PARI SYMBOLIQUE DU DIALOGUE NATIONAL
Le rapporteur Cheikh Guèye a transformé son discours de clôture en véritable mise en récit d'un moment fondateur. Entre lyrisme républicain et pragmatisme des chiffres, l'orateur dessine les contours d'une démocratie participative réenchantée

Le discours du rapporteur du Dialogue national, tel qu'il a été prononcé, relève autant de la déclaration politique que de la mise en récit d'un moment fondateur. En invoquant les souvenirs glorieux de la démocratie sénégalaise, en magnifiant l'unité retrouvée, M. Cheikh Guèye a choisi le registre de l'élévation collective et du lyrisme républicain. Il a parlé au nom du « nous », ce pronom de la nation rassemblée, avec des accents volontiers historiques. Une manière d'inscrire l'initiative dans la filiation des grandes dates de notre vie démocratique.
Dès les premiers moments, le ton est donné : ce dialogue n'est pas un simple rendez-vous politique, mais un « chapitre de notre histoire », voire une nouvelle page du « Roman national ». L'intention est claire : il s'agit de graver cette séquence dans la mémoire collective, d'en faire une borne de la refondation. La République se regarde dans le miroir de ses vertus retrouvées : le respect, l'écoute, la dignité partagée. L'image est belle. Elle se veut rassembleuse, généreuse, presque rédemptrice.
Le cœur du discours repose sur une valorisation assumée de la diversité des participants et de la profondeur des échanges. Une pluralité saluée à travers des figures symboliques : les artistes, les marchands ambulants, les sages, la jeunesse. Une société tout entière convoquée dans un même souffle. À travers cette narration, l'orateur transforme une rencontre politique en fresque nationale. On touche ici à une volonté de réenchanter l'idée même de démocratie participative, en lui donnant des visages concrets, des voix multiples, une chaleur humaine.
Les chiffres viennent ensuite ancrer le propos dans le réel : plus de 700 participants, des milliers de jeunes connectés via la plateforme Jubbanti, et des taux de consensus différenciés entre commissions. Ces données, bien que brèves, rappellent que derrière la cérémonie, un travail de fond a été mené. Elles laissent aussi entrevoir les tensions : 100 % de consensus d'un côté, 26 % seulement dans une autre commission.
Le discours se fait plus audacieux dans son affirmation que « nous avons osé ». Là, c'est le courage de l'introspection qui est mis en avant : oser interroger le système, déconstruire les routines, revisiter l'Histoire. Il s'agit ici d'installer l'idée d'une démocratie qui ne se contente plus de fonctionner mais qui s'analyse, se remet en cause, se projette. Une « utopie réalisatrice » est même évoquée, preuve de la volonté de sortir des sentiers battus du technocratisme pour revendiquer une ambition nationale et collective.
Enfin, l'orateur rend un hommage appuyé aux acteurs du dialogue : politiques, guides religieux, société civile, jeunesse. Il insiste surtout sur le rôle du directoire mis en place par le président de la République, salué pour son calme, sa compétence et sa capacité à bâtir des ponts. Là encore, le message est clair : ce dialogue n'est pas un caprice institutionnel, mais une volonté politique réfléchie, pilotée avec méthode.