VIDEODES FOUILLES POUR FAIRE PARLER LES MORTS DE THIAROYE
Au cimetière militaire de Thiaroye, des archéologues sondent actuellement le sol à la recherche de preuves matérielles qui pourraient enfin révéler l'ampleur réelle du massacre de tirailleurs africains perpétré par l'armée coloniale française en 1944

(SenePlus) - Des recherches archéologiques sont actuellement en cours au cimetière militaire de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, afin d'élucider l'un des massacres les plus sanglants de la période coloniale française au Sénégal. Selon les informations rapportées par Le Monde avec l'AFP ce mercredi 21 mai, ces fouilles, qui ont débuté il y a une dizaine de jours, visent à faire la lumière sur de nombreuses zones d'ombre entourant le massacre de tirailleurs africains perpétré par l'armée française le 1er décembre 1944.
"De nombreuses zones d'ombre subsistent sur les circonstances du massacre commis le 1er décembre 1944, l'un des pires de la colonisation française au Sénégal : le nombre de tirailleurs tués, leur identité, le lieu de leur inhumation...", souligne le quotidien français.
Ces fouilles, dont l'accès est strictement contrôlé, interviennent dans un contexte où les autorités sénégalaises cherchent à établir "la manifestation de toute la vérité" sur ce drame. Le gouvernement avait annoncé le 19 février dernier le lancement de ces investigations archéologiques, réclamées depuis longtemps par des chercheurs.
L'ampleur réelle de ce massacre fait l'objet de vives controverses entre historiens et entre les gouvernements français et sénégalais. Si les autorités françaises de l'époque avaient reconnu la mort de 35 personnes, "plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé – jusqu'à 400 soldats", rappelle Le Monde.
Ce bilan contesté s'ajoute aux nombreuses interrogations concernant l'identité précise des victimes et la localisation exacte de leur sépulture. Les tirailleurs massacrés, qui ne venaient pas uniquement du Sénégal mais aussi d'autres pays africains, avaient été rapatriés des combats en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et réclamaient le paiement d'arriérés de solde.
Un responsable du cimetière, cité par le journal, a indiqué que l'accès au site est fermé "depuis deux mois en raison de travaux". De son côté, un membre du comité de commémoration a précisé : "Nous ne communiquons pas pour le moment sur cette question. Le gouvernement sénégalais le fera le moment venu."
Un enjeu politique et mémoriel
Ces fouilles s'inscrivent dans un contexte politique particulier, le gouvernement sénégalais reprochant à la France "de dissimuler des faits sur ce massacre en retenant notamment des documents d'archives permettant de connaître le bilan humain", précise l'article.
En novembre 2024, à la veille du 80e anniversaire du massacre, la France avait officiellement reconnu les faits comme un "massacre". Le Sénégal avait alors commémoré l'événement "avec une envergure inédite", rappelle Le Monde.
En avril 2024, les autorités sénégalaises, "qui se réclament du souverainisme", avaient mis en place un comité de chercheurs chargé de remettre un rapport sur le massacre. Prévu initialement pour le 3 avril, ce rapport n'a toujours pas été rendu public, et "aucune explication officielle n'a été fournie sur les raisons de ce report", selon le quotidien français.
Les résultats de ces fouilles archéologiques pourraient donc constituer une étape décisive dans la réécriture de cette page douloureuse de l'histoire coloniale française et dans les relations franco-sénégalaises, alors que la question mémorielle demeure un enjeu sensible entre les deux pays.