DEMBA HAMADY SADA, LE BERGER DEVENU SYMBOLE DE DIGNITE ET DE FIERTE
Le village de Mbanane, niché à moins de cinq kilomètres de Ourossogui, est en liesse. Un fils revient. Pas n’importe lequel. Demba Hamady Sada, jeune berger d’à peine une vingtaine d’années, revient chez lui, mais c’est en héros qu’il foule de nouveau

En ce 22 juillet 2025, la commune de Nabadji Civol, dans la région de Matam, vit un moment d’histoire. Le village de Mbanane, niché à moins de cinq kilomètres de Ourossogui, est en liesse. Un fils revient. Pas n’importe lequel. Demba Hamady Sada, jeune berger d’à peine une vingtaine d’années, revient chez lui, mais c’est en héros qu’il foule de nouveau la terre de ses ancêtres.
Cinq ans auparavant, il quittait le village, le cœur lourd mais le regard tourné vers l’horizon. À peine marié, il laissait derrière lui sa mère, son foyer, et ses repères… animé d’un rêve simple mais immense : offrir un avenir digne à ceux qu’il aime. Comme tant de ses aînés, il n’avait pour tout bien qu’un bâton, quelques provisions et une foi inébranlable en Dieu et en lui-même.
Son exil le mena vers le Mali, vaste territoire d’espoir et d’incertitude, où il passa cinq années à conduire des troupeaux, à affronter les intempéries, à braver la solitude et parfois la peur. Mais il tint bon, soutenu par l’amour des siens et la mémoire du Fouta. Et aujourd’hui, il revient, non plus comme un simple berger, mais comme le propriétaire d’un cheptel florissant, fruit de son courage, de son endurance, et de sa droiture.
De la frontière malienne aux rives du fleuve Sénégal, son retour ressemble à une traversée triomphale. Des villages entiers se pressent pour l’apercevoir, les enfants crient son nom, les anciens le bénissent, et partout on célèbre son passage. Au Mali, on l’a surnommé « Demba Foutanké » Demba, le fils du Fouta en hommage à ses origines et à l’honneur qu’il leur rend.
Mais ce qu’il ramène dépasse les têtes de bétail. Il revient avec ce que l’exil ne peut pas voler : une dignité intacte, une âme invaincue, une fierté contagieuse. Lors des cérémonies de “Yaaro”, quand il conduit son troupeau devant la foule rassemblée, il ne marche pas seul : il incarne toute une jeunesse, celle qui croit encore en la noblesse du travail, en la grandeur de l’effort, en la beauté de l’honneur.
Depuis des semaines, les réseaux sociaux vibrent à son nom. De Dakar à Nouakchott, de Bamako à Accra, même à Yaoundé, les vidéos de son retour font le tour du web. Il est devenu un mythe vivant, un symbole d’espoir, un exemple rare à une époque où beaucoup cherchent la facilité. Il a choisi le sacrifice, il récolte aujourd’hui l’admiration.
Les jeunes filles chantent son nom. Les griots composent ses louanges.
Car Demba n’a pas seulement ramené des troupeaux : il a ramené la preuve qu’on peut réussir sans trahir ses valeurs.
Ce 22 juillet, Mbanane est devenu le cœur battant du Fouta. Des milliers de personnes venues de tout le pays, et même de la sous-région, affluent pour l’accueillir. Face à cette affluence inédite, les autorités de Matam ont mobilisé un dispositif spécial de sécurité, pour que la fête reste paix.
Au milieu de la foule, une silhouette frêle mais fière l’attend. Sa mère. Une femme qui n’a jamais cessé d’espérer, même dans le silence. Les bras tremblants, les yeux pleins de larmes, elle retrouve son fils, celui qu’elle avait confié à Dieu, celui qu’elle pensait peut-être perdu dans les terres lointaines, là où la violence rôde, là où d’autres n’ont jamais pu revenir.
Mais lui est là. Debout. Digne. Vivant.
Et dans cette étreinte silencieuse entre une mère et son fils, c’est tout un peuple qui retrouve foi en lui-même.
C’est le rêve de toute mère : revoir son enfant, triomphant malgré les épreuves.
C’est le rêve de tout fils : offrir à celle qui a tant donné un instant d’éternité.
Des dignitaires se sont déplacés pour lui rendre hommage. Les artistes chantent déjà sa gloire. Mais dans ce moment d’émotion, un souvenir douloureux plane sur les festivités : celui des bergers tombés lors de l’attaque de Diboli, au Mali, le 1er juillet dernier. Demba n’a pas oublié. Et sa communauté non plus.
Des prières seront dites, des larmes versées pour ces frères tombés sur la route du retour. Et un appel est lancé aux autorités : protégez nos bergers. Ce ne sont pas des ennemis, ce sont des hommes de paix, de courage, de silence, porteurs de traditions et de vérité.
Aujourd’hui, Demba Hamady Sada n’est plus seulement un berger.
Il est un phare dans la nuit, un étendard vivant du Pulaagu, un témoin de la noblesse rurale, une voix pour les sans-voix.
Son histoire n’est pas seulement racontée : elle est ressentie.
Elle nous rappelle une chose essentielle :
Aucune adversité ne saurait briser celui qui croit profondément en la noblesse du travail, en la force du silence, et en l'amour du foyer.