LE CALVAIRE DE FATOU SAMB MBENGUE
La réclusion criminelle à perpétuité a été requise contre Thierno Mountaga Aw et Aboubacry Thioune, jugés pour viol et séquestration sur une femme handicapée

Thierno Mountaga Aw et Aboubacry Thioune risquent la perpétuité
La chambre criminelle de Mbour a jugé les faits reprochés à Thierno Mountaga Aw et Aboubacry Thioune. Les deux prévenus sont poursuivis pour séquestration et viol sur la dame Fatou Samb Mbengue en situation de handicap physique et mental. Le procureur a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre les deux accusés.
Une affaire particulièrement poignante a été appelée à la barre du tribunal de Mbour. D'autant plus que la victime, doublement handicapée, n'a pas pu assister au procès. Fatou Samb Mbengue est décédée dans un accident de la route survenu après les faits, un drame dont l'auteur reste encore inconnu. Si la souffrance était un trophée, Fatou Samb Mbengue en serait l'une des lauréates, tant sa vie fut marquée par de rudes épreuves.
Devant la barre, le récit glaçant de cette femme, exposé par le procureur, a plongé la salle dans une profonde tristesse. Un aperçu saisissant de la réalité des personnes handicapées dans notre société. « Dans la vie, certaines personnes traversent l'existence sous le poids constant de la souffrance physique, psychologique, sociale ou spirituelle. Fatou Samb Mbengue faisait partie de ce lot. Elle a porté un fardeau jusqu'à sa tombe, affrontant des épreuves sans répit », a déclaré le ministère public.
Les faits remontent au 22 août 2021, vers 21 h, dans une ruelle sombre située derrière l'Empire des Enfants, à Popenguine. Ce soir-là, Jean Marie Guédji Ciss, un habitant du quartier, entend des gémissements suspects. Il s'approche avec une torche et découvre une scène choquante : deux hommes, dont l'un maintient une femme au sol tandis que l'autre est sur elle dans une position explicite. Pris de panique à la vue du témoin, les deux agresseurs prennent la fuite. L'un d'eux laisse derrière lui des effets personnels, notamment un permis de conduire. La victime, quant à elle, est en état de choc, le visage tuméfié. Jean Marie Guédji Ciss alerte immédiatement la gendarmerie. Arrivés rapidement sur les lieux, les pandores découvrent une culotte, deux pantalons, un téléphone portable et un permis de conduire au nom d'Aboubacry Thioune qui seront par la suite mis sous scellés. Ces éléments ont facilité l'enquête, qui a permis l'identification et l'arrestation rapide des suspects. Il s'agit de deux apprentis-chauffeurs d'un autocar immobilisé plus tôt dans la journée.
Interrogés à la brigade, les deux hommes avouent les faits dans le procès-verbal préliminaire ainsi que lors de l'instruction. Cependant, à l'audience, Thierno Mountaga Aw (38 ans) et Aboubacry Thioune (27 ans) se rétractent, prétendant ne pas se connaître et affirmant s'être retrouvés sur les lieux par hasard. L'un déclare s'être baigné dans la mer, l'autre prétend avoir été dévêtu par des riverains en tentant de porter secours à une femme tombée en transe. Mais leurs versions ont été contredites par les témoins, les objets retrouvés sur place, leurs aveux initiaux, ainsi que leur nudité partielle au moment des faits. Le procureur balaye la tentative de minimisation en qualifiant les faits dans son réquisitoire « de crime et de situation atroce ».
Les avocats de la défense, sans nier la gravité des actes, ont plaidé la faiblesse et la honte, tentant d'humaniser les accusés.
Fatou Samb Mbengue : une fin tragique pour une double victime
Fatou Samb Mbengue n'aura pas la chance d'assister au délibéré. Quelques mois après les faits, elle est morte dans un accident de la route. Une fin tragique, à l'image d'une vie marquée par l'abandon, la maladie et les violences répétées. Sa mère Awa Ndiaye a témoigné que sa fille souffrait depuis dix ans de troubles mentaux et d'épilepsie. Avant l'agression, elle avait déjà été victime de violences sexuelles, dont l'une avait donné naissance à un enfant aujourd'hui âgé de 7 ans.
Le 20 juin, la justice rendra son verdict. Mais pour Fatou, aucune peine, même maximale, ne pourra réparer l'irréparable. Awa Ndiaye, sa mère, restée digne tout au long du procès, a fini par céder à l'émotion, submergée par la douleur au moment des plaidoiries.