ET SI ON FORMAIT CEUX QUI PEUVENT ENCORE SAUVER DES DRAMES SUR LE TERRAIN ?
EXCLUSIF SENEPLUS - La différence entre la vie et la mort se joue en quelques secondes. Ce n’est pas uniquement une question de fatalité. C’est aussi une question de préparation. Il ne suffit plus de pleurer les morts. Il faut former les vivants

Le football sénégalais traverse une période sombre. Ce dimanche 18 mai, un drame s’est produit sur le terrain de football du lycée Djignabo de Ziguinchor, lors d’un tournoi organisé par la communauté Ballante. Un jeune joueur du nom d’Anto Camara s’est effondré après un contact avec le gardien de l’équipe adverse. Il aurait perdu connaissance sur le coup. Rapidement évacué au centre hospitalier régional, il a malheureusement succombé quelques instants plus tard à ses blessures.
Ce décès intervient moins de 24 heures après celui de Fadiouf Ndiaye, capitaine de l’Union Sportive de Ouakam, survenu samedi 17 mai. Le défenseur central, pièce maîtresse des Requins, a été victime d’un malaise cardiaque en plein match contre l’Oslo FA, dans le cadre de la 24e journée de Ligue 1. Touché peu avant la mi-temps, le numéro 20 de l’USO a été pris en charge par les secours et conduit en urgence à l’hôpital. Il a rendu l’âme durant le trajet, son décès n’ayant été confirmé qu’à la fin de la rencontre.
En moins de 48 heures, le football sénégalais perd deux de ses acteurs sur le terrain, dans des circonstances dramatiques. Et une question brûle les lèvres : combien de drames faudra-t-il encore pour que la prévention prenne enfin le dessus ?
Il serait erroné de croire que ces tragédies ne surviennent qu’en Afrique. Les malaises cardiaques touchent tous les niveaux de la pratique sportive, et ce, partout dans le monde. Le football, sport d’effort intense et de charges émotionnelles élevées, est particulièrement exposé.
Tout le monde se souvient du choc provoqué par la mort du Camerounais Marc-Vivien Foé, en plein match de Coupe des Confédérations, le 26 juin 2003 à Lyon. Sa chute soudaine, ses yeux perdus, et l’angoisse sur les visages de ses coéquipiers restent gravés dans la mémoire collective. Malgré l’intervention des secours, le cœur du Lion Indomptable ne repartira jamais.
Plus récemment, en 2021, lors de l’Euro, le Danois Christian Eriksen s’est effondré sur la pelouse, victime d’un arrêt cardiaque. Mais cette fois, la fin fut différente. Grâce à la rapidité d’intervention du staff médical, à la présence d’un défibrillateur automatisé externe (DAE), et à une parfaite maîtrise des gestes de réanimation, Eriksen a été sauvé. Il rejouera même au football après sa convalescence.
Ces deux épisodes, tragiques dans un cas, miraculeux dans l’autre, soulignent une vérité essentielle : la différence entre la vie et la mort se joue en quelques secondes. Ce n’est pas uniquement une question de fatalité. C’est aussi une question de préparation.
Au Sénégal, comme dans de nombreux pays, la formation aux gestes de premiers secours reste marginale. Pourtant, un massage cardiaque bien réalisé ou l’utilisation rapide d’un défibrillateur peut considérablement augmenter les chances de survie d’une victime.
Il est urgent que les autorités sportives, les fédérations, mais aussi les collectivités locales prennent la mesure de cette nécessité. Cela passe par :
- La formation systématique des entraineurs, éducateurs, arbitres et joueur aux gestes qui sauvent.
- L’installation de défibrillateurs dans les stades, les centres d’entraînement, et même dans les lieux de pratique informelle.
- L’organisation de simulations d’urgence pour renforcer les réflexes de sauvetage.
- L’intégration d’un certificat de secourisme obligatoire pour toute licence sportive.
Des partenariats peuvent être noués avec la Croix-Rouge, les sapeurs-pompiers, ou des ONG médicales. Il ne s’agit pas seulement de sauver des athlètes : il s’agit de bâtir une culture du réflexe vital.
En tant qu’observateur attentif du football sénégalais, je reste optimiste. Des signaux positifs émergent. Parmi eux, l’engagement pris par Maître Moustapha Kamara, candidat à la présidence de la Fédération Sénégalaise de Football, dans son programme intitulé "Football pour tous". Il y propose que la Fédération prenne en charge la formation au secourisme dans tous les clubs professionnels et nationaux.
Plus encore, son programme prévoit que chaque club de Ligue 1, Ligue 2, et les clubs nationaux soient dotés d’un défibrillateur. Une mesure ambitieuse, indispensable, et qui pourrait faire basculer le destin de nombreuses vies.
Les arrêts de cœur ne préviennent pas. Ils ne laissent qu’une poignée de secondes pour réagir. Sur un terrain de football, cette poignée de secondes peut tout changer. Ce que nous vivons aujourd’hui doit être le dernier signal d’alarme avant l’action.
Il ne suffit plus de pleurer les morts. Il faut former les vivants. Et si demain, un simple geste appris lors d’une séance de secourisme permet de sauver une vie, alors nous aurons transformé ces drames en leçons, et ces pertes en promesses de protection pour les générations futures.
Bassirou Sakho est conseiller sportif.