APPEL D’OFFRES CIVIQUE
La convocation d’une « mobilisation générale » pour forger « l’image d’un Sénégal nouveau », un Sénégal plus propre dans ses quartiers, ses villages, ses villes, et l’appel d’offres civique au projet d’un Sénégal « zéro déchet » lancés par le président Ma

La convocation d’une « mobilisation générale » pour forger « l’image d’un Sénégal nouveau », un Sénégal plus propre dans ses quartiers, ses villages, ses villes, et l’appel d’offres civique au projet d’un Sénégal « zéro déchet » lancés par le président Macky Sall, au moment de sa première adresse à ses compatriotes à l’orée de son deuxième mandat, font partie des préalables à « l’accélération » annoncée des réformes pour articuler les acquis du premier mandat à la phase II du Pse.
Plus que tous les indicateurs économiques, son histoire, le talent de ses artistes, sa puissance diplomatique et militaire ou son rayonnement culturel, le cadre de vie est un baromètre fiable de la confiance qu’un pays a de lui-même. Prendre soin de soi-même, de ses alentours, s’aimer sans narcissisme, vouloir le meilleur pour soi-même et pour ses appartenances, prétendre à mieux, avoir l’ambition de « grandir » sont des signes indéniables de confiance. Or, pour reprendre Emile de Girardin, cette confiance, « elle s’acquiert, elle ne se demande pas : qui la mérite n’a pas besoin de la demander ».
Introspection donc… Le ton martial du président Macky Sall au moment d’évoquer « la troisième priorité » de son quinquennat – cadre de vie, habitat décent, sauvegarde de l’environnement, répression de la spéculation foncière – et sa promesse de prendre sans délai « des mesures rigoureuses » dans ce sens, dans un contexte particulier de forte audience internationale devant un parterre de chefs d’Etat, laissent deviner que la séquence qui a débuté hier, pour cinq ans, aura vraisemblablement sa part de coercition, son exigence de rigueur et ses impératifs de discipline. Sinon comment trouver une réponse à cette demande nationale « d’ordre et de propreté » alors que le confort de l’habitude et l’adaptation à l’anormal entretiennent le statu quo jusqu’à forger une identité rétive au progrès ?
Pourquoi Dakar ne serait-elle pas propre à l’instar de plusieurs villes du continent qui ont fait de leur propreté un label ? Pourquoi, en 2019, devrions-nous en être encore à nous pincer les narines au passage dans certaines de nos rues ? Pourquoi l’indiscipline généralisée et le sentiment d’impunité devraient-ils prospérer au détriment de l’intérêt général ? Pourquoi, en dépit des lois, décrets et arrêtés, l’espace public, surtout dakarois, se dégrade-til sous nos yeux impuissants ? L’invite lancée par Macky Sall est d’abord celui du combat contre la fatalité, contre l’indolence, contre le refus de prétendre à mieux.
Mentalités
A l’instar de la mendicité des enfants dans la rue, certains de nos « retards », pas nécessairement conditionnés par l’argent, ne peuvent être rattrapés qu’en additionnant une plus-value citoyenne aux lois et règlements en vigueur, en stimulant des changements de comportements individuels pour obtenir une somme d’engagement collectif. Ce sera l’affaire de l’Etat, mais surtout des autorités territoriales et locales, et des mouvements associatifs et citoyens, ainsi que l’a souligné le chef de l’Etat. La saleté dans nos rues, l’indiscipline des automobilistes, l’insécurité, le viol des réglementations, la spéculation foncière dans les zones agricoles, les constructions anarchiques jusque dans les zones inondables, les mafias de la coupe clandestine de bois dans nos dernières forêts, comme de mauvaises herbes, poussent sur le terreau de l’abandon des responsabilités dans une large part et de la cupidité entretenue par l’argent facile sur une longue chaîne de responsabilités, d’autre part. Que le président de la République évoque ouvertement la salubrité de nos agglomérations devant ses hôtes chefs d’Etat, et à un moment aussi chargé, renseigne sur la volonté politique ainsi exprimée de rompre la dysharmonie entre les ambitions affichées par un pays dans les sillons de l’Emergence et le laisser-aller qu’offre notre environnement au quotidien et l’indiscipline.
Véhiculée par la pédagogie et l’exemplarité des dirigeants, la discipline n’est point un luxe. Si la pensée occidentale l’a formalisée par sa rationalité et sa mystique du travail, elle est au cœur des « miracles » en Asie du Sud-est et dans tous les pays montrés en exemple. C’est dire qu’elle est devenue « notre » problème. Pont entre les objectifs et les accomplissements, la discipline, « toile de fond de tous les exploits », sera le fil conducteur de cette nécessaire révolution des mentalités, quitte à la mener au forceps.