«LE DEFILE DU 4 AVRIL EST UN FORT MOMENT DE COMMUNION ENTRE LA NATION ET SES FORCES ARMEES»
Préparation de la Fête du 4 Avril, montée en puissance sur le plan équipements et logistique, lutte contre la cybercriminalité, bilan sécuritaire 2018, menaces terroristes… Le Général Cheikh Sène dit tout. Une interview exclusive et totalement inédite !

Longtemps enfermée dans le mutisme, la Gendarmerie nationale s’est progressivement ouverte au monde de la communication pour renforcer sa visibilité et son potentiel d’attractivité. Et, lorsque le besoin se fait sentir, bander les muscles afin de dissuader les éventuelles cellules mal intentionnées. En cette vieille du 04 avril marquant la célébration de notre accession à la souveraineté internationale, le général de division Cheikh Sène, haut commandant de la gendarmerie nationale et directeur de la Justice militaire, a décidé d’effectuer sa grande parade orale dans les colonnes du « Témoin ». Préparation de la Fête du 04 Avril, montée en puissance sur le plan équipements et logistique, lutte contre la cybercriminalité, bilan sécuritaire 2018, menaces terroristes… Le Général Cheikh Sène dit tout. Une interview exclusive et totalement inédite !
Le Témoin : Mon Général, après-demain 4 avril, le Sénégal va célébrer le 59e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Quel est votre sentiment en tant que Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice militaire en cette veille de fête de l’Indépendance ?
Cheikh Séne : A la veille de la célébration de l’anniversaire de notre accession à la souveraineté internationale, mon état d’esprit peut se résumer en 3 mots : Fierté, humilité et détermination. Fierté de commander cette belle Institution garante de la tranquillité publique, composée de femmes et d’hommes engagés, motivés, unis par les mêmes valeurs et animés par les mêmes objectifs. Pour l’humilité, vous n’êtes pas sans savoir que la Gendarmerie Nationale occupe une position éminente dans l’architecture sécuritaire nationale en raison de sa double culture professionnelle. Cette place nous oblige à cultiver avec humilité le devoir d’excellence, c’est-à-dire à travailler trois fois plus pour rendre notre instrument de sécurité plus performant, pour accomplir notre devoir et nous entrainer en permanence afin de maitriser parfaitement un environnement particulièrement incertain et complexe. Je suis déterminé à assurer sur l’ensemble de notre secteur de responsabilité la sécurité de nos concitoyens, la protection des institutions républicaines et la défense des intérêts vitaux du pays.
Comment les unités de la Gendarmerie préparent-elles l’événement ? Y aura-t-il une particularité par rapport au Grand défilé de l’année dernière ?
Au Grand défilé de l’année dernière ? Vous savez, le défilé du 04 avril est un fort moment de communion entre la Nation et ses Forces armées. Donc la participation de la gendarmerie revêt deux (02) aspects : la couverture sécuritaire en liaison avec le commandement de la zone militaire n°1 et la participation au défilé proprement dit. Les gendarmes seront fiers de défiler devant le Chef Suprême des armées et, par la magie du petit écran, devant la Nation toute entière. A l’instar des années précédentes, les unités de gendarmerie ouvriront le défilé avec une allure, une solennité, un professionnalisme qui inspirent confiance en l’avenir. Prés de 950 gendarmes vont participer au défilé à pied, quant au défilé motorisé 115 véhicules dont 60 motos et 08 quads seront engagés sans oublier les 66 chevaux de l’escadron monté qui vont clôturer la parade. Deux grandes innovations sont prévues cette année avec le quadrille des baïonnettes effectué, pour la première fois, par un escadron spécial de la garde présidentielle. Le GARSI (groupe d’action rapide pour la surveillance et l’intervention) est une nouvelle unité créée en partenariat avec l’UE dans le cadre du projet GARSI-Sahel. Cet escadron dispose de moyens logistiques et de projection importants que nos concitoyens vont découvrir à l’occasion du défilé.
Comme à Dakar, les autres capitales régionales et autres départements du Sénégal vont aussi célébrer la fête de l’indépendance. Le Commandement pourra-t-il déployer des troupes partout à travers le territoire national pour les besoins des défilés décentralisés ?
Effectivement ! Le 4 Avril est un moment de communion avec les populations les principales bénéficiaires de notre offre de sécurité. C’est pourquoi, les commandants de légion ont été instruits de participer en liaison avec les commandants de zone militaires et les autorités administratives aux festivités de la fête de l’indépendance. Il faut préciser que chaque année la fanfare de la gendarmerie participe aux défilés dans les capitales régionales et cette année, elle va animer le défilé de la région de Fatick.
