GAZA COMME MÉTAPHORE
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette destruction des Gazaouis nous enseigne ceci : au-delà du détricotage du droit international, nous assistons à une faillite morale de la communauté internationale

À l’heure où j’écris ces lignes, me reviennent en mémoire les mots poignants du regretté pape François, prononcés le samedi 21 décembre 2024, à la veille de la fête de la Nativité, face au drame de l’humanité qui se joue à Gaza : « Hier, des enfants ont été bombardés. C’est de la cruauté. Ce n’est pas la guerre. Je tiens à le dire parce que cela touche le cœur. »
À l’instar de cette grande figure de paix, désormais entrée dans le pays sans fin, je suis profondément préoccupé par la situation à Gaza. Mais, dans la même veine, je demeure sans les mots justes pour décrire la tragédie qui touche les Gazaouis.
Depuis l’attaque terroriste orchestrée par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, causant la mort de 1 200 Israéliens et la prise en otage de 251 personnes, l’armée israélienne réplique de façon disproportionnée, en ciblant les civils palestiniens vivant dans le petit territoire de Gaza. Dans l’important livre Gaza, une guerre coloniale, paru aux éditions Actes Sud le 14 mai 2025, des anthropologues, historiens, sociologues et politistes spécialistes du Proche-Orient décrivent l’assaut dévastateur mené par Tsahal après l’opération Déluge d’Al-Aqsa. Selon ces spécialistes, la reprise des bombardements après l’accord de cessez-le-feu du 19 janvier 2025, rompu par le gouvernement de Benyamin Netanyahou le 18 mars, a conduit à la mort de plus de 50 144 Palestiniens. Dans le même sillage, plus de 113 704 personnes ont été blessées.
Pour celles et ceux qui l’ignorent, la bande de Gaza est un territoire minuscule. Nichée entre l’Égypte et Israël, elle couvre une superficie totale de 365 km², dans une enclave de 41 km de long et de 6 à 12 km de large, avec 2,3 millions d’habitants.
Presque tous les chercheurs, journalistes et intellectuels, etc. qui documentent le terrible quotidien des Gazaouis depuis plus de cinq décennies emploient le même mot bouleversant : une tragédie est en cours à Gaza. À l’aune de ce constat politique et humain, on peut inscrire les propos de la présidente de Médecins sans Frontières, Isabelle Defourny : « On assiste à une éradication des Palestiniens. »
Quel esprit doté de raison, lucide et foncièrement humain, peut réfuter ces dires ? Le mardi 6 mars 2025, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a affirmé sans ambages sa volonté de déporter la population de Gaza vers le Sinaï. Voici ci-après les paroles glaçantes du ministre d’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahou, chef du parti Sionisme religieux – Mafdal : « Gaza sera totalement détruite. »
Je ne parle même pas des propos irresponsables de Donald Trump sur son projet de « Riviera du Proche-Orient ». Le but de ces gens sans morale ni humanité, par-dessus tout nés avant la honte, n’est pas de vaincre le Hamas — au regard des faits — mais plutôt d’effacer un peuple.
Je ne cesserai de le répéter : les massacres du 7 octobre et les prises d’otages sont inacceptables, mais rien ne saurait justifier une telle brutalité. Deux millions d’âmes sont privées de nourriture, d’électricité et d’eau, et risquent d’être déplacées. Il y a quelques jours, Madame Cindy McCain, directrice exécutive du Programme alimentaire mondial, alertait l’opinion publique ainsi que les dirigeants du monde à travers ces mots : « Les familles de Gaza meurent de faim alors que la nourriture dont elles ont besoin est bloquée à la frontière. Nous ne pouvons pas leur fournir cette assistance vitale en raison de la reprise du conflit et de l’interdiction totale de l’aide humanitaire imposée début mars. »
Je puis le dire sans réserve : notre humanité commune est en train de mourir à Gaza. Je vis loin des bombardements, loin des enfants, des femmes et des hommes tués, mais toute cette violence gratuite me hante.
Cette destruction des Gazaouis nous enseigne ceci : au-delà du détricotage du droit international, nous assistons à une faillite morale de la communauté internationale. Face à cette dépossession et à la douleur infligées aux Palestiniens, mes pensées vont à Mahmoud Darwich, poète intemporel.
Tous ceux qui ont l’humanité et l’humanisme chevillés au corps, et qui croient fondamentalement à l’altérité, doivent élever la voix avant que la catastrophe totale n’advienne.
Indignons-nous !