«LES PREFETS N’ONT PAS FAIT PREUVE D’OUVERTURE»
C’est la conviction du secrétaire général du Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), Ababacar Fall.

L’opposition a tout à fait raison de se plaindre du rôle joué par l ’ administration territoriale dans le rejet de ses listes. C’est la conviction du secrétaire général du Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), Ababacar Fall. Il trouve que les préfets n’ont pas fait preuve d’ouverture lors de cette procédure. Toutefois, l’expert électoral estime que ce rejet «massif» des listes de l’opposition n’a pas de grandes conséquences sur le processus électoral en cours.
L’As : La Cour suprême a cassé toutes les décisions des Cours d’appel en invalidant certaines listes de l’opposition. Comment avez-vous accueilli cette décision ?
Ababacar Fall : Il n’y avait que deux issues, soit la Cour donne droit aux mandataires qui avaient fait des recours, soit elle donne droit aux préfets. Et la Cour suprême a tranché en parfaite connaissance de cause. Pour moi, c’est le plus important. C’est une décision de justice, il faut l’accepter comme telle. Ceux qui ont fait des recours, notamment l’opposition qui a été déboutée, peuvent saisir d’autres juridictions supranationales comme la Cour de justice de la Cedeao. D’autant que le Sénégal est signataire du protocole additionnel de la Cedeao et d’autres conventions régionales et sous-régionales. Maintenant, il faut que cette procédure de saisine puisse arriver à son terme pour qu’on puisse savoir ce qu’il faut en tirer comme conséquence. Au vu de ce qui s’est passé, il est tout à fait envisageable, après ces élections, d’évaluer tout ceci et de prendre des mesures par rapport au délai de dépôt des candidatures et au traitement des contentieux. A mon avis, une élection doit être inclusive. Sur ce point, il faut permettre à tous les candidats qui veulent se présenter de le faire dans le respect des dispositions légales et réglementaires. Mais il faut admettre que les préfets n’ont pas fait preuve d’ouverture. Il y a certaines choses qui auraient dû quand même être tolérées pour permettre aux acteurs qui veulent vraiment aller en compétition de le faire. Sur la décision de la Cour suprême, je n’ai rien à dire. C’est une décision de justice. Elle s’applique. Puisque la procédure continue avec la saisine de la Cour de justice de la Cedeao, il faut attendre de voir ce que cela va donner.
N’est-ce pas là un précédent dangereux pour la démocratie sénégalaise et pour l’organisation future d’élections ?
Précédent dangereux ? Il ne faut pas le concevoir comme tel. Parce que le contentieux en matière électorale existe et est prévu dans le code électoral. Ce n’est pas la première fois qu’il y a eu des décisions de justice rendues par la Cour suprême qui ne sont pas favorables à l’opposition. En 2014 par exemple, il y a eu beaucoup de contentieux. Peut-être qu’ils n’étaient pas de cette ampleur. La particularité cette fois-ci, c’est que les contentieux ne concernent que l’opposition pour l’essentiel et avec un caractère massif. C’est cela qui est inédit et à déplorer. Mais le contentieux en lui-même existe et est prévu dans les textes. Ce qu’il y a à déplorer, c’est que les préfets aient reçu une injonction du ministre de l’Intérieur leur demandant de faire des recours contre les décisions des Cours d’appel. C’est cela peut-être qui pose un peu problème.
Quelles peuvent être les conséquences de cette décision de la Cour suprême sur le processus électoral en cours avec une partie de l’opposition qui agite déjà l’idée de la non-tenue des Locales sans leurs listes ?
Il ne peut pas y avoir de conséquences sur le processus électoral, parce que ces recours concernent à peu près une vingtaine de listes. Dans certains endroits par exemple, quand vous prenez le cas de Pikine où les listes de l’opposition ont été recalées au niveau de la Ville ; à la commune il n’y a pas eu de problèmes. Donc, c’est la même chose dans d’autres endroits. Mais de toute façon, je ne pense pas que cela puisse avoir une suite sur l’organisation des élections locales en janvier 2022. Par exemple, les listes qui ont été validées comme à Matam, vont revenir dans la course. Par contre, pour les listes qui ont été invalidées, elles sortent de la course. De mon point de vue, il n’y a pas de solutions, en termes de blocage du processus électoral. Aujourd’hui, les listes sont en train d’être imprimées. Donc, le processus continue.