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10 juin 2025
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PAR Thierno Sora Ndiaye

DIALLO N’EST PAS MORT, MAIS ASSASSINÉ

EXCLUSIF SENEPLUS - Diallo incarne cette résistance tenace face à une machine étatique broyeuse de vies. Son histoire s’inscrit dans la lignée des répressions sanglantes. Il ne s’agit pas de bavures, mais d’une doctrine bien assumée

Thierno Sora Ndiaye  |   Publication 03/06/2025

« Tu sais grand, les gendarmes nous ont torturés dans le fourgon, ils nous marchaient sur les genoux et nous frappaient sur nos articulations »
Ces mots sont ceux d’un jeune homme courageux, digne et jovial que j’ai rencontré lors de mon séjour carcéral : Mamadou Diallo. Aujourd’hui, Mamadou Diallo n’est plus. Mais à quel prix ? Pour quelle finalité ?

Je ne prétends pas me faire le porte-parole d’un quelconque collectif. Cependant, je refuse que la souffrance d’un camarade, sa vie de militant, son histoire, sombrent dans l’oubli.

Diallo a été arrêté lors des manifestations du vendredi 9 février 20241, par des gendarmes qui l’ont par la suite conduit à la Brigade Thiong2. De son arrestation à sa remise à la brigade de la gendarmerie, il a passé des heures entre tortures et violence policière ou violence d’État3.

Il faut le dire clairement : au Sénégal, l’appareil répressif de l’État fonctionne de manière mécanique. À tour de rôle, les politiciens ont donné les ordres et les hommes en uniforme les ont exécutés avec zèle. Cette violence ne date pas d’hier et n’a jamais disparu ; en réalité, aucun dirigeant n’a cherché à la déconstruire.

Senghor fut le premier héritier de cette violence, qu’il a pleinement assumée tout au long de son pouvoir. Le Parti africain de l’indépendance (PAI) fut l’une des premières formations politiques à en faire les frais. Comme le rapporte le professeur Abdoulaye Bathily dans son livre « Passion de liberté », le PAI fut dissous dès 1960, contraignant son secrétaire général, Majmouth Diop, à l’exil. En 1962, les tensions politiques atteignirent leur paroxysme avec l’arrestation du Premier ministre Mamadou Dia et de plusieurs de ses compagnons. L’année 1963 fut marquée par une répression sanglante après des élections contestées, causant plusieurs morts encore non élucidées. D’autres crises suivirent, tout aussi violentes. En 1968, le journal Dakar-Matin (devenu Le Soleil) publiait un communiqué officiel indiquant : « Les forces de l’ordre ont reçu l’autorisation de faire usage de leurs armes et de tirer à vue… ». Le 11 mai 1973, on pouvait lire dans la presse, tel que le rappelle l’historien Florian Bobin dans « Cette si longue quête » : « Encore un crime de Senghor : l’étudiant Omar Blondin Diop assassiné. »

Abdou Diouf ne fit guère mieux. Il perpétua cette même violence mécanique, notamment lors des événements de 1988, qui plongèrent le pays dans une crise profonde, et ceux de 1993, qui culminèrent avec l’assassinat d’un juge du Conseil constitutionnel.

Wade, opposant endurci ayant lui-même subi cette violence, n’hésita pas à en user une fois au pouvoir, avec les mêmes complicités. On se souvient des violences de 2012, parmi tant d’autres. Après la validation controversée de sa candidature, des manifestations éclatèrent, réprimées dans le sang, dans une brutalité devenue habituelle. La République sombrait alors dans une élection macabre, entre cadavres et blessés.

Macky Sall, héritier de cette élection sanglante, fut à son tour le prédicateur d’une des périodes les plus violentes de la République, toujours avec les mêmes complices. De 2021 à 2024, les morts restent dans les mémoires, les tombes encore visibles, les victimes toujours marquées par les séquelles.

