"L'AUTOCRITIQUE MANQUE" EN AFRIQUE, SELON ABDOULAYE BATHILY
L'historien appelle les dirigeants africains à une réflexion "sereine et dépassionnée" pour comprendre pourquoi l'Asie et l'Amérique du Sud ont dépassé le continent. Il recommande "moins de slogans" pour sortir de l'ornière

Le Professeur Abdoulaye Bathily a animé, ce samedi à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), une conférence sur le thème « Dynamiques géopolitiques mondiales et Perspectives africaines ». L'historien a, sans complaisance, diagnostiqué les maux de l'Afrique. Il a relevé plusieurs facteurs dont des coups d'État, des crises politiques et la division qui, à ses yeux, freinent le développement de l'Afrique.
L'Afrique a encore énormément du chemin à parcourir pour atteindre son développement et sa souveraineté. C'est la conviction de l'Historien, Pr Abdoulaye Bathily. Il s'exprimait ainsi en marge d'un panel organisé hier par l'Association des Historiens du Sénégal. Abdoulaye Bathily souligne en effet que depuis, des décennies de crises de gouvernance ont handicapé, et empêché l'Afrique d'atteindre l'objectif stratégique décliné à la conférence d'Addis Abeba, le 24 et le 25 mai 1963.
« L'espoir de se libérer de la tutelle coloniale, de construire un nouveau système économique, un nouveau système politique, réaffirmer l'identité de l'Afrique, sa culture, il y a encore énormément de chemin à parcourir. Les gens de notre génération, nous avons été témoins de tout cela avec beaucoup de déception, notre économie ne fonctionne pas. Nos systèmes politiques sont en crise dans tous les pays et globalement », regrette l'historien.
Et d'ajouter : « Notre indépendance politique, obtenue de hautes luttes, est plus que jamais menacée aujourd'hui par des crises sécuritaires dans des pans entiers du territoire africain, que ce soit l'Afrique de l'Ouest ici, au Sahel, en Afrique de l'Est, en République démocratique du Congo. Depuis l'indépendance, il y a eu plus de 200 coups d'État militaire en Afrique. Plus de 200 coups d'État et des crises de la démocratie ».
L'historien appelle ainsi aux dirigeants africains surtout la nouvelle génération de mener une réflexion sereine, dépassionnée de ce qui se passe, de ce qui nous est arrivé. « Nous avons besoin, nous Africains, de moins de slogans et de plus de réflexions approfondies, d'analyses froides de la situation, d'autocritiques. Puisque lorsqu'on considère ce qui s'est passé, l'Asie nous a dépassés sur beaucoup de plans. L'Amérique du Sud nous a dépassés. Nous devons nous interroger sur ces questions sans complaisance. Aujourd'hui, il y a beaucoup de discours, mais l'autocritique manque », affirme Pr Abdoulaye Bathily.
Il exhorte également aux pays d'Afrique de bâtir une unité solide. « Il y a une trentaine de pays étrangers qui veulent, chacun individuellement, réunir autour de lui les 53 pays africains parce que l'Afrique est devenue aujourd'hui un objet de convoitise pour ces richesses minérales de toutes sortes. Et malheureusement, la réponse au niveau continental tarde encore à se mettre en œuvre. Plus que jamais, la lutte en solo est vouée à l'échec. Plus que jamais, il sera nécessaire de se mettre ensemble. Ce n'est pas en nous séparant que l'Afrique va se tenir debout. Et prendre le chemin, tous collectifs, par une poignée d'élus. C'est une des sources de nos malheurs. L'Afrique a les moyens de son développement » affirme l'ancien ministre de l'Environnement.
Et d'ajouter : « Il faut également, parce que l'unité, ce n'est pas seulement pour le cœur. L'unité, c'est pour le cœur, mais surtout la raison. Nos pays, pris individuellement, sont trop petits pour être des espaces de développement ». Pr Abdoulaye Bathily en exhortant les dirigeants à décider comment transformer les richesses dans nos pays. « Nous ne resterons pas simplement des exportateurs de produits pour aller enrichir d'autres, développer les industries dans d'autres pays. L'Afrique a les moyens aujourd'hui d'arriver à mettre en poule les réserves de matières premières dont elle dispose pour créer les conditions d'une industrialisation du continent », ajoute l'Historien, Abdoulaye Bathily.