10 ANS DE TRAVAUX FORCES POUR CHEIKH BETHIO, 5 A 15 ANS POUR SES COACCUSES ET 200 MILLIONS DE REPARATION
L’affaire du double meurtre de Médinatoul Salam a connu son épilogue hier, lundi 6 mai 2019. Béthio Thioune et son chambellan ou «Beuk nek» Cheikh Faye écopent de 10 ans de travaux forcés

Dix autres coaccusés dans ce procès, Serigne Khadim Seck, Mame Balla Diouf, Mamadou Gueye, Moussa Dieye, Aliou Diallo, Al Demba Diallo, Momar Mohamed Sène dit Eumeu, Adama Sow dit Doss et Aly Diouf sont condamnés à 15 ans de travaux forcés chacun, Demba Kébé et Pape Ndiaye à 8 ans de travaux forcés chacun. Ablaye Diouf et Samba Fall prennent 5 ans d'emprisonnement ferme chacun. La Chambre criminelle a retenu 6 mois d'emprisonnement ferme contre Samba Ngom. Les accusés Serigne Saliou Barro, Aziz Mbacké Ndour, et Mamadou Hann dit Pape sont acquittés de tous les chefs d’accusation. Une condamnation solidaire à verser la somme de 200 millions de F Cfa est retenue comme réparation, soit 100 millions à chacune des familles des victimes. Les conseils de la partie civile et de la partie ont diversement réagi au verdict de la chambre criminelle.
10ans aux travaux forcés contre Cheikh Béthio Thioune et son «Beuk nek» Cheikh Faye, des peines allant de 6 mois à 15 ans contre certaines de ses 19 autres coaccusés et des acquittements pour tous les chefs d’accusation pour d’autres. C’est le verdict de la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Mbour dans l’affaire du double meurtre de Médinatoul Salam, rendu hier, lundi 6 mai 2019. En effet, le guide des Thiantacounes, Cheikh Béthio Thioune, et son Cambellan Cheikh Faye, reconnu coupable des faits de non dénonciation de crime et complicité de meurtre ont écopé d’une peine de 10 ans aux travaux forcés. Dix autres coinculpés du Cheikh, notamment Serigne Khadim Seck, Mame Balla Diouf, Mamadou Gueye, Moussa Dieye, Aliou Diallo, Al Demba Diallo, Momar Talla Diop, Mohamed Sène dit Eumeu, Adama Sow dit Doss et Aly Diouf ont chacun été condamné à quinze (15) ans de travaux forcés. Le juge a disqualifié les faits de meurtre avec actes de torture ou de barbarie initialement retenus contre eux en meurtre. D’autres prévenus ont connu des fortunes diverses. Ainsi, Demba Kébé et Pape Ndiaye, ont tous les deux été condamnés à 8 ans de travaux forcés pour complicité de meurtre. Ablaye Diouf et Samba Fall s’en sortent avec 5 ans d'emprisonnement ferme chacun, contrairement à Samba Ngom, en liberté provisoire, condamné à 6 mois d'emprisonnement ferme pour détention d’arme sans autorisation administrative. Le juge Thierno Niang a prononcé l’acquittement de Serigne Saliou Barro, d’Aziz Mbacké Ndour et de Mamadou Hann dit Pape de tous les chefs d’accusation. Si Serigne Saliou Barro et Aziz Mbacké Ndour avaient bénéficié d’une liberté provisoire, Pape Hann a fait 7 ans derrière les barreaux, en détention provisoire.