Ce rappel appelle deux constats : d’une part, la violence d’État est inscrite dans l’ADN de nos institutions ; d’autre part, elle est une violence légitimée. Chez les forces de l’ordre (policiers, gendarmes, militaires), il ne s’agit pas de bavures mais d’une doctrine bien assumée. Une doctrine qui profite aux politiciens, chaque transition s’opérant sur des corps martyrisés. Comme le disait Mamadou Dia dans ses mémoires : « C’est la mort de Blondin Diop qui nous a libérés de prison. » Wade accéda au pouvoir sur le sang de plusieurs Sénégalais. Macky Sall lui succéda dans les mêmes conditions, avec des cadavres tout le long du pavé. Diomaye et Sonko n’échappent pas à cette logique : leur libération et leur accession au pouvoir sont jalonnées de cadavres et de détenu(e)s entassé(e)s.

Diallo est victime d’une doctrine de la violence assumée et bien revendiquée par les forces de l’ordres, et son témoignage en dit long sur les pratiques.

Nous nous sommes rencontrés dans les caves du Tribunal de grande instance de Dakar, en attendant le mandat de dépôt du procureur. À l’époque, nous avions nos propres moyens pour nous retrouver. Ce jour-là, c’est la coupe de mes cheveux qui fit sourire Diallo : « Grand, mes cheveux étaient plus longs que les tiens ! »

Je l’observai : il ne lui restait presque plus de cheveux. Intrigué, j’entamai la conversation.

Moi c’est Thierno Sora, et toi ?

-Moi c’est Diallo ¨bay¨

Mais que sont devenu tes cheveux ?

- Grand, les gendarmes nous ont torturés dans leur fourgon, ils nous frappaient sur les genoux et sur nos articulations. Moi ils m’ont arraché les cheveux à mains nues ¨danu boudi samay karaw¨

Non je n’ai pas saisi, ils t’arrachaient les cheveux comment ?

-Ils m’ont arrêté en me taxant, avec mes cheveux, de criminel de rue, et là ils ont commencé à me les arracher violemment de la tête. Tu peux toi-même regarder, je suis arrivé à la Brigade Thiong ensanglanté avec un autre. D’ailleurs lui, il a été envoyé à l’hôpital le lendemain (samedi 10), car il hurlait de souffrance et c’était intenable pour lui, tellement les gendarmes nous ont fait souffrir et il n’est pas revenu depuis.

Mais moi dans le pick-up où j’étais avec un ami, y avait aussi un qui saignait de la tête et les policiers se foutaient de sa souffrance. J’ai voulu parler on m’a giflé.

-Ce n’est rien, grand. Nous, ils nous ont forcés à nous courber sous les sièges du fourgon, frappés à coups de bottes dans le dos, sur la colonne vertébrale, la tête, les poignets, les genoux. Ils disaient : « Vous ne marcherez plus jamais, vous ne courrez plus, vous ne lancerez plus de pierres. » Ils se relayaient pour nous frapper. Certains nous cognaient à coups de casque, d’autres nous piétinaient les genoux. À un moment, je me suis mis à saigner sans même m’en rendre compte.

Mais frère, ce qu’ils vous ont infligé, c’était de la torture ?

-Ils voulaient notre mort ! Tu me parles de torture… Je me demandais si j’allais survivre. Nous sommes arrivés à Thiong couverts de sang.

Je lui rétorque comme l’autre avec qui on était dans le pick-up et qu’une fois arrivé à la police de grand Dakar, ils ont demandé à sa famille de lui changer de tenue.

-Il poursuivait, exactement, et tu peux demander à Abd… il était là à notre arrivé à la brigade, c’est là-bas qu’on a eu du répit. Mais on a vécu des choses pénibles durant l’arrestation jusqu’à la remise à la brigade, je ne pouvais même pas marcher lorsqu’on arrivait.

Boy Diallo façon, tu dois tout raconter quand tu sortiras de se merdier In-Sha-Alla.

Diallo n’était pas un homme faible, à l’inverse de certains politiciens. Il avait le courage de dire NON. NON à l’injustice, NON pour défendre la démocratie, NON pour préserver sa dignité. Comme le rappelle Tarde dans « L’Opinion et la foule », il faut se méfier de la tentation de réduire les masses à un simple amalgame. Les détenus politiques constituent une masse consciente et engagée. Diallo en était l’incarnation. Son traumatisme est celui de beaucoup d’autres, qui ignorent peut-être encore les séquelles qu’ils portent.

