«LE MESSAGE QUE WADE AVAIT DELIVRE …»
Kalidou Diallo a été le dernier ministre de l’Education du régime dirigé par Abdoulaye Wade (2000-2012). Il revient sur l’ambiance de la dernière réunion du Conseil des ministres présidée par l’ancien président, après la défaite de 2012.

Comment avez-vous vécu le dernier Conseil des ministres présidé par Abdoulaye Wade en 2012 ?
Notre dernier Conseil des ministres de 2012 et celui de l’actuel gouvernement qui aura lieu demain (aujourd’hui) sont différents. En 2012, nous avions un changement de régime. D’abord, dès qu’il y a eu un deuxième tour, il y avait des doutes. On s’attendait à cette défaite. Les élections ont eu lieu le 25 mars. Le pouvoir a été complètement perdu au profit du président, Macky Sall. Et le dernier Conseil des ministres a eu lieu le 28 mars. Beaucoup de personnes comme moi avaient déjà avalé la pilule. De mon point de vue, ce n’était pas la fin du monde, parce que sur le plan personnel, j’ai pensé avoir servi l’Etat pendant un certain nombre d’années. J’étais très satisfait de mon bilan dans l’éducation. D’autant plus satisfait que dès que nous avons terminé ce dernier Conseil des ministres, j’ai déposé mon rapport bilan du secteur de l’éducation, notamment les réalisations qui ont été faites et les perspectives, le même jour, à 18 heures. Nous avons reçu les Conseils et les orientations du président demandant aux ministres d’appuyer le présidentMacky Sall. Lorsque le président Sall m’a reçu une année après, le 25 mars 2013 au palais, nous avions discuté de ce rapport. J’ai passé mon dernier Conseil des ministres tout à fait satisfait, mais avec la certitude de savoir que notre pays est dans de bonnes mains. Je connaissais l’homme. Et le président Abdoulaye Wade avait dit : « c’est toujours mon fils qui est resté au pouvoir ».
Il l’a dit en Conseil des ministres ?
Oui, il a dit cela en Conseil des ministres. Le président Wade avait dit : « de toute façon, Macky Sall, c’est le moindre mal ». De tous les candidats qui étaient en course, Abdoulaye Wade estimait que Macky Sall était le moindre mal. Il avait souligné que c’est son fils et un libéral. C’est pourquoi il avait demandé à tous les ministres de l’appuyer. Des gens comme moi étaient très à l’aise. Quand on est carriériste et qu’on n’a pas de perspectives de vie, on se pose des questions. Mais ce n’est pas la fin du monde. Quand on a des perspectives, on ne se pose pas beaucoup de questions. J’ai repris service à l’université le 2 avril, le jour de la prestation de serment du président Macky Sall pour continuer à service la Nation en tant qu’universitaire. Le poste de ministre est un simple boubou qu’on porte et qu’on enlève. Je pense aussi qu’être ministre est un sacerdoce. Il faut être fier d’avoir servi les Sénégalais. Le moment venu, il faut savoir partir. Si je regarde sept ans avant, je ne vois pas de regrets. Le changement de régime est un approfondissement de la démocratie. Un changement de génération. C’est aussi d’autres perspectives pour notre pays.
Y avait-il de l’émotion ou de la peur dans la salle ?
C’est normal que les gens soient crispés. C’est la défaite. Est-ce qu’un lutteur qui a perdu un combat doit être heureux ? Mais il faut être républicain. C’est ça la valeur. Je ne sentais pas que les gens étaient tristes, revanchards, etc. On ne pouvait pas avoir une atmosphère joviale, mais le président Wade a parlé à chaque ministre. Après le Conseil, nous sommes allés prendre une photo devant les marches du palais. Il a serré la main à chacun. C’était impressionnant. C’était un beau souvenir. J’étais très fier de ce que j’avais fait. J’étais fier d’avoir travaillé pour mon pays.
Wade était-il serein ?
Il était très serein. Je n’avais pas vu en lui une attitude qui montre qu’il regrettait quelque chose. Je ne peux pas juger mes collègues, mais personnellement, j’étais serein. C’est évident que quand on change de régime, des avantages sautent. Il fallait aussi rendre compte. Personnellement, j’n’avais aucune peur. Je n’avais pas de problème personnel par rapport à la gestion. J’étais à l’aise. Je n’avais aucun souci pour l’avenir. Ça doit être ainsi en République. Quand on gère bien, on ne doit se faire aucun souci.
Quels conseils donneriez-vous à vos collègues qui n’auront pas la chance d’être reconduits ?
Macky Sall n’a pas beaucoup remanié son gouvernement contrairement à Wade. Sous le président Wade, nous avions même un ministre qui n’a pas fait 24 heures. Nous avions des ministres qui ont fait un mois. Je ne peux pas les citer. Nous avons d’autres qui n’ont pas fait un an, mais avec le président Macky Sall, il y a une stabilité gouvernementale assez longue. Il y a des ministres qui sont là depuis son arrivée. Je pense que tous les ministres qui sont avec Macky Sall n’auront aucun regret à quitter. La fonction de ministre n’est pas une profession. Ils ont servi la République et le président. C’est la fin de leur mission. Ils peuvent avoir d’autres postes. En tout cas, pour la première fois, nous avons un président de la République qui a les coudées franches. Il est dans un dernier mandat. Il ne se représente pas. Il n’a pas de pression. La seule pression qu’il peut avoir est celle du choix des députés qui doit intervenir à deux ans de la fin de son mandat. Etant donné qu’il lui restera deux ans, il peut avoir des difficultés pour choisir les députés de sa coalition. Certains peuvent refuser la discipline de parti. Cela peut mettre le président dans une situation inconfortable et le pousser à mal terminer son mandat. C’est pourquoi, je fais partie de ceux qui pensent qu’il doit proroger le mandat des députés.