EN CASAMANCE, LA PAIX CÉLÉBRÉE, MAIS TOUJOURS EN SURSIS
Deux ans après l'accord avec la faction de Diakaye, la commémoration du dépôt des armes se déroule dans un contexte paradoxal : d'un côté une volonté de paix affichée, de l'autre des zones encore minées, des déplacés qui hésitent à rentrer...

C’est dans un contexte de recrudescence de la violence dans une partie du département de Bignona et où un militaire de l’armée sénégalaise est toujours porté disparu que le deuxième anniversaire de dépôt des armes est célébré à Ziguinchor.
Deux ans après le dépôt des armes parla faction de Diakaye du MFDC, une célébration symbolique s’est tenue en Casamance. Pour certains, l’événement incarne un tournant décisif dans la quête de paix dans cette région meurtrie. Pour d’autres, il sonne comme une dissonance, une cérémonie trop tôt programmée dans une atmosphère encore marquée par l’écho des fusils. Car, pendant que l’on brandit le flambeau de la paix à Ziguinchor, certaines zones du département de Bignona vivent sous la menace persistante, théâtre d’opérations militaires déclenchées il y a bientôt un mois pour sécuriser les populations.
Les organisateurs de cette commémoration, quiy voient un moment de réflexion et de sensibilisation sur les perspectives du processus de paix, lancent un appel aux autres factions rebelles pour emboîter le pas à Diakaye. Mais, leurs détracteurs s’interrogent : est-il pertinent de marcher pour la paix à Ziguinchor, ville calme et éloignée des foyers de tensions, alors que les localités comme Djignaky ou la zone des Palmiers, elles, restent soupçonnées d’abriter des éléments armés ?
Si certains se réjouissent des accords signés avec Diakaye, d’autres jugent prématuré de célébrer une paix encore incomplète. Pour ces sceptiques, l’heure doit être à la lucidité. Le souvenir d’autres proclamations similaires, comme celle de décembre 2014 ou encore la « journée de la paix » décrétée après une rencontre avec l’abbé Diamacoune Senghor, rappelle que les symboles n’ont pas suffi à enrayer la reprise des hostilités. La paix, insistent-ils, se vérifie sur le terrain, pas dans les discours, ni les défilés. Et sur le terrain, la situation reste tendue. Certaines zones du Fogny et de la frontière avec la Guinée-Bissau, comme Santhiaba Manjack, sont encore truffées de mines. Le retour des déplacés est lent, la peur omniprésente, et l’hivernage approchant fait ressurgir l’angoisse des agriculteurs de ne pas pouvoir cultiver leurs terres. Le CNAMS est interpellé sur le rythme du déminage, condition essentielle à la reprise de la vie dans ces localités.
Autre inquiétude : la présence résiduelle d’éléments armés. Où sont les hommes de Salif Sadio ? Que sont devenues les factions du Sud ou du camp de Comapass ? Les récentes attaques à Djignaky, survenues précisément dans une zone censée être pacifiée, interrogent sur l’identité des assaillants. Factions dissidentes ? Nouveaux combattants ? La question reste ouverte, tout comme celle du militaire sénégalais capturé à Santhiaba Manjack, que des sources annoncent en vie.
Les acteurs de la société civile, réunis sous la bannière de la COSCPAC, estiment cependant que cette célébration est l’occasion de faire le point sur les avancées enregistrées. Mais d’autres voix rappellent l’urgence de regarder en face les défis restants. L’avion de reconnaissance qui survole encore la zone illustre une vérité simple : la tension est loin d’avoir disparu. Et la jonction évoquée entre différentes factions du MFDC pourrait bien faire reculer encore davantage les espoirs de paix.
La volonté affichée par une partie des combattants du MFDC de rompre avec la lutte armée est à saluer. Mais élargir ce processus à l’ensemble des composantes de la rébellion demeure un défi immense. Tant que certaines zones resteront inaccessibles, tant que les mines menaceront les champs, tant que les armes tonneront à proximité des villages, la paix ne pourra être qu’un projet, pas une réalité.
Célébrer l’an 2 du dépôt des armes n’est pas vain. Cela témoigne d’une volonté. Mais dans une Casamance encore marquée par les incertitudes, l’énigme demeure entière : quand la paix viendra-t-elle vraiment ? Et surtout, comment ?