200 MILLIONS POUR LES FAMILLES DES 2 VICTIMES
Aussi, suite à la réception de la constitution de partie civile des héritiers de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, le juge Thierno Niang, le juge prononcé une condamnation solidaire à verser la somme de 200 millions de F Cfa, retenue comme réparation, soit 100 millions à chacune des familles des victimes, notamment aux héritiers de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, à titre de réparation. Ainsi, Béthio Thioune dit Cheikh, Cheikh Faye, Serigne Khadim Seck, Mame Balla Diouf, Mamadou Gueye, Moussa Dieye, Aliou Diallo, Al Demba Diallo, Momar Talla Diop, Mohamed Sène dit Eumeu, Adama Sow dit Doss, Aly Diouf, Demba Kébé, Pape Ndiaye, Ablaye Diouf et Samba Fall sont condamnés solidairement au paiement de cette somme. Contrairement au souhait de la partie civile qui avait réclamé 3 milliards de F CFA pour toute cause et préjudice confondus. Le tribunal a ordonné, par conséquent, l’exécution provisoire. Toutefois, si la Chambre criminelle dit n’y avoir pas lieu à appliquer la contrainte par corps à l’encontre de Béthio Thioune dit Cheikh, elle fixe, par contre, la durée de la contrainte par corps au maximum pour les autres condamnés.
PLACEMENT SOUS SEQUESTRE DES BIENS DE BETHIO THIOUNE DIT CHEIKH
En Outre, la Chambre criminelle a ordonné la confiscation du fusil de calibre 12/76 N°567540, du fusil de calibre 12m/m N°497951, du pistolet de marque Walther N°2021500 et de ses 2 chargeurs, des 5 cartouches, de la barre de fer, du manche en bois saisis, et des 6 balles extraites du corps d’Ababacar Diagne. Elle a également ordonné le placement sous séquestre des biens de Béthio Thioune dit Cheikh et a désigné le conservateur de la propriété et des droits fonciers de Mbour, en qualité de séquestre. Elle a aussi retenu qu’un extrait de la décision sera, dans les plus brefs délais, inséré dans l'un des journaux de la République. De même, un extrait de la décision sera affiché à la porte du dernier domicile de Béthio Thioune dit Cheikh, à la porte de la mairie de la commune de Malicounda ou à la porte des bureaux de l'arrondissement de Sindia et au tableau d'affichage du Tribunal de grande instance de Mbour. Un extrait va aussi être adressé au représentant du service des domaines de Mbour.
LA PROCEDURE JUGEE REGULIERE, LES COINCULPE DE BETHIO ONT 15 JOURS POUR INTERJETER APPEL
La Chambre criminelle a relevé que les condamnés, à l’exception du guide des Thiantacounes jugé par contumace, peuvent interjeter appel de la présente décision dans un délai de 15 jours à compter de la prononciation de la sentence. Auparavant, la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Mbour, statuant publiquement, par contumace à l'encontre de Béthio Thioune dit Cheikh, contradictoirement à l'égard des autres accusés et des héritiers de Bara Sow et d'Ababacar Diagne, en matière criminelle et en premier ressort, a rejeté l'exception de nullité soulevée par le conseil d'Aly Diouf; et a déclaré la procédure régulière. Les conseils de la partie civile et de la défense ont diversement réagi au verdict de la chambre criminelle. (Voir par ailleurs).
CONDAMNE A 10 ANS DE TRAVAUX FORCES Béthio «échappe» à la prison
Cheikh Béthio Thioune condamné à 10 ans de travaux forcés pour avoir été reconnu coupable de complicité et non dénonciation de meurtre n’ira pas en prison, conformément à la loi. Mieux, le mandat d’arrêt international requis par le Procureur de la République contre le guide des Thiantacounes, jugé par contumace, n’a pas été confirmé par le juge. En plus, la contrainte par corps n’a pas été retenue contre Cheikh Béthio Thioune, 81 ans. C’est ce qu’explique le juriste Me Ibrahima Mbengue, une des avocats de la défense. «La contrainte par corps, c’est pour permettre à une partie civile d’amener un prévenu qui ne paie pas sa condamnation civile de rester en prison. C’est à dire quand un accusé condamné ne paie pas, vous avez la possibilité de l’amener en prison, mais pour une durée qui ne peut pas dépasser 2 ans. La contrainte par corps peut être fixée au minimum ou au maximum. Le maximum, c’est 2 ans. Mais, la loi dit clairement, si le prévenu est âgé de 70 ans ou plus, on ne peut plus exercer contre lui la contrainte par corps. Donc, ce n’est pas un privilège du tribunal, c’est la loi qui parle. Le juge n’avait même pas besoin de faire ces précisions-là. C’est la loi elle-même qui parle. Et si la contrainte par corps est exercée sur un condamné, c’est la partie civile qui débourse pour que ce dernier mange en prison. C’est 1000 F CFA par jour. Un an, c’est 360 mille F CFA; deux ans c’est 360 mille fois 2. Si on exerce la contre par corps sur vous ceci ne veut pas pour autant dire que vous n’allez plus payer. Même si vous sortez, vous endossez la créance. La contrainte par corps n’efface pas les intérêts civils», a-t-il précisé.
