LE DIALOGUE, UN ATOUT POUR MARQUER SES DIVERGENCES
Pour Moussa Diaw, cette concertation offre l'opportunité de "proposer des alternatives programmatiques", loin des anciennes pratiques clientélistes qui ont longtemps caractérisé la vie politique du pays

Le dialogue politique annoncé le 28 mai prochain est un mécanisme de débat contradictoire. C'est l'analyse du Professeur en Science politique, Moussa Diaw. Il se demande, en même temps, si ceux qui ont adopté la voie du boycott n'auraient pas tort au moment où le pays s'engage dans la mouvance de la bonne gouvernance et de la transparence.
Il va s'ouvrir au Sénégal, le 28 mai prochain, un dialogue national sur le système politique. Mais le vœu d'une démarche inclusive voulue par le chef de l'État ne sera pas réalisé. Et pour cause, le boycott annoncé par une partie de l'opposition notamment de l'Alliance pour la République de Macky Sall et de la République des Valeurs de Thierno Alassane Sall. Face à cette éventualité de boycott, le Professeur Moussa Diaw a, dans un article partagé avec la Rédaction, jeté le regard sur le soubassement de ce dialogue qui, dit-il, s'inscrit dans une logique participative et de recherche de consensus indispensable dans un espace démocratique.
Dès lors, le dialogue national, estime le Pr en Science politique, est un mécanisme de débat contradictoire. «Concertations nationales, conférences nationales, dialogue national, quelle que soit la dénomination choisie, cette initiative fixée, le 28 mai 2025, apparaît comme une opportunité pour associer l'ensemble des acteurs de différents horizons, formations politiques, société civile, organisations syndicales et autres, à des journées de réflexion afin d'asseoir de nouvelles règles de fonctionnement et de pratiques politiques, tout comme des adaptations nécessaires au code électoral», a-t-il écrit.
Plus loin, ajoute le spécialiste en Relations internationales, contrairement aux précédents dialogues intervenus dans un contexte d'impasse politique et de stratégie de contournement pour une reprise en main de l'initiative par des marchandages ou négociations, ces nouvelles rencontres sans arrière-pensée politique ouvrent des perspectives consubstantielles au changement politique et aux réformes institutionnelles à venir.
«Certains leaders politiques, habitués à des combines comme le pantouflage, recyclage ou «protocole», voire la transhumance, ne sont pas enclins à participer sans contrepartie au dialogue dans un contexte de reddition des comptes irréversible», constate le Pr Diaw non sans s'interroger : «Ceux qui ont choisi délibérément la voie du boycott ou de la contestation tous azimuts n'auraient-ils pas tort d'adopter une telle attitude au moment où le pays s'engage dans la mouvance de la bonne gouvernance et de la transparence ?»
En réalité, le spécialiste en science Po est d'avis que le Sénégal ne traverse pas une crise politique inédite ou sociale. Mais, à ses yeux, il souffre d'une mauvaise gouvernance économique et politique, avec des pratiques qui ont lourdement pesé sur ses capacités de développement.
Il convient, à cet effet, de redresser la situation par des mesures conséquentes et des initiatives permettant à l'ensemble des citoyens de participer à cette œuvre pour relever les défis. «L'opposition, quelle que soit sa configuration (fracturée), est une composante essentielle du paysage démocratique, elle doit s'efforcer de se conformer par sa créativité, l'innovation au niveau des idées, des hommes susceptibles de proposer des alternatives programmatiques et de convaincre les citoyens. Dès lors, le dialogue politique représente un atout pour marquer ses divergences et contribuer à ce travail, préalable à des réformes incontournables pour la stabilité et la consolidation de la démocratie», a-t-il martelé non sans faire remarquer que «la politique a changé de visage».
De l'avis du Pr Moussa Diaw, la politique a subi des mutations inexorables qui ont subrepticement pris de court des politiques qui ne s'attendaient pas à ce que le pouvoir leur échappe dans la mesure où ils l'ont construit dans un système de mobilisation clientéliste, fondé sur des pratiques distributives des ressources publiques. «Cette façon de faire de la politique s'est interrompue par la raréfaction des ressources mais surtout par l'arrivée de nouvelles autorités qui ont des conceptions différentes de la politique», a-t-il remarqué.