LE FRONT DE L’OPPOSITION SE DISLOQUE EN TROIS CAMPS
La question du dialogue politique a fini de mettre en lambeaux le Front de résistance nationale (FRN) qui regroupe jusqu’ici l’essentiel des coalitions et partis de l’opposition face au pouvoir de Macky Sall

Désormais, il y a trois camps aux idées divergentes au sein de cette alliance d’opposants.
Il ne reste pas grand-chose du Front de résistance nationale (FRN) de l’opposition. C’est le constat fait par plusieurs responsables de partis membres de ladite entité qui regroupe, depuis la veille de l’élection présidentielle du 24 février dernier, les franges les plus représentatives de l’opposition. Si on en est arrivé là, selon ces responsables avec qui nous nous sommes entretenus mais qui ne souhaitent pas pour l’heure «ajouter à la cacophonie», c’est en partie à cause du dialogue politique. Particulièrement de la divergence de vue des leaders des différentes coalitions et partis en présence. Car, de fait, les leaders de l’opposition ne parlent plus le même langage. Et la sortie, mercredi dernier, d’Ousmane Sonko qui a brûlé le dialogue national et flingué les membres de l’opposition qui y ont pris part n’est que le reflet de cet état d’esprit. En vérité, expliquent des responsables du FRN, c’est trois camps qui se font face au sein de l’opposition : celui des radicaux, celui des modérés et celui des dialoguistes. Trois camps qui pèsent chacun le poids de leurs animateurs et qui essaient d’imposer leur point de vue aux autres, créant de fortes dissonances dans les rangs.
Les radicaux : Sonko, Wade, Abdoul Mbaye, Tekki…
Dans le camp des radicaux, celui de ceux qui disent qu’il ne faut jamais faire confiance à Macky Sall, donc qu’il ne saurait être question de discuter avec lui voire de s’asseoir à la même table que lui, il y a Ousmane Sonko, sans doute le plus virulent de tous, mais aussi Abdoul Mbaye, tout aussi en délicatesse avec celui qui en avait fait son Premier ministre, mais également Mamadou Lamine Diallo de Tekki. Mais ce camp compte aussi une recrue de taille en la personne d’Abdoulaye Wade. Un Me Wade pour qui, c’est Karim ou rien. Et dès lors que le cas Karim n’est pas au centre du dialogue, il n’y a rien à discuter avec Macky..
Les modérés : Idy, Madické, Issa Sall, Gakou, Pape Diop…
Le second camp est celui des modérés. Ce camp prône le dialogue avec Macky Sall certes, mais il avance une condition. C’est qu’il veut ce qu’il appelle «un dialogue sérieux». C’est à dire un dialogue où les problèmes seront posés, des solutions avancées et mises en œuvre pour sortir le pays de l’impasse, comme ils disent. Principaux animateurs de ce camp, les candidats malheureux à la Présidentielle : Idrissa Seck, Madické Niang et El Hadji Issa Sall. Mais aussi des souteneurs de «Idy 2019», comme Malick Gakou, Pape Diop, entre autres.
Les dialoguistes : Decroix et les petits partis
Le troisième et dernier camp est celui dit des dialoguistes. A sa tête, il y a Mamadou Diop Decroix, coordonnateur intérimaire du FNR, en l’absence de Moctar Sourang, parti à La Mecque, ainsi qu’un conglomérat de petits partis. Eux sont pour un «dialogue sans contenu», dit-on. L’essentiel, de leur point de vue, étant que soit rétablie la confiance entre le pouvoir et l’opposition et que les deux camps se parlent. Car, comme l’a si bien dit Decroix lors de la journée du dialogue, le 28 mai dernier, «la crise de confiance est profonde entre vous (Macky Sall) et nous l’opposition). Il ne sert à rien de la sous-estimer, encore moins de l’ignorer».
Une crise de confiance sans précédant.
Cette prise de parole du coordonnateur intérimaire du FRN n’a fait finalement qu’entériner une situation de fait : le FRN a fini de voler en éclats depuis, sous les coups de boutoir de Wade et le poids de la discorde entre leaders quant à la conduite à tenir. Et cela, en dépit des apparences. En réalité, du FRN d’origine, en termes de philosophie de lutte, il ne reste pas grand-chose, sinon le noyau dur de «Idy 2019». La question aujourd’hui est de savoir que vont faire les modérés, eux qui constituent désormais l’ossature du Front ? Car, de leur attitude dépendra l’avenir du dialogue politique, du dialogue tout court avec le team de Famara Ibrahima Sagna. Un dialogue politique où le FRN est représenté par une équipe dirigée par Déthié Fall de REWMI et auquel tous les opposants prennent part, sauf le PDS de Me Wade et PASTEEF de Sonko. Il faut dire que depuis le départ de la coordination du Front de Malick Gakou, c’est en quelque sorte le désordre qui y règne. Aujourd’hui, il y a une réelle crise de confiance entre le coordonnateur intérimaire Diop Decroix et les autres leaders. Certains vont même jusqu’à dire qu’au même titre que Me Wade, «Decroix a cassé l’opposition», en affirmant que «la crise de confiance est encore plus grave au sein même de l'opposition qu’entre elle et Macky».