DES BALLES DANS LES SQUELETTES DES TIRAILLEURS
Des squelettes humains criblés de balles ont été exhumés dans le cimetière de Thiaroye. Ces découvertes macabres relancent l'enquête sur le massacre de tirailleurs africains perpétré par l'armée française le 1er décembre 1944

(SenePlus) - Les archéologues ont exhumé les preuves d'un crime longtemps tu. Dans le cimetière militaire de Thiaroye, près de Dakar, des squelettes humains portent encore les stigmates de la violence coloniale : des balles logées dans leurs corps, témoins silencieux du massacre du 1er décembre 1944.
« Des squelettes humains ont été découverts avec des balles dans le corps, au niveau de la poitrine pour certains. Les balles sont de calibres différents », révèle une source proche du dossier à l'Agence France-Presse. Ces fouilles, menées depuis début mai, ne concernent pour l'instant qu'« une petite section du cimetière », selon Le Monde.
Le 1er décembre 1944, les forces coloniales françaises avaient ouvert le feu sur des tirailleurs africains rapatriés des combats européens de la Seconde Guerre mondiale. Ces soldats, venus du Sénégal et d'autres pays ouest-africains, réclamaient simplement le paiement de leurs arriérés de solde.
Les autorités françaises de l'époque n'avaient admis que 35 morts, mais les historiens avancent un bilan bien plus lourd, jusqu'à 400 victimes. Les découvertes actuelles pourraient enfin permettre d'établir la réalité des faits. Une expertise balistique déterminera « la nature des balles et des armes utilisées », tandis que des analyses ADN aideront à identifier les victimes inhumées sur place.
Cette démarche archéologique s'inscrit dans la volonté du gouvernement sénégalais de faire « la manifestation de toute la vérité », comme annoncé le 19 février dernier. Dakar reproche à Paris de dissimuler des faits sur ce massacre, « en retenant notamment des documents d'archives permettant de connaître le bilan humain ».
Des chercheurs réclamaient depuis des années ces fouilles au cimetière de Thiaroye et dans le camp militaire proche, où logeaient les tirailleurs tués. Un comité de chercheurs, mis en place en avril 2024 par les autorités sénégalaises, devait remettre un rapport sur le massacre le 3 avril. Ce rapport n'a toujours pas été publié, sans explication officielle.
La France a finalement reconnu le massacre comme tel fin novembre 2024, à la veille du 80e anniversaire de la tuerie, que le Sénégal a commémorée « avec une envergure sans précédent ».
Ces découvertes macabres rappellent le sort de ces 200 000 tirailleurs sénégalais envoyés en Europe durant la Première Guerre mondiale, dont près de 30 000 sont morts dans les tranchées de Verdun ou du Chemin des Dames. Malgré ce lourd tribut, « le travail de mémoire des tirailleurs sénégalais a longtemps été retardé en France », nombre d'entre eux ayant touché « des pensions bien inférieures aux autres anciens combattants ».