REACTIONS… REACTIONS…
ME KHASSIMOU TOURE, COORDINATEUR ET PORTE-PAROLE DES AVOCATS DE LA PARTIE CIVILE : «Le droit a été dit et bien dit»
«Notre réaction est de rendre grâce à Dieu qui nous a permis de vivre ces moments historiques. Je profite de l’occasion pour féliciter la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Mbour avec à sa tête le président Thierno Niang. Comme il nous l’avait promis à l’occasion de la clôture des débats, nous avons assisté aujourd’hui à une bonne et saine application de la règle de droit. Le droit a été dit et bien dit; les coupables ont été sanctionnés. La partie civile que je représente a joué sa partition et a eu à recevoir des dommages conséquents. On a alloué à chaque partie civile la somme de 100 millions. Ce n’est pas l’argent qui nous intéresse, quel que soit le montant qui serait alloué, même si c’était le franc symbolique. Nous avons aujourd’hui un sentiment de soulagement, d’humilité, de satisfaction parce qu’ils ont été sauvagement tués; ils ont été ensevelis comme des «Tutsis» mais le tribunal, dans son impérium, après avoir écouté toutes les parties et le ministère public qui a joué sa partition conformément aux règles de l’art a dit le droit. Ce tribunal a décidé du sort des uns et des autres. Le tribunal a tamisé la procédure, il a cherché les coupables. Il a acquitté 2 ou 3 personnes qui, d’après le tribunal, n’ont rien à voir à cette affaire. Nous n’avons pas encore discuté sur les principes de relever appel parce que nous avons obtenu une décision satisfaisante. La partie civile, sa partition, c’est essentiellement sur les dommages et intérêts. J’ai entendu certains condamnés dire qu’ils vont relever appel; s’ils relèvent appel, nous serons encore là ; nous allons poursuivre ce dossier jusqu’au bout. Ce qui m’intéresse, c’est que la voix des parties civiles soit entendue. Et, à l’occasion de ce procès, les voix des parties civiles ont été entendues et c’est l’essentiel. En définitive, la règle de droit a été dite et bien dit. Nous avons gagné le procès, c’est évident, mais pas de triomphalisme béat, nous avons gagné dans l’humilité. Nous garderons toute notre modestie parce que nous continuons à pleurer nos morts. Aucun centime, aucun montant ne peut remplacer les vies d’Ababacar Diagne et de Bara Sow mais, pour l’essentiel, la décision qui a été rendue est une bonne décision pour la partie civile parce qu’il a aussi bien sanctionné par la privation de de liberté que par la sanction pécuniaire».
PROCES ET CONDAMNATION DE CHEIKH BETHIO DANS L’AFFAIRE DU DOUBLE MEURTRE DE MEDINATOUL SALAM : Serigne Saliou Thioune dénonce «une cabale» montée contre son père
Suite à la condamnation de Cheikh Béthio Thioune à 10 ans de travaux forcés et 200 millions de F Cfa, à payer solidairement avec les autres condamnés, en guise de réparation à l’issue du procès du double meurtre de Médinatoul Salam, le fils du guide religieux, Serigne Saliou Thioune, n’a pas tardé à contester ce verdict de la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Mbour. Selon Emedia, il considère cette décision comme une «cabale» montée contre son père. «Comment comprendre que le tribunal ait refusé l’excuse présentée par les avocats du guide religieux sur la base de dossier médical certifié par ses médecins et décidé de le juger par contumace ?», s’est interrogé Serigne Saliou Thioune, face à la presse. Qui estime que les droits de son père pour un procès équitable ont été violés.
