L'AMBITION DE DIAS TROP GRANDE POUR TAXAWU
Les échecs électoraux de 2024 ont révélé les limites de l'alliance entre Barthélémy Dias et Khalifa Sall. "L'affection naturelle qu'il éprouve pour Khalifa a pu lui nuire", confie un collaborateur du maire de Dakar

(SenePlus) - C'est une séparation qui couvait depuis plusieurs mois. Barthélémy Dias, maire de Dakar, quitte le mouvement Taxawu Sénégal pour poursuivre sa propre voie politique, a annoncé Khalifa Sall lors d'une réunion au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices) le week-end dernier. D'après les informations recueillies par Jeune Afrique, plusieurs facteurs expliquent cette rupture politique, aussi discrète que significative.
"L'affection naturelle qu'il éprouve pour Khalifa Sall a pu lui nuire", confie à A un collaborateur du maire de Dakar. Selon cette même source, Barthélémy Dias aurait "tout fait pour permettre à ce dernier d'obtenir la consécration d'une première candidature à la présidentielle, quitte à en payer le prix." Une abnégation qui n'aurait pas porté ses fruits, Khalifa Sall n'ayant récolté qu'un score de 1,56% lors de la dernière élection présidentielle.
Le départ de Barthélémy Dias serait également motivé par des divergences profondes sur le fonctionnement interne du mouvement. Toujours selon les témoignages recueillis par l'hebdomadaire panafricain, le maire de Dakar aurait fait les frais de "l'inorganisation interne" et de "certains choix stratégiques" de Taxawu Sénégal. Ces dysfonctionnements auraient limité sa capacité d'action et freiné ses ambitions politiques personnelles.
"Barthélémy Dias songe à quitter Taxawu Sénégal, il espère peser davantage en étant seul", confiait déjà il y a quelques mois à Jeune Afrique une source dans son entourage. Cette volonté d'indépendance politique traduirait l'ambition du maire de Dakar de développer son propre projet, sans être constamment associé à la figure de Khalifa Sall.
Cette séparation s'inscrit dans un contexte plus large des tensions générationnelles qui traversent la politique sénégalaise. Comme le souligne Jeune Afrique, le pays connaît régulièrement des situations où "les dauphins pressentis quittent la maison mère pour s'en aller voler de leurs propres ailes, confrontés à un plafond de verre." À 69 ans, Khalifa Sall reste fermement à la tête de Taxawu Sénégal, limitant potentiellement les perspectives d'évolution de son ancien numéro deux.
Malgré cette séparation, l'ancien leader de Barthélémy Dias a tenu à lui rendre hommage. "Il l'a fait avec respect, en saluant l'engagement passé de Barthélémy et en lui souhaitant bonne chance pour la suite", indique à Jeune Afrique Mamadou Léopold Mbaye, président de la commission scientifique de Taxawu Sénégal. Ce dernier ajoute : "Barthélémy Dias a été un acteur important de notre plateforme, dont il occupait la place de numéro deux. S'il estime aujourd'hui être assez grand pour aller défendre son projet en dehors de Taxawu Sénégal, c'est une décision que nous respectons, même si ce n'était pas notre souhait."
Cette rupture intervient dans un moment particulièrement délicat pour l'opposition sénégalaise, déjà considérablement affaiblie après les échecs électoraux de 2024, qualifiée d'"année zéro" par Jeune Afrique. Face à la domination écrasante du parti Pastef, Barthélémy Dias se retrouve désormais dans une position précaire, "sans tutelle, face à une page blanche", après être également "entré en disgrâce auprès de ses anciens alliés de Pastef, qui cherchent aujourd'hui à l'écarter de l'hôtel de ville de la capitale après l'avoir éjecté sans ménagement de l'Assemblée nationale", conclut l'hebdomadaire panafricain.