LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL LIMITE LES NOUVEAUX POUVOIRS DES DÉPUTÉS
Contrainte de comparution, saisine directe du procureur, renouvellement de la Haute Cour de Justice : la haute juridiction a rayé d'un trait plusieurs dispositions controversées de la loi organique adoptée par l'Assemblée en juin dernier

(SenePlus) - Le Conseil constitutionnel a rendu ce vendredi 25 juillet une décision majeure censurant plusieurs articles clés de la récente réforme du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, adoptée fin juin par 138 députés sur 165. La décision n° 2/C/2025, délibérée le 24 juillet 2025, invalide des dispositions importantes de la loi organique n° 09/2025 portant Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
Selon les extraits officiels de la décision, plusieurs articles ont été jugés contraires à la Constitution :
Article 56 partiellement invalidé : Le Conseil a censuré les dispositions permettant au président de l'Assemblée nationale de requérir la force publique pour contraindre une personne à comparaître devant une commission d'enquête. Le Conseil admet sa constitutionnalité sous réserve que la comparution soit volontaire et ne concerne que des faits exclusivement liés à l'organisation du service public de la justice, à l'exclusion de toute affaire en cours ou passée.
Article 57 invalidé : L'alinéa 4 de l'article 57, qui permettait à une commission d'enquête de saisir directement le Procureur de la République en cas d'infraction, a aussi été invalidé. Le Conseil rappelle que cette prérogative revient à l'exécutif, et non au législatif, et qu'une commission parlementaire ne saurait se substituer au parquet.
Articles 133, 134, 135 et 136 : La décision invalide également des dispositions relatives à la représentation de l'Assemblée nationale dans les organismes extérieurs et aux conditions de renouvellement des membres de la Haute Cour de Justice.
Conditions strictes pour l'audition des magistrats
Un élément central de la décision concerne les conditions d'audition des magistrats par les commissions d'enquête parlementaires. La haute juridiction a posé des conditions strictes :
- La comparution doit être exclusivement volontaire
- Elle ne peut concerner que des faits liés à l'organisation du service public de la justice
- Exclusion totale de toute affaire en cours ou déjà jugée
- Sollicitation préalable obligatoire du ministre de la Justice
Ces restrictions visent à préserver l'indépendance du pouvoir judiciaire face aux investigations parlementaires.
Cette décision constitue un revers institutionnel majeur pour le président de l'Assemblée nationale, Malick Ndiaye, élu en décembre 2024, qui avait fait de cette réforme une priorité. La réforme était portée par les députés Mohamed Ayib Salim Daffé (Pastef), Aïssata Tall (Takku Wallu Sénégal) et Tafsir Thioye (non-inscrit).
La loi organique avait été saisie par le président de la République le 7 juillet 2025 et adoptée par l'Assemblée nationale le 27 juin 2025 avec 138 voix pour, 00 voix contre et 01 abstention, conformément aux exigences constitutionnelles pour ce type de texte.