«SENGHOR M’AVAIT PROPOSE LE POSTE DE VICE-PRESIDENT DU SENEGAL»
Abdoulaye Wade s’est déplacé jusque dans la résidence «Les Dents de la Mer» (ancienne résidence du Président poète transformée en musée) pour témoigner de la gentillesse et de l’amabilité de Mme Colette Senghor avec qui il a gardé d’excellentes relations.

Le patriarche libéral a présenté, hier dans l’après-midi, ses condoléances à la famille de feu Léopold Sédar Senghor suite au décès de Mme Colette Senghor survenu le 18 novembre dernier. Une occasion pour l’ancien chef de l’Etat sénégalais de revenir sur ses relations avec le premier Président sénégalais et des histoires jusque-là méconnues du grand public.
Abdoulaye Wade s’est déplacé jusque dans la résidence «Les Dents de la Mer» (ancienne résidence du Président poète transformée en musée) pour témoigner de la gentillesse et de l’amabilité de Mme Colette Senghor avec qui il a gardé d’excellentes relations. Le Secrétaire général du Pds a ainsi présenté ses condoléances à la famille de Senghor et prié pour le repos de l’âme de l’ancienne première dame du Sénégal. Dans son discours, le pape du Sopi est revenu sur les relations très étroites qu’il entretenait avec le Président poète.
Loin de l’image d’un éternel opposant à Senghor, Me Wade indique qu’ils étaient par contre de bons amis. Il se réfère d’ailleurs au livre du commissaire Zucarelli sur l’Ups qui, selon lui, résume parfaitement cette relation. «Wade et Senghor dialoguent au-dessus du peuple. Ils sont seuls à se comprendre», cite-t-il François Zucarelli. Selon le chantre du Sopi, la volumineuse correspondance entre lui et Senghor qui commence en 1951, à l’époque où il était étudiant, pourrait être mise à la disposition des chercheurs. Non sans révéler : « Lors d’une soirée de Gala organisée par Rotary Club où j’étais le seul Africain avec Senghor, celui-ci fait une révélation : «Je voudrais que ce soit Wade qui me succède, mais il est allé créer son parti et a déjoué tous mes plans’’», se remémore Abdoulaye Wade qui confie dans la foulée que Senghor lui avait proposé le poste de vice-président et que l’intermédiaire désigné pour lui en parler était Mansour Kama, président de la Cnes. Toujours selon Wade, les premières négociations avaient commencé à Dakar dans une maison à la Sicap en face de Soumbédioune.
Explications : « J’y allais à chaque fois avec mon collaborateur Ousmane Ngom à qui je demandais de m’attendre dans sa voiture dehors devant la porte. A mon premier rendez-vous, Collin me demanda de revenir la prochaine fois avec des propositions sur la manière dont je voyais l’organisation de la Présidence de la République à mon installation. Je rendis compte fidèlement à Ousmane Ngom. Les rencontres suivantes ont eu lieu à l’hôtel Balzac, rue Balzac champs Elysées, Paris. J’étais accompagné à chaque fois de mon collaborateur Alioune Badara Niang. Il fut convenu que je serai installé vice-président au mois de mars après le congrès de l’UPS, étant rappelé que nous étions en juillet 1978. Le projet n’eut pas de suite et l’histoire nous fournira les explications.»
En tout cas, indique Me Abdoulaye Wade, Collin pensait qu’il ne faisait pas preuve de beaucoup d’enthousiasme pour quelqu’un qui voulait être président de la République. «Le projet traina et se perdit dans les sables de la politique avant le mois de mars», révèle-t-il. Par ailleurs, le patriarche libéral indique également que les conditions du départ de Senghor sont moins simples qu’on ne le pense. Avant de promettre de revenir amplement sur cette question dans ses mémoires. Tout compte fait, Abdoulaye Wade estime que Collette Senghor l’appréciait beaucoup et l’avait dans son estime. «Ce n’est pas révéler un secret que de dire que lorsque Senghor a annoncé son départ et que les paris sur son remplacement furent ouverts au cours d’un diner de famille au palais, Madame Senghor et son fils Philippe penchèrent plutôt pour moi. Mais par la suite, le patriarche décida autrement», a expliqué le Secrétaire général du Pds. Il soutient aussi que les jeunes générations doivent savoir que c’est Collette Senghor qui a eu l’idée de la création de la Maison d’Education (école d’excellence) Mariama Ba de Gorée dont elle couvait les élèves d’une affection maternelle.
A ses nombreuses œuvres sociales, il faut ajouter le Centre médical de Diamniadio que les Sénégalais doivent à la fondation Collette Senghor. En raison de tout cela, Wade indique qu’il éprouve beaucoup de peine avec la disparition de Colette Senghor. Sur l’amabilité de Mme Senghor, il raconte que tous les jeudis à 17 heures, Colette, comme ils l’appelaient affectueusement, apportait aux étudiants sénégalais à leur siège, Boulevard St Germain à Paris, un gouter qu’ils partageaient avec leurs camarades étudiants des autres territoires. Wade et Niasse se croisent enfin Hier, lors de la présentation de ses condoléances, Me Abdoulaye Wade a été accueilli par des membres de la famille de Senghor, des membres de sa Fondation et d’autres personnalités comme Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale. Wade et Niasse se retrouvent ainsi après plusieurs années sans se voir. Entre les deux hommes, c’est une histoire d’amour qui a malheureusement fini très mal. Après avoir été son 1er Premier ministre, Moustapha Niasse s’est opposé farouchement à Abdoulaye Wade. Il a également contribué sa chute en 2012 avant de rejoindre Macky Sall avec qui il est toujours en compagnonnage. Mais la rencontre d’hier a été particulièrement symbolique. Et tout laisse croire que les deux hommes ont enterré leur hache de guerre.
Prenant la parole hier, Moustapha Niass a salué le déplacement de Wade qu’il qualifie comme un geste d’une beauté et d’une grandeur sans commune mesure. «Je suis sûr que les Sénégalais vont apprécier votre geste», a-t-il souligné. Selon le président de l’Assemblée nationale, ce sont de tels actes profondément culturels qui font la grandeur du Sénégal. «La culture ne connait pas les frontières politiques. Les valeurs des civilisations ignorent les pensées diverses et diversifiées. Elles ignorent aussi la diversité des options politiques, sociales, économiques et culturelles. La culture est au-dessus de tout», a conclu le secrétaire général de l’Alliance des Forces de Progrès (Afp).