A l’en croire, il est d’autant plus indiqué que l’état de santé actuel du chef des Thiantacounes est une résultante directe de sa première arrestation. Ce, parce que les autorités judiciaires avaient, à l’époque, refusé de lui accorder une liberté provisoire pour qu’il aille se soigner en France. «Je leur tiens exceptionnellement responsables de tout ce qui arrivera au marabout », a déclaré Serigne Saliou Thioune. Pour lui, son père est blanc comme neige dans cette affaire «parce qu’il n’y a aucun élément attestant que ce dernier coupable des faits qui lui sont reprochés. » En outre, poursuit-il, «aucun des accusés n’a soutenu, devant le prétoire, que Cheikh Béthio est le commanditaire de cette affaire. La reconstitution des faits a prouvé qu’il n’était même pas au courant des faits», a-t-il expliqué avant d’appeler les talibés au calme.
ME MOUSTAPHA DIENG, AVOCAT DU GUIDE DES THIANTACOUNES : «Cheikh Béthio reviendra immédiatement au Sénégal... et ensemble, nous démontrerons son innocence»
«Je suis déçu par la décision qui a été rendue, même si je la respecte en tant qu’acteur du droit. Je relève avec l’assistance que Cheikh Béthio Thioune a été acquitté du chef d’association de malfaiteurs. Ce qui veut dire qu’il n’y a jamais eu de sa part, une entente préalable avec d’autres, en vue de commettre des crimes ou des délits. Ensuite, Cheikh Béthio Thioune a été acquitté par le tribunal du chef de recel de malfaiteurs c’est-à-dire qu’il n’a pas essayé de soustraire les concernés dans cette affaire à l’action de la justice. Comment ces deux décisions d’acquittement peuvent cohabiter avec une complicité de meurtre, même si c’est un meurtre simple et non un meurtre avec acte de torture et de barbarie ? Comment deux décisions d’acquittement peuvent cohabiter avec la complicité de meurtre et la complicité du non dénonciation de crime ? A mon avis, la lecture qu’on peut faire de cette décision est que peut-être quelque part, en respectant son droit, le juge a mal appliqué les dispositions du Code de procédure pénale. J’ajoute, et il l’a dit, compte tenu de son âge, il n’y aura pas d’exécution de la contrainte par corps. Mais, pour moi, cette décision il n’avait pas besoin de la dire. Il nous faudra, avec mon client, examiner les voies et moyens de faire en sorte que ce qui est une évidence dans ce dossier, c’est-à-dire l’innocence du Cheikh dans cette affaire de Médinatoul Salam, soit reconnue par la justice de notre pays, sinon par les mécanismes juridictionnels qui existent dans l’ordre international. Nous irons jusqu’au bout, je n’attends qu’une chose, une décision d’acquittement parce que Cheikh Béthio Thioune n’est absolument pas coupable des faits qui lui sont reprochés. Cheikh Béthio Thioune a été jugé par contumace. La procédure de contumace ne m’autorise pas à exercer le droit d’appel. Mais, croyez le bien, Cheikh Béthio Thioune qui est malade, hospitalisé, reviendra immédiatement au Sénégal dès que sa santé le permettra. Et, ensemble, devant le peuple sénégalais, nous le démontrerons de plus fort. Parce que, sauf considération subjective, nous estimons que sa culpabilité n’a jamais été prouvée en l’espèce. Cheikh Béthio Thioune est un homme pacifique et il ne devait pas être condamné à 10 ans de travaux forcés».
Par Samba NIÉBÉ BA