MOBILISATION SILENCIEUSE POUR LIBÉRER LE MILITAIRE ENLEVÉ EN CASAMANCE
Entre médiateurs traditionnels, déplacements en Gambie voisine et canaux discrets de communication, tous les efforts convergent vers une résolution pacifique de cette crise qui menace le dialogue entre Dakar et certaines factions du MFDC

(SenePlus) - Voilà un mois qu'un officier sénégalais est retenu captif par des rebelles en Casamance. Loin des opérations militaires d'envergure, c'est une intense diplomatie de l'ombre qui s'est mise en place pour obtenir sa libération sans compromettre le fragile processus de paix en cours dans la région.
"Des canaux de discussions sont ouverts entre l'armée sénégalaise et les ravisseurs du soldat disparu, qui serait en bonne santé et détenu dans des conditions acceptables", révèle Jeune Afrique dans ses colonnes. Si cette information n'a pas été confirmée officiellement par l'état-major, elle illustre la stratégie privilégiée par Dakar : la négociation plutôt que la confrontation.
L'enlèvement remonte au 16 avril dernier. L'officier participait à une opération de sécurisation dans la zone des Palmiers, département de Bignona, lorsque son unité a été "prise à partie par un groupe armé", selon les termes utilisés par l'armée sénégalaise. Un militaire a été blessé et un autre enlevé lors de cet accrochage qui faisait suite à un braquage dans le village de Djinaky.
Face à cette situation, l'armée semble avoir rapidement écarté l'option d'une intervention musclée. "Des négociations sont en cours pour le retrouver [sans qu'il y ait de représailles]", confie une source à JA, confirmant ainsi la volonté des autorités de ne pas compromettre par une action précipitée les avancées récentes dans le processus de paix.
Une mobilisation discrète mais efficace
La discrétion est de mise, mais les efforts se multiplient. D'après les informations recueillies par le magazine panafricain, "certains notables locaux se sont rendus en Gambie voisine afin de faciliter le contact avec le groupe des ravisseurs qui évoluerait dans cette zone frontalière". Ces démarches soulignent l'importance des réseaux traditionnels et transfrontaliers dans la résolution de cette crise.
Henry Ndecky, médiateur chevronné impliqué depuis des années dans les négociations entre l'État et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), confirme cette mobilisation : "Nous échangeons avec toutes les personnes qui peuvent influencer ceux qui le détiennent". Une approche qui avait déjà fait ses preuves en 2022, lorsque sept soldats sénégalais avaient été libérés après plusieurs semaines de captivité grâce à l'intervention de la communauté catholique Sant'Egidio.
Cette stratégie de négociation s'inscrit dans un contexte plus large de dialogue entre l'État sénégalais et certaines factions du MFDC. Le 23 février dernier, le Premier ministre Ousmane Sonko s'était rendu à Bissau pour participer à des discussions tripartites incluant le Sénégal, la Guinée-Bissau et des représentants du mouvement indépendantiste. À cette occasion, il avait évoqué "un accord important qui constitue un très grand pas vers la paix en Casamance".
Les branches du MFDC engagées dans ces pourparlers ont d'ailleurs tenu à se démarquer de l'enlèvement, précisant qu'elles n'avaient "rien à voir avec cet accrochage". Cette prise de distance suggère des divisions persistantes au sein du mouvement rebelle, certaines factions refusant visiblement de déposer les armes malgré les avancées diplomatiques.
"Cela ressemble fort à un acte de sabotage après la venue du Premier ministre à Bissau", analyse pour Jeune Afrique un spécialiste du conflit souhaitant garder l'anonymat. Cette lecture de la situation explique d'autant plus la prudence des autorités sénégalaises, qui cherchent à éviter que cet incident isolé ne fasse dérailler l'ensemble du processus de paix.
Un précédent encourageant
L'histoire récente de la Casamance offre des motifs d'espoir pour une résolution pacifique de cette crise. Le 13 mai dernier, rappelle Jeune Afrique, une aile du MFDC célébrait les deux ans de sa sortie du maquis. Ce sont 250 combattants qui avaient alors déposé les armes dans le département de Bignona, démontrant la possibilité d'une transition du conflit vers la paix.
Cette expérience pourrait servir de modèle pour résoudre la crise actuelle, d'autant que le "Plan Diomaye pour la Casamance", chiffré à plus de 53 milliards de francs CFA, offre un cadre propice pour l'intégration des anciens rebelles. Ce programme ambitieux vise notamment à faciliter "le retour des populations déplacées, l'amnistie dont pourraient bénéficier les anciens combattants et leur réintégration dans la société".
Si l'enlèvement du militaire sénégalais n'a pas, selon les sources de Jeune Afrique, "eu d'incidence sur les négociations en cours", il met néanmoins en lumière les défis qui persistent dans la résolution du conflit casamançais.
"Le braquage de Djinaky semblait surtout répondre à des logiques économiques", précise l'analyste cité par le magazine, soulignant ainsi l'un des obstacles majeurs à la pacification durable de la région : la reconversion des combattants et leur intégration économique. Les anciens rebelles qui ont déjà rejoint la vie civile font face à d'importantes "difficultés économiques et administratives", particulièrement ceux ayant passé "plusieurs décennies dans la clandestinité".
La libération du militaire enlevé constituerait un signal fort pour la poursuite du processus de paix. C'est pourquoi l'ensemble des acteurs impliqués dans cette médiation silencieuse œuvrent avec patience et détermination, conscients qu'un dénouement pacifique de cette crise renforcerait la dynamique positive engagée depuis plusieurs mois en Casamance.