VIDEOLE SÉNÉGAL VIT LA MÊME SITUATION QU'EN 1962, SELON MOUSSA TINE
"Vous ne pouvez pas gouverner qu'avec des militants." Le leader de Penco s'insurge contre le concept d'État-parti défendu par Sonko. Il dénonce une contradiction avec les combats menés par le Pastef contre les anciens régimes

Invité de l'émission "Soir d'Infos" animée par Moussa Thiam sur TFM ce jeudi soir, Moussa Tine, président de l'Alliance démocratique Penco, a livré une analyse sans concession de la situation politique et économique du Sénégal. Le juriste de formation, figure de l'opposition depuis de nombreuses années, établit un parallèle saisissant entre la période actuelle et la crise institutionnelle de 1962.
Moussa Tine, président de l'Alliance démocratique Penco, développe sa thèse centrale : "Nous avons pour la première fois au Sénégal un président qui n'est pas le chef de la majorité parlementaire. C'est exactement ce qui s'est passé en 1962." Selon lui, cette configuration crée une situation inédite où Bassirou Diomaye Faye détient le pouvoir juridique tandis qu'Ousmane Sonko, en tant que Premier ministre et patron de la majorité parlementaire, possède les moyens politiques de gouverner.
"Aujourd'hui, même le président, pour faire voter son budget, est obligé de passer par l'Assemblée nationale", souligne-t-il, estimant que cette répartition des pouvoirs pourrait conduire à une crise institutionnelle si les deux hommes ne s'entendent pas.
L'ancien opposant historique se montre particulièrement critique envers les déclarations du Premier ministre sur l'État-parti. "Le Premier ministre ne peut pas venir revendiquer un État-parti. On a reproché ça à tous les régimes précédents", martèle Moussa Tine, rappelant les combats menés contre cette confusion entre l'État et le parti sous les anciens régimes.
Il plaide pour une ouverture aux compétences républicaines : "Vous avez besoin d'utiliser les compétences de l'État. Il y a des compétences républicaines qui n'appartiennent à aucun parti, qui peuvent même avoir voté pour le Pastef. Vous ne pouvez pas ignorer ces gens-là."
Sur la question de l'éligibilité d'Ousmane Sonko pour la présidentielle de 2029, le président de l'Alliance démocratique Penco révèle les enjeux cachés. Bien que l'article 29 du code électoral empêche actuellement le Premier ministre d'être candidat en raison de sa condamnation, "il peut demain faire abroger l'article 29 et il devient candidat. Il a la majorité à l'Assemblée nationale."
Cependant, Moussa Tine dévoile le calcul politique derrière l'inaction actuelle : "Si vous faites modifier l'article 29 maintenant, le maire déchu de Dakar [Khalifa Sall] redevient maire de Dakar immédiatement." D'où l'attente jusqu'après les élections locales de 2027.
L'opposant critique vivement la communication du gouvernement sur l'état des finances publiques. "Si je dis à mes partenaires que je n'ai pas d'argent, si je dis que les chiffres qu'on vous a présentés, c'est du bluff, allez le dire à votre banquier et demandez s'il va vous prêter de l'argent", ironise-t-il.
Tout en soutenant la lutte contre les détournements de deniers publics, il met en garde contre les conséquences des déclarations publiques sur les difficultés budgétaires, estimant qu'elles nuisent à la crédibilité du pays auprès des partenaires financiers.
Pour sortir de la crise, Moussa Tine préconise plusieurs mesures :
- Une rationalisation budgétaire par la réduction du nombre d'agences (actuellement 69)
- Le paiement rapide de la dette intérieure (500 milliards prévus dans la LFR)
- Une relance par les grands travaux plutôt que l'austérité
- L'ouverture aux compétences existantes dans le pays
"Il nous faut aujourd'hui reprendre le contrôle de la barque, lui donner une direction et avancer vers cette direction", conclut-il, appelant à "transcender cette idée de parti et d'aller vers une perception républicaine de la gestion de l'État."