L'EXIGENCE D'UNE NOUVELLE CULTURE POLITIQUE
Cour constitutionnelle, CENI, rationalisation des partis : les recommandations du Dialogue national esquissent une rupture institutionnelle. Reste à convaincre des Sénégalais échaudés par trop de réformes avortées

En refermant les travaux du Dialogue national sur le système politique, ce mercredi 4 juin, le ministre de l'Intérieur, le Général Jean Baptiste Tine, a livré un discours aux allures d'acte fondateur pour la nouvelle gouvernance prônée par le régime Diomaye-Sonko. L'exercice mêle reconnaissance, solennité républicaine et promesse de transformation.
D'emblée, le ministre a posé le ton : ce Dialogue « fera date », a-t-il affirmé. Il l'inscrit dans le registre de « l'étape historique », soulignant l'ampleur des enjeux abordés et la qualité des contributions recueillies. La rhétorique est maîtrisée, l'orateur a déroulé les symboles — pluralité des voix, respect des différences, hauteur de vue — comme autant de balises d'un moment qu'il veut fondateur. L'intention est claire : il s'agit de démontrer que le changement est en marche, non seulement dans les discours, mais dans les pratiques institutionnelles.
Le discours a insisté sur la pluralité, la méthode participative et la « maturité politique » des participants. Il a valorisé le consensus, la rigueur du travail et l'engagement collectif. Sur le fond, les avancées citées (création d'une Cour constitutionnelle, d'une CENI, rationalisation des partis, inscription permanente sur le fichier, dématérialisation), apparaissent comme des promesses de rupture.
Le ministre se veut rassurant : l'État mettra en œuvre les recommandations, comme l'a affirmé le chef de l'État dès l'ouverture. Mais il sait aussi que les Sénégalais, pour beaucoup, ne croient plus sur parole. Trop de dialogues passés ont accouché de réformes avortées ou instrumentalisées. Trop de bonnes intentions ont sombré dans les sables mouvants du clientélisme, des lenteurs administratives ou des calculs politiques.
Le ministre en a alors appelé à un Dialogue « permanent », qui ne soit pas un événement isolé, mais un mécanisme ancré dans les réflexes institutionnels. La formule pose une exigence de suivi, d'ancrage juridique, de mécanismes d'évaluation indépendants. La démocratie « en mouvement » suppose bien plus qu'une série de discours et de photographies consensuelles. Elle demande de la volonté, des actes, des délais tenus.
Le ministre a parlé à tous, a cité les corps constitués, et salué l'ensemble des forces vives. Mais derrière cette scénographie républicaine, une tension reste palpable : comment faire advenir, dans un temps court, un changement de culture politique ? Comment passer d'un système marqué par l'hypertrophie présidentielle à un fonctionnement réellement équilibré des pouvoirs ?
En somme, ce discours de clôture illustre la nouvelle posture gouvernementale : ouverte, inclusive, respectueuse des formes. Mais il laisse aussi entrevoir l'immensité du chantier.