CE VISAGE DE CARTE POSTALE QUE ZIGUINCHOR NE DEVRAIT JAMAIS PERDRE !
Voyager dans certains coins du Sénégal des profondeurs requiert beaucoup d’endurance, des efforts parfois surhumains et, dans tous les cas, une résilience à toute épreuve. « Le Témoin » l’a appris en entreprenant un périple ardu et risqué de Dakar à Zig

Voyager dans certains coins du Sénégal des profondeurs requiert beaucoup d’endurance, des efforts parfois surhumains et, dans tous les cas, une résilience à toute épreuve. « Le Témoin » l’a appris en entreprenant un périple ardu et risqué de Dakar à Ziguinchor en passant par Bignona. Un voyage effectué sur des routes souvent impraticables par ces temps de grosses pluies et à travers des chantiers routiers en cours. Sans compter les tracasseries aux frontières avec la Gambie, et les nombreux points de contrôle dans ce pays lové au cœur du Sénégal.
Il est essentiel que les gouvernements sénégalais et gambien réexaminent le système de contrôle routier le long de la transgambienne. Les voyageurs se sentent littéralement submergés et abusés, confrontés à d’incessants barrages routiers et à des contrôles tous les kilomètres, assortis de paiements illégaux allant de 5 000 FCFA à 20 000 FCFA pour des infractions souvent imaginaires.
Cependant, voyager pour aller à la découverte de Zig la belle, ça vaut le coup. Comparée à Dakar, la ville dirigée par l’opposant Ousmane Sonko, du moins pour ceux qui la découvrent la première fois, apparaît plus accueillante, plus agréable à vivre. Un énorme fossé sépare les deux villes en termes d’urbanisation, de démographie et de réalités socio-économiques et culturelles. Ziguinchor offre des rues plus larges et spacieuses, moins polluées que les étroits labyrinthes de Dakar envahis par les deux roues, les Ndiaga Ndiaye et les pittoresques cars rapides. A notre arrivée à Ziguinchor où nous craignions de découvrir une ville en état de siège après les violentes manifestations du mois de juin, c’est un calme qui régnait. Malgré les stigmates des saccages encore visibles, les activités commerciales se déroulent normalement en ce mois de septembre et les embouteillages ont refait leur apparition.
Arrêt des rotations maritimes Dakar-Ziguinchor
Ziguinchor est sublime de par ses arbres et son tapis herbacé. Au Port, le vide et le silence total se font sentir. C’est le calme plat. Aucun bateau n’a accosté sur les quais ni l’Aline Sitoe Diatta, ni le Mbissine, encore moins le Dieumbeut Mbodj. Conséquence de l’arrêt des désertes de ces navires qui reliaient Ziguinchor à Dakar, le port a perdu son animation habituelle, il est comme délaissé. Un arrêt qui a paralysé le commerce et contraint les voyageurs à chercher d’autres moyens de transport. Juste à côté, de gros porteurs déchargent ou chargent des marchandises pour les convoyer par la route. En face, le mémorial du bateau le Joola, un magnifique édifice presque finalisé, se dresse au bord du fleuve. À côté, un beau jardin achevé à 80% prêt, longe l’espace public qui entoure ce joyau immortalisant à jamais la tragédie du Joola qui avait fait plus d’un millier de morts. Des vues magnifiques, une faune abondante et une flore aux plantes flamboyantes enveloppent les contrées de Ziguinchor à Bignona. C’est dans cet environnement accueillant que notre équipe a rencontré les familles des victimes des manifestations de mars 2021, du 17 juin 2022 et du 1er juin 2023 durant lesquelles le Sud était l’épicentre des troubles qui avaient agité notre pays avec leur lot de pertes en vie humaine. C’est donc dans cette ville, Ziguinchor, capitale d’une région qui a connu une rébellion armée de plus de 40 ans que les manifestations de mars 2021 et juin 2022 ont été les plus intenses. Des affrontements meurtriers qui ont laissé des séquelles chez des familles endeuillées et abandonnées à elles-mêmes. Des familles qui trainent encore des traumatismes psychologiques et exigent désormais justice. En effet si certains ont perdu un fils, un frère ou parent d’autres trainent les séquelles de ces manifestations. Des jeunes se sont retrouvés ainsi estropiés. Et malgré la bonne ambiance de la ville, les plaies peinent à se cicatriser dans un environnement de ni paix ni guerre car les violences peuvent ressurgir à n’importe quel moment. D’où l’appel des familles qui ont déjà trop souffert de la rébellion et qui rêvent d’une résolution rapide de la crise politique afin de leur épargner la mort de jeunes dont les parents sont éloignés des préoccupations politiques de leurs enfants. Un appel destiné à toutes les chapelles politiques pour la résolution des conflits qui déchirent et, souvent, ensanglantent notre pays.