MACKY EN TRÈS MAUVAISE POSTURE
Hormis les revendications syndicales, le président doit gérer le dialogue politique au point mort, les manifestations répétitives de Noo Lank et la polémique autour du troisième mandat

Posture ne pouvait être plus délicate que celle que vit actuellement Macky Sall réélu, il y a un an, pour un second mandat de cinq ans. Hormis les revendications syndicales, notamment des enseignants qui menacent de bloquer le système en réclamant le respect des accords signés en 2018 avec le gouvernement, le chef de l’Etat doit gérer des dossiers aussi chauds et compliqués. Il a vraiment du pain sur la planche. Surtout que certains dossiers commencent à prendre des tournures inquiétantes. Il en est ainsi de l’affaire Guy Marius Sagna qui est envenimée par le maire de Mermoz Sacré-Cœur, Barthélémy Dias qui soutient mordicus qu’il est maintenu en prison pare qu’il est catholique. Même si son argumentaire n’est pas partagé par l’église, il s’avère que de hauts responsables de la communauté ne comprennent pas cette attitude du gouvernement envers l’activiste.
D’ailleurs, le cardinal Théodore Adrien Sarr considère qu’il est incompréhensible que Guy Marius Sagna soit maintenu en prison alors que tous ses codétenus ont été libérés. Il demeure évident que le cardinal n’a jamais analysé cette incarcération sous l’angle religieux ; mais ses propos sonnent comme une interpellation envers le chef de l’Etat. Une mise en garde dans la façon du régime de gérer ce dossier.
A coup sûr, cette intervention va faire tilt dans la tête de Macky Sall. D’autant que l’église catholique sénégalaise, très sereine et inspirant le respect, n’a pas l’habitude de se prononcer sur des dossiers du genre, en tout cas en public. Cette sortie doit gêner au plus haut point Macky Sall. A vrai dire, le cas de l’activiste commence à se présenter comme une patate chaude pour le pouvoir. En effet, Guy Marius Sagna voit sa cote de popularité monter tant sur le plan national et qu’international. Et au même moment, le combat pour sa libération combiné avec la demande pressante d’annuler la mesure sur la hausse du prix de l’électricité ne cesse de prendre de l’ampleur.
Les manifestations du collectif «Noo Lank» sont de plus en plus suivies avec une masse d’adhérents représentant les différentes couches sociales. Ce n’est plus une affaire de jeunes. Même les personnes âgées ont rejoint la lutte parce qu’écœurées par l’augmentation du coût de l’électricité. Il ne se passe plus deux semaines sans que ce collectif « Noo Lank » ne se signale par des marches, des conférences de presse, des distributions de flyers, la production de mémorandum, entre autres actions. La plateforme affine ses stratégies et n’hésite pas à effectuer un bras de fer avec le pouvoir quand ses manifestations sont interdites. Elle apparaît ainsi comme une épine dans le pied de Macky Sall.
ARBITRAGE DU DIALOGUE POLITIQUE AVEC SON LOT DE DESACCORDS
En plus de gérer tout cela, Macky Sall doit arbitrer prochainement un dialogue politique qui est de plus en plus défaillant. La preuve, les points de désaccords ne cessent d’augmenter. Que ce soit le maintien ou non de l’arrêté Ousmane Ngom, la problématique de l’article 80 du code pénal, la révision des articles L31 et L32 du Code électoral, entre autres, tous ces points restent toujours en suspens. Même sort pour les cas de Karim Wade et de Khalifa Sall posés sur la table de la commission politique du dialogue national. Les différents acteurs ne se sont pas entendus pour les amnistier. Finalement, la question a été transférée au chef de l’Etat. A tous ces désaccords viennent s’ajouter des points pas encore tranchés. Il s’agit du parrainage, de la caution, du bulletin unique et du mode d’élection des adjoints-maires et des vice-présidents de conseils départementaux. Des questions qui ont été déjà discutées par le passé sans que des consensus ne soient trouvés.
MACKY FACE AU DEBAT SUR UN EVENTUEL TROISIEME MANDAT
En outre, le chef de l’Etat est obligé de gérer aujourd’hui une polémique que les membres de son propre camp ont installée dans le pays. La problématique d’un éventuel troisième mandat indispose actuellement le débat politique. Et Macky Sall devrait aussi gérer les dégâts collatéraux, particulièrement des sorties de l’ancien Premier ministre Boun Abdallah Dionne et du ministre d’Etat Mbaye Ndiaye. Le premier est allé plus loin en appelant à supprimer la limitation des mandats présidentiels au Sénégal. Quant au Directeur des structures de l’APR, il a défendu clairement l’idée selon laquelle Macky a le droit de se représenter en 2024. Ajouté à cela, Macky devra gérer les querelles au niveau de sa formation politique où le débat sur sa succession a fini de créer des camps à l’interne.
UN SCENARIO SIMILAIRE VECU ENTRE 2012 ET 2019
Toutefois, il faut dire que Macky Sall doit être habitué à gouverner dans la contestation. En effet, tout son premier mandat a été rythmé par des marches et autres manifestations. Contrairement à ce qu’on aperçoit aujourd’hui avec acteurs citoyens en première ligne, les manifestations entre 2012 et 2019 étaient plus portées par des formations politiques et autres coalitions de partis. Quand le président de la République est venu au pouvoir en 2012, il a activé la CREI et emprisonné Karim Wade. Son régime a ainsi fait face, entre 2013 et 2016, à de nombreuses manifestations du PDS, Abdoulaye Wade en tête. Les libéraux ont de ce fait essayé de mener la vie dure à Macky Sall, soutenus en cela par des alliés réunis autour du front pour la défense des intérêts de la République (FPDR).
De nombreux caciques du PDS ont fait la prison dans ce combat jusqu’à ce que Karim Wade soit libéré. Juste après, Macky a été obligé de gérer une nouvelle force qui s’est dressée sur son chemin, la coalition Mankoo Wàttu Sénégal. Une entité regroupant en majorité des acteurs politiques et qui a eu à dénoncer la gestion des ressources pétrolières et gazières du pays. Notamment l’affaire PETRO-TIM dans lequel est impliqué le frère du Président, Aliou Sall. D’ailleurs, certaines de leurs manifestations ont été sévèrement réprimées.
Et presque concomitamment, Khalifa Sall a été emprisonné dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar. Très vite, l’opposition réajuste avec comme principale revendication la libération de l’ancien maire de Dakar et le retour de Karim Wade en « exil forcé ». Ce, sans compter les complaintes sur le processus électoral, l’adoption controversée de la loi sur le parrainage, la fixation de la caution pour l’élection présidentielle, entre autres faits décriés jusqu’à la fin du premier mandat du Président Sall en 2019. Pour dire que finalement, Macky n’a régné jusqu’ici que dans la contestation. Et aujourd’hui encore, il est en très mauvaise posture.