LE SÉNÉGAL CONDAMNÉ POUR COUPURE ILLÉGALE D'INTERNET EN 2023
Dans un arrêt rendu ce 14 mai 2025, la Cour de Justice de la CEDEAO condamne Dakar à indemniser l'ASUTIC et son président pour violation des libertés fondamentales, tout en lui ordonnant de ne plus recourir à de telles pratiques à l'avenir

(SenePlus) - La Cour de Justice de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a rendu, ce mercredi 14 mai 2025, un verdict historique condamnant la République du Sénégal pour violation des droits fondamentaux suite aux coupures d'internet survenues en juin et juillet 2023.
Selon les informations communiquées, la Cour a statué en faveur de l'Association des utilisateurs des TIC (ASUTIC) et de son président Ndiaga Gueye, qui avaient saisi l'instance régionale d'une requête pour violations des droits de l'homme le 15 septembre 2023 (affaire référencée ECW/CCJ/APP/37/23).
Dans sa décision finale, l'institution judiciaire régionale a formellement déclaré que les coupures d'internet et des réseaux sociaux imposées par les autorités sénégalaises étaient "illégales et constituant une violation des droits des requérants à la liberté d'expression et d'information". La Cour a également reconnu que ces restrictions représentaient une violation du droit au travail de M. Ndiaga Gueye.
À titre de réparation, la juridiction communautaire a accordé 250 000 francs CFA à l'ASUTIC et à M. Gueye pour la violation de leurs droits à la liberté d'expression et d'information. Le président de l'association s'est également vu attribuer 250 000 francs CFA supplémentaires pour la violation spécifique de son droit au travail.
Des sanctions financières et une injonction pour l'avenir
Au-delà de ces compensations financières, la Cour a pris une mesure préventive importante en ordonnant expressément au Sénégal "de s'abstenir d'imposer à l'avenir des restrictions illégales ou arbitraires à Internet". Cette injonction pourrait créer un précédent significatif pour d'autres pays de la région.
Il convient de rappeler que les coupures d'internet incriminées étaient intervenues dans un contexte de fortes tensions politiques au Sénégal en juin et juillet 2023. Le gouvernement d'alors, dirigé par le président Macky Sall, avait justifié ces mesures par des impératifs de sécurité nationale face aux manifestations qui secouaient le pays.
L'ASUTIC, organisation à but non lucratif qui travaille à protéger les droits numériques, soutenir l'économie numérique et promouvoir l'écologie numérique, avait immédiatement dénoncé ces restrictions comme disproportionnées et attentatoires aux libertés fondamentales. L'association, qui a également pour objectif de "contribuer au renforcement de la démocratie à travers la transparence, la responsabilité des décideurs et la participation des citoyens(nes)", avait alors décidé de porter l'affaire devant la justice régionale.
Cette décision de la Cour de Justice de la CEDEAO intervient presque deux ans après les faits, mais établit un important précédent juridique concernant la protection des libertés numériques en Afrique de l'Ouest. Elle rappelle aux États membres que, même en période de crise, certaines restrictions aux libertés fondamentales ne peuvent être justifiées sans base légale solide et proportionnée à l'objectif poursuivi.
Au moment de la publication de cet article, les autorités sénégalaises n'avaient pas encore réagi officiellement à cette condamnation.