Quatre (4) mois de souffrance sans assistance, ni accompagnement à son égard. Il semblerait que la conscience de la responsabilité n’anime plus.

Une chose est sûre : aucun politicien n’a jamais réellement assumé la nécessité de prendre conscience de la violence d’État, ni de situer les responsabilités. Cette fois-ci, il ne saurait être question que ces souffrances s’effacent sans un devoir de justice, sans une réforme substantielle des structures de cette violence.

Un camarade juriste, lors d’une discussion, @jereave dit : «la police (entendez par là, toutes les forces régaliennes sensées rétablir l’ordre public) est une institution tout aussi importante que toutes les autres institutions. C’est la seule institution qui est attentatoire à notre liberté, c’est la seule qui est capable de nous tuer… ».

Réformer signifie avoir le courage de nommer les responsables de cette violence structurelle. Diallo n’est pas mort sous les coups de magistrats ou de politiciens, mais sous ceux de gendarmes, et des témoins pourront le confirmer.

Réformer, c’est déconstruire cette doctrine policière de la violence d’État. Il faut aussi réformer la justice, car aucun policier n’enquêtera jamais sérieusement sur ses frères d’armes.

À ce titre, la proposition du Dr Alioune Tine lors de la journée du dialogue national est salutaire : confier au Comité des droits de l’homme un mandat pour enquêter de manière impartiale sur toutes les victimes de 2021 à 2024.

C’est un devoir national : nous devons démanteler les structures qui rendent cette violence perpétuelle. Cette déconstruction commence par une prise de conscience politique en particulier de la part de nos dirigeants actuels, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, et doit s’étendre à la société. Il faut situer clairement les responsabilités des événements qui ont précédé leur accession au pouvoir. Sans cela, ils ne feront que reproduire une oligarchie politique peinte, une fois de plus, du sang des pauvres qu’elle méprise.

Mamadou Diallo n’est pas mort, il a été assassiné. Assassiné par une violence d’État systémique, héritée et perpétuée par chaque régime successif du Sénégal, des héritiers de Senghor aux dirigeants d’aujourd’hui. Son témoignage, comme ceux de tant d’autres victimes anonymes, révèle l’horreur d’une doctrine répressive assumée, où la torture et l’impunité sont érigées en méthodes de gouvernance.

Diallo incarne cette résistance fragile mais tenace face à une machine étatique broyeuse de vies. Son histoire n’est pas un fait isolé : elle s’inscrit dans une longue lignée de répressions sanglantes, de Blondin Diop aux martyrs des manifestations de 2021-2024. Pourtant, malgré les plaies encore ouvertes, aucune responsabilité n’a été clairement établie, aucun compte n’a été rendu.

Aujourd’hui, le devoir de mémoire doit se muer en devoir de justice. Il ne suffit pas de condamner symboliquement les bourreaux ; il faut démanteler les structures qui légitiment leur barbarie. Les réformes promises ne vaudront que si elles nomment les coupables, sanctionnent les crimes et rompent enfin avec cette tradition de violence légalisée.

La mort de Diallo ne doit pas être une fin, mais un cri d’alarme. Un cri pour exiger que plus jamais un Sénégalais ne soit torturé, humilié ou tué au nom de l’ordre public. Parce qu’un pays qui se construit sur le sang de sa jeunesse est un pays qui trahit son avenir.

Restituons à Diallo sa dignité, et à notre nation, son humanité.

Ndiayethernosora@gmail.com

Références

1-Article du journal le Monde titré « Crise au Sénégal : un étudiant tué lors d’une journée de contestation du report de l’élection présidentielle »

2-Brigade de gendarmerie situé à la ville de Dakar, situé sur à la Thiong, lire l’article de Senenews intitulé « 

Brigade gendarmerie de Thiong Dakar

3-Résister aux pratiques et violences d’Etat, Open Edition.

 

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