AU LARGE DE DAKAR, J’AI REPÉRÉ L’ÉPAVE DE L’AVION DANS LEQUEL VOYAGEAIT DAVID DIOP
Agé de 33 ans, Mamadou Faye Samb est à la fois plongeur-secouriste et pêcheur sous-marin. Domicilié à Yoff-Ndénat, il nous… plonge dans les profondeurs de l’océan abritant de mystérieuses créatures

Agé de 33 ans, Mamadou Faye Samb est à la fois plongeur-secouriste et pêcheur sous-marin. Domicilié à Yoff-Ndénate, il appartient à une grande famille où l’on est pêcheurs sous-marins de père en fils. En sillonnant les profondeurs de la mer, Mamadou Faye Samb soutient avoir repéré quelque part au large de Dakar l’épave de l’avion d’Air France qui s’était abîmé en mer le 19 août 1960. Parmi les 54 passagers victimes de ce terrible accident, le célèbre poète David Diop ou l’auteur d’« Afrique, mon Afrique ». En exclusivité pour « Le Témoin », notre plongeur nous… plonge également dans les profondeurs de l’océan abritant de mystérieuses créatures.
Le Témoin : M. Samb, êtes-vous un pêcheur sous-marin ou un plongeur secouriste ?
Mamadou Faye Samb : Je peux dire les deux à la fois ! Parce que j’appartiens à une famille dont les membres sont des pêcheurs sous-marins. Nous ne vivons que de la pêche sous marine c’est-à-dire la capture des poissons, des langoustes, des crevettes et autres espèces de profondeurs pour ensuite les vendre sur le marché. De père en fils, nous pratiquons tous le métier de la pêche sous-marine. Pour la petite histoire, mon défunt père, Doudou Coly Samb, fut le premier Noir plongeur sous-marin de l’Afrique occidentale française (Aof). C’était durant les années 50 et 60. Je suis également plongeur-secouriste puisqu’en cas de noyade ou d’accident en haute mer, certaines familles de victimes m’associent dans les opérations de recherches et de secours.
Justement, on nous souffle que vous ayez repéré l’épave d’un avion au large de Dakar. Qu’en est-il exactement ?
Chaque jour, mon métier de plongée me conduit dans différentes zones poissonneuses pour traquer les produits halieutiques. Ce, jusqu’au jour où je suis tombé sur l’épave d’un avion reposant au fond de l’océan. Je peux même vous préciser que l’épave se trouve au large de Dakar et à 40 mètres de profondeur. D’ailleurs, le logo et la couleur d’Air France sont à peine visibles sur l’aile de l’appareil. Et lorsque j’en ai parlé à des amis enseignants, ils se sont dit convaincus que cette découverte ne pouvait être que l’avion d’Air France qui s’était crashé au large de Dakar en 1960. Et ils m’ont expliqué que le poète David Diop faisait partie des victimes de cet accident d’avion. Parce qu’en dehors de cet accident ayant coûté la vie à David Diop, il n’y en a pas eu d’autres concernant la compagne d’Air France, ici au Sénégal. D’ailleurs, j’ai fait une autre découverte derrière l’ile de Ngor et plus précisément au large de Ouakam. Un jour, dans ces eaux profondes, j’ai poursuivi un ban de gros poissons genre thiofs qui s’étaient réfugiés dans une épave d’avion. Sur place, j’ai constaté que l’hélice de l’avion est toujours intacte. Un vieux notable de Yoff m’a dit que c’est un avion mauritanien qui s’était abimé en mer en 1979.
Peut-on connaitre exactement dans quelle zone se trouve l’épave de l’avion d’Air France ?
Je ne saurais vous le dire ! En tout cas, c’est au large de Dakar. D’ailleurs avec mon appareil de localisation GPS, j’ai pris le soin de mentionner la distance, la position de l’épave et la profondeur des eaux sur mon agenda pour pouvoir y retourner facilement. Même les membres de l’équipage de ma pirogue ne connaissent pas l’endroit. Car, en haute mer, c’est moi qui effectue les plongées sous marines pour capturer les poissons avant de les remonter à la surface. Eux, ils se contentent de garder les prises à bord de la pirogue. Même s’ils connaissent l’endroit, ils peuvent l’oublier du fait que nous opérons dans tous les coins et recoins de l’Atlantique. D’ailleurs, je déplore le fait que les autorités sénégalaises ne soient pas trop passionnées ou obnubilées par les découvertes à caractère historique ou archéologique. Je profite de cette interview pour lancer un appel à la télévision France24, à l’ambassadeur de France au Sénégal et aux responsables de la compagnie d’Air France. Si ces derniers sont vraiment intéressés, je suis prêt à retourner sur les lieux pour filmer l’épave. Je demande seulement qu’ils m’offrent une caméra sous-marine pour que je puisse filmer l’épave de l’avion.
Est-ce que la pêche sous-marine nourrit bien son homme ?
Non ! On pratique ce métier avec tous les risques qu’il comporte pour avoir seulement de quoi vivre au quotidien. Rien qu’à Dakar, nous sommes plus de 300 pécheurs sousmarins vivant dans des situations très difficiles. Et l’Etat n’a rien fait pour nous organiser et nous aider en équipements. Aucun pêcheur sous-marin n’est en mesure d’acheter des équipements et accessoires neufs qui coûtent trop cher à Dakar. Nous n’utilisons que du matériel d’occasion ou venant (Ndlr, de France c’est-à-dire de seconde ou troisième main !) à savoir des bouteilles d’oxygène, des fusil pour capturer ou tuer les poissons, des combinaisons, des palmes, des gants, des bouées etc. Tout cela, encore une fois, est très vétuste. Par exemple, les bouteilles d’oxygène que nous utilisons, dont la plupart sont défectueuses, peuvent exploser à tout moment ! Sans oublier les risques de syncope, les incidents biochimiques et autres accidents cardiovasculaires faute de décompression etc. Parce que la plongée sous-marine met le corps à rude épreuve et lui impose de fortes pressions lorsque la descente se fait à de grandes profondeurs. Il est donc indispensable, une fois sortis de mer, d’aller décompresser l’organisme. Malheureusement, au Sénégal, il n’y aucune cabine de décompression installée sur les quais de pêche ou les plages autorisées. Aujourd’hui, presque la moitié des pêcheurs sont décédés d’accidents de décompression. D’autres sont paralysés à vie. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, mon jeune frère est décédé en haute mer suite à un accident de plongée. D’ailleurs, ma famille est toujours en deuil.
Etes-vous, comme on dit, un « mercenaire » de la pêche sous-marine?
Oui ! Pour s’en sortir, il faut être un mercenaire ! A chaque fois qu’il fait beau temps, des mareyeurs mauritaniens viennent nous chercher à Dakar pour la pêche sous-marine. Une fois dans les eaux mauritaniennes, ils nous payent entre 2.000 cfa et 3.000 cfa/kg pour le thiof, le mérou, la langouste, la crevette etc. Par exemple, pour une tonne capturée, on peut se retrouver avec une somme de 3 millions cfa que nous nous partageons, nous Sénégalais. Or, les mareyeurs mauritaniens revendent ces produits à l’exportation à 8.000 cfa/kilo. Vous voyez, rien que pour la tonne, ils peuvent se retrouver avec 8 millions cfa. Il nous arrive parfois de pêcher jusqu’à 10 tonnes dans les eaux mauritaniennes et pour le compte de mareyeurs mauritaniens. Juste pour vous dire que le « mercenariat » sous-marin nourrit bien son homme !
A ce qu’on dit, les fonds marins regorgent de nombreux mystères. Est-ce vrai ?
Comme la terre, la mer a ses réalités ! Tout ce qui existe comme êtres surnaturels sur la terre des hommes, on le rencontre dans la mer à savoir les djinns, les sorciers etc. Vous savez, les océans sont réputés pour abriter toutes sortes d’étranges créatures telles que des monstres marins, des sirènes et des serpents de mer. Au large de Dakar, j’ai eu à rencontrer un chameau, je dis bien un chameau comme on en voit dans le désert, dans les eaux profondes. Nous faisons des plongées de nuit entre 2 h et 5 h du matin, il arrive des fois, au fond de l’océan, que des voix étranges vous appellent par votre nom. Lorsque ça se produit, je suis presque paralysé par la chair de poule. Sans me faire prier, je remonte alors à la surface ! Certains animaux retrouvés dans les grandes profondeurs n’ont rien à voir avec ceux qui vivent à proximité de la lumière c’est-à-dire en surface. Il y a aussi les requins qui vous poursuivent. Heureusement, nous sommes toujours armés de fusil de chasse et de torches pour nous défendre. Pour cela, mon défunt père nous avait donné, mes frères et moi, des bains mystiques à effectuer avant d’aller en mer. La zone la plus dangereuse abritant des monstres et des djinns, c’est entre Ouakam et l’Ile de Ngor. Elle contient aussi des requins que certains baigneurs confondent à des baleines. D’ailleurs, nos parents lébous nous ont toujours déconseillé cette zone très poissonneuse, mais dangereuse !
Comment vivent les espèces et autres monstres dans l’océan ?
Dans les profondeurs océaniques, les gros poissons et autres espèces vivent comme nous c’est-à-dire en familles ou en groupes. Ils vivent aux creux des rochers et autres épaves de bateaux, d’avions etc. Cela leur sert de « maisons » leur permettant de se mettre à l’abri des prédateurs. Seuls les montres et autres créatures étranges vivent dans la « rue » pour dire qu’ils sont sans abri. Comme des animaux terrestres, ils s’entretuent dans l’obscurité des eaux profondes de l’océan. Parce qu’à partir de 200 mètres de profondeur, se trouve la « zone de minuit ». Là, la lumière du jour ou le soleil ne parvient plus à l’atteindre.
Les êtres humains que nous sommes y évoluent comme des aveugles. Dans ces fonds marins, on entend que les frémissements des prédateurs qui essayent de repérer leurs proies. Vraiment, personne ne peut vous décrire les mystères de l’océan. En cas de noyades ou de sinistres en haute mer, par exemples des crashs d’avions, on constate la présence des plongeurs de Ngor, Yoff, Ouakam etc. aux cotés des sapeurs-Pompiers. Comment vous voyez cette collaboration des les opérations de recherches et de secours… D’abord, je tiens à préciser que les sapeurs pompiers sont plus professionnels, mais nous sommes plus aguerris, nous plongeurs sous-marins amateurs. Parce qu’avec nos équipements précaires et limités, on fait des plongées en bouteille de plus de 100 mètres de profondeur de 15 minutes maximum sous l’eau.
A nos risques et périls compte tenu des accessoires obsolètes dont nous disposons et qui n’existent plus sans doute dans aucun autre pays. Dans de nombreux cas de noyades ou accidents en haute mer, les piroguiers et les plongeurs sous-marins appuient bénévolement les sapeurs-pompiers dans les recherches. Et dans nombreux cas, ce sont les plongeurs sous-marins qui retrouvent les corps sans vie avant de les remettre aux sapeurs-pompiers. Dès le lendemain, on lit avec désolation dans les journaux que les corps ont été retrouvés par les sapeurs-pompiers. Alors que c’est nous, plongeurs sous-marins « amateurs », qui les avons repêchés !