VIDEOSAHEL : QUAND INFORMER DEVIENT UN ACTE DE RESISTANCE
La croisade menée par les régimes militaires de l’espace AES contre les médias, en particulier ceux qui revendiquent leur indépendance, ne cesse de s’intensifier. Mais pour que le Sahel ne devienne une « zone de non information, la WADR y trouvé la parade

Dans cette interview accordée à SenePlus, le coordonnateur des programmes de la West Africa Democracy Radio (WADR), Sanni Seibou Moumouni, présente un projet mis en place par la radio pour couvrir le Sahel central, dans un contexte marqué par le musèlement de la presse et la traque des journalistes libres et insoumis. Grâce à ce projet intitulé « Des informations pertinentes et de qualité pour la résolution des conflits au Sahel », la WADR continue d’informer le public ouest-africain sur la réalité du terrain -à rebours de ce que les régimes militaires souhaitent imposer comme discours officiel.
La croisade menée par les régimes militaires de transition de l’espace AES contre les médias, en particulier ceux qui revendiquent leur indépendance, ne cesse de s’intensifier. Après avoir contraint les médias étrangers à quitter leur territoire, la pression s’exerce désormais sur les médias locaux, presque sommés de se taire ou de devenir de simples laudateurs des actions des militaires. Et pourtant, comme le rappelle Sanni, « des drames » se produisent dans la région, sans que les populations voisines ne soient informées et sans que les victimes ne sachent à qui s’adresser, malgré leur désir de témoigner.
Des journalistes locaux ont été contraints à l’exil, certains emprisonnés, d’autres envoyés de force au front au Burkina Faso — alors même que l'engagement au front est censé relever du volontariat — dans le seul but de les réduire au silence. Même l’expression d’un simple doute par un journaliste ou un chroniqueur est désormais réprimée. Autrement dit, toute forme de critique est devenue intolérable pour ces régimes militaires.
Ces régimes de transition envoient ainsi un message clair et sans équivoque aux journalistes : « Encensez les militaires ou taisez-vous à jamais. » Mais l’information ne peut se réduire à une simple communication institutionnelle. Elle ne saurait être partielle et sélective, même sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
C’est précisément pour continuer à informer de manière juste et honnête sur le Sahel - comme elle le faisait déjà avant - que cette radio régionale basée à Dakar a lancé ce projet il y a trois ans, afin d’éviter que le Sahel ne devienne « une zone de non-information », comme l’avait alerté Reporters sans frontières dans un rapport publié l’an dernier sur la situation des médias sous les régimes militaires.
Le projet s’est matérialisé par la production d’une série de reportages et d’enquêtes de terrain, réalisés auprès des communautés locales, qui y prennent la parole librement. Ces contenus sont diffusés en français, en anglais, ainsi que dans les langues locales, grâce aux radios partenaires de la WADR.
Ce jeudi, la radio a organisé à Dakar un débat public réunissant des experts, chercheurs, journalistes, responsables politiques, jeunes engagés et autres acteurs pour débattre de la question sécuritaire au Sahel et partager les grandes lignes du projet.