Cette année, le président de la République, Chef Suprême des Armées, entend faire commémorer les festivités sous le thème : « Forces de défense et de sécurité, un exemple dans l’éducation à la citoyenneté et à l’unité nationale ». Qu’est-ce qu’un tel thème vous inspire ?
Une bonne question ! Car le thème du défilé de cette année « Les forces Armées, un exemple dans l’éducation à la citoyenneté et à l’unité nationale » cadre parfaitement avec l’option de la gendarmerie de développer le partenariat de sécurité pour canaliser toutes les énergies et faire reculer durablement le sentiment d’insécurité. Longtemps considéré comme un « sujet passif », le citoyen devient un acteur majeur dans la production de sécurité. Dans l’accomplissement de sa mission de sécurité publique, la Gendarmerie nationale incarne les valeurs citoyennes intrinsèques à son statut de force militaire au service de la République. Elle constitue également à travers ses différentes composantes un modèle de cohésion et d’unité nationales. Visage familier, le gendarme est à la fois craint et respecté, on le rencontre partout où l’autorité de l’Etat doit être préservée, le citoyen protégé ou secouru. Ainsi, la gendarmerie, joue un rôle important dans la politique de redynamisation de l’esprit de citoyenneté.
Aux cotés de la Police, la Gendarmerie nationale a joué un rôle déterminant dans le processus électoral lors de la présidentielle 2019 en matière de maintien de l’ordre mais aussi de sécurisation des personnes et des biens. Comment avez-vous réussi à mettre en place un tel impressionnant dispositif de sécurité jusqu’à mailler tout le territoire national ?
C’est avec beaucoup d’humilité que nous recevons les nombreux compliments que nous valent le comportement et le professionnalisme de nos personnels à l’occasion de l’élection présidentielle 2019. Je les encourage et les engage à redoubler d’efforts pour rester toujours à la hauteur de leurs devoirs. Je tiens également à féliciter le Peuple sénégalais pour sa maturité ainsi que tous les acteurs pour leur sens de la responsabilité. En plus d’être une force humaine, la gendarmerie est également une force contenue qui agit, dans le cadre de la police administrative, face à des citoyens qui se sont affranchis momentanément de leurs obligations. Ainsi, l’usage de la force est toujours bien dosé afin d’éviter de créer un désordre plus important. Je l’ai décliné dans mon ordre du jour n°1 en insistant sur la nécessité d’imposer la non-létalité au cœur de notre action au maintien de l’ordre.
Mon Général, qu’est-ce qui bloque réellement la sortie, pour ne pas dire la publication officielle du nouveau du code de justice militaire révisé depuis 2012 ?
Comme vous le savez, le code de justice militaire ne consacre ni une justice d’exception, encore moins une justice parallèle. Il est un outil qui permet aux magistrats professionnels, assistés d’assesseurs militaires ou paramilitaires, de rendre en toute indépendance la justice dans le respect des droits de l’homme tout en préservant le pouvoir disciplinaire de l’autorité militaire. Il n’y a aucun blocage, le processus est en cours. Il s’agit d’un travail méthodique et minutieux qui sera achevé très bientôt.
Justement ! Mon général, les gendarmes murmurent tout bas dans les rangs en déplorant que « Zola » ou le commandement est trop répressif voire sévère en cas de manquements graves. Pourquoi, la Maréchaussée est traditionnellement si rigoureuse en matière de discipline…
L’action quotidienne de la Gendarmerie s’adosse sur le respect rigoureux des lois et règlements et sur l’orthodoxie militaire. En tant que soldat de la loi et détenteur du monopole de la violence légitime par délégation de l’Etat, le gendarme doit cultiver une éthique adaptée à l’état de droit et agir avec professionnalisme, loyauté et dévouement. Aussi, il doit adopter une attitude d’humilité, de rigueur, d’intégrité, d’exemplarité et de courage. Il est de la responsabilité des Chefs de préserver la discipline sans rigueur inutile, ni faiblesse coupable…
Récemment nommé à la tête de la Gendarmerie nationale, le Général Cheikh Sène est en train de dérouler sa feuille de route. Quelles perspectives esquissez-vous pour la Gendarmerie de demain ?
A l’occasion de mon installation par Monsieur le Ministre des Forces armées, le 9 août 2018, j’avais exprimé, dans mon ordre du jour n°1, mon intention de produire une sécurité qui ne compromette pas la liberté en faisant effort sur la prévention et l’anticipation. De façon très méthodique, nous sommes en train de suivre la spirale de l’évolution qui repose sur quatre (04) piliers (les idées, la doctrine, la formation et la pratique). Par une approche inclusive, toutes les idées sont bien prises en compte. Tout en préservant les invariants de la doctrine, le processus d’adaptation et de mise à jour des textes est bien enclenché. Dans le