BBL ET LIPOSUCCION, LE BUSINESS QUI TUE
La mort présumée de Ngoné Ndiaye en Turquie révèle l'envers du décor de la chirurgie esthétique. Influenceuses sénégalaises, elles racontent leur calvaire après des opérations censées les embellir mais qui les ont brisées, parfois à vie

Le décès du mannequin sénégalais Ngoné Ndiaye, survenu le week-end dernier en Turquie à la suite d'un malaise survenu lors d'une opération de chirurgie esthétique, a provoqué une onde de choc sur les réseaux sociaux. Les témoignages affluent, notamment d'influenceurs ayant aussi eu recours à ces pratiques risquées. Entre douleurs physiques, privations alimentaires et séquelles irréversibles, certaines racontent un véritable calvaire.
« Je n'arrive plus à m'alimenter correctement. Depuis six mois, je ne prends que de la bouillie. » « Je ne dois pas dépasser sept cuillerées de riz par jour. Si je le fais, je souffre énormément. » « Je n'ai pas goûté à un seul morceau de viande pendant la fête de Tabaski. » Ces mots résonnent comme une alerte. Ils traduisent le quotidien de femmes brisées par des opérations censées les rendre « plus belles », mais qui, dans certains cas, les ont rendues malades... ou les ont tuées.
Quand ce qui devait être une quête de perfection vire au cauchemar. Si certaines réussissent à obtenir le corps qu'elles désirent, beaucoup paient ce rêve au prix fort : douleurs chroniques, troubles alimentaires, dépressions, et dans les cas les plus graves... la mort. Bref, le décès de Ngoné Ndiaye a ouvert un débat nécessaire sur les dérives de la chirurgie esthétique dans un monde dominé par l'image. Une course effrénée à la perfection qui interroge notre rapport au corps, à la beauté... et à la vie.
Ngoné Ndiaye, un destin brisé
Originaire de Pikine, banlieue dakaroise, Ngoné Ndiaye avait été sacrée Miss Pikine en 2008. Belle, élancée, au teint clair et à la silhouette enviée, elle s'était rapidement imposée dans l'univers du mannequinat sénégalais. Elle défilait pour les plus grands stylistes locaux et participait régulièrement à des événements culturels majeurs. Mais la belle nymphe ne semblait pas satisfaite de sa beauté naturelle. Après une première opération pour « arrondir ses formes », qu'elle affichait fièrement sur ses réseaux sociaux, elle décide de subir une nouvelle intervention en Tunisie, après une première réussite en Turquie. Une opération de trop. Après être rentrée à son hôtel, l'opération connaît des complications qui lui seront fatales. Depuis lors, ses consœurs tirent la sonnette d'alarme.
Adji Mass : « J'étais à un pas de la mort »
Adji Mass, influenceuse sénégalaise, raconte elle aussi son calvaire après une série d'opérations : réduction mammaire, liposuccion du ventre, puis 2 BBL (Brazilian Butt Lift), intervention visant à augmenter le volume des fesses par transfert de graisse. « Après l'opération, j'ai dû rester allongée plus d'un mois. N'étant pas bien informée, je me suis assise trop tôt. Résultat : la graisse a fondu et j'ai dû recommencer. En tout, j'ai subi quatre interventions. »
À son retour de Turquie, elle révèle être hospitalisée en urgence dans une clinique dakaroise. Aujourd'hui encore, elle peine à se nourrir normalement. « Je ne mange que de la salade, des crudités et des fruits. Même si j'ai maintenant la silhouette de mes rêves, je souffre. Je déconseille cette pratique à toutes. »
Témoignages d'un quotidien douloureux : chirurgie dentaire, liposuccion des bras...
D'autres influenceurs partagent également leurs désillusions. L'une d'elles, ayant subi une chirurgie dentaire, affirme ne plus pouvoir mâcher depuis plusieurs mois. « Pendant la Tabaski, je n'ai pas pu manger un seul morceau de viande. Je me nourris exclusivement de bouillie », balance-t-elle dans un live.
Une autre, opérée pour une liposuccion des bras en Turquie, raconte son calvaire. Il s'agit d'une intervention esthétique qui vise à éliminer les amas graisseux localisés et résistant à l'alimentation et à l'exercice physique. Elle permet de remodeler la silhouette en aspirant la graisse à travers de petites incisions, généralement sous anesthésie locale ou générale. Même si l'opération a réussi, « je dois subir un régime alimentaire strict et je dois me rendre fréquemment en Turquie pour le suivi », fait-elle savoir avant d'avertir : « en cas d'infection après un BBL, il n'y a pas de solution : c'est une mort programmée. Les médecins vous font d'ailleurs signer un papier de décharge. »
Un business lucratif... au prix du silence
L'une des cliniques les plus prisées dernièrement par les influenceuses sénégalaises s'appelle Glam Travel. Basée en Tunisie, cette clinique cible les femmes les plus influentes au Sénégal avant d'entrer en contact avec elles. Une fois le contact fait, elle te propose une opération gratuite. Si la personne accepte, elle fera leur pub. L'idée, c'est de faire des vidéos avant et après l'opération tout en louant les services des médecins chirurgiens, afin d'attirer plus de clients. Comme pour dire : « quand le service est gratuit, c'est vous le produit ».
À en croire cette dame, chaque nouvelle cliente que tu réussis à décrocher pour la clinique t'apporte 250 euros soit près de 170 000 FCFA. Mais derrière ce business se cachent des non-dits. Appelée à l'époque Univers med, l'histoire de cette clinique a fait le tour du monde. Lors d'un reportage télé sur la chaîne France 2 en avril 2021, l'agence Univers Med connue également sous le nom d'Univers Esthétique et d'Univers Tour s'est fait attaquer par des mannequins européens dont l'opération avait connu un échec total. L'effet du reportage sur la réputation de cette agence et de son chirurgien était catastrophique, d'autant plus que la direction n'a pas pu nier les faits.
Pour y remédier, Univers Med a créé une autre marque intitulée Univers Tour et a commencé à collaborer avec d'autres médecins. De plus, le tour opérateur a bombardé les forums et les réseaux sociaux par des témoignages positifs pour combler les vrais avis négatifs sur Univers Med. Mais malheureusement pour elle, la tentative de blanchiment a échoué, car l'impact de l'émission était énorme, sans oublier la publication de plusieurs témoignages vidéo postés par de vraies patientes. Ayant épuisé toutes ses chances, l'entreprise a changé de nom en devenant Glam Travel. Elle a changé de technique d'approche en s'orientant vers l'Afrique avec comme cibles principales les influenceuses.