection des listes électorales lors des dernières élections législatives.
Les partisans de Barth reprochent, quant à eux, à certains cadres de Taxawu Sénégal de ne pas avoir suffisamment mouillé le maillot lors de la dernière compétition électorale.
Quoi qu'il en soit, il faut noter que Khaf et Barth ont longuement cheminé ensemble et ils ont partagé beaucoup de choses en politique. Exclus du Parti socialiste (PS) en 2017, ils ont fondé Taxawu Sénégal qui est le prolongement de leur mouvement Taxawu Dakar créé en 2014, alors qu'il était toujours au Parti socialiste (PS), pour se battre contre le régime de Macky Sall dans la capitale sénégalaise lors des élections locales.
Cette opposition au régime Sall leur a coûté leur liberté, leur poste et même une exclusion de la formation de Léopold Sédar Senghor qui les a couvés, formés et révélés en politique.
À qui profite le divorce ?
Certes, ils se sont séparés en vrai gentlemen. Mais ils seront tous les deux perdants de ce divorce. Khalifa Sall perd un homme de confiance, un de ses guerriers les plus fidèles et qui a été au premier plan dans tous les combats qu'il a engagés. Il devra ainsi continuer avec un Taxawu Sénégal amputé d'un de ses plus grands ambassadeurs. À coup sûr, cette séparation va déteindre sur le leadership de Taxawu au sein de l'opposition. En effet, même si le peuple sénégalais a montré à plusieurs reprises qu'il faisait confiance au régime PASTEF, il est évident cependant qu'avec le moindre écart des nouvelles autorités, Taxawu pourrait incarner une alternative crédible.
En plus, il faut noter que le mouvement Taxawu risque de se déchirer avec des cadres qui resteront fidèles à Khalifa Sall et des responsables qui vont préférer dessiner un nouveau cap politique avec Barthélémy Dias.
Khalifa continue d'être charismatique, mais il lui manque de la hargne politique. En plus, il prend de l'âge. Et il ne lui reste qu'une carte à jouer pour prétendre à la fonction présidentielle.
Par contre, Barthélémy Dias est jeune, fougueux et intrépide. Il a cette faculté de perturber le mastodonte PASTEF et dispose de plus de chances de compter encore en politique. En quittant Taxawu Sénégal, il perd cette possibilité d'hériter d'un appareil politique assez structuré sur lequel il pourrait s'appuyer pour réaliser ses ambitions politiques.
Dans le contexte actuel, Dias-fils est obligé de repartir à zéro en créant une toute nouvelle plateforme politique espérant ainsi se positionner dans l'opposition radicale.
Mais en s'empressant de quitter la barque menée par Khalifa Sall, Barth vendange tout le travail qu'il a abattu jusque-là. Pis, il s'isole davantage dans un espace politique très hostile où le jeu d'alliance est fondamental. Même s'il est fort probable que Barth se ligue avec de nouvelles entités ou personnalités hostiles aux Pastéfiens, il ne sera jamais à l'aise mieux que chez soi, Taxawu Sénégal où il pouvait déployer toutes ses ailes tant que lui et Khalifa Sall étaient en bons termes.
En définitive, c'est Pastefqui gagne dans cette affaire parce qu'il aura en face un "Taxawu Sénégal" moins fort et par conséquent moins dangereux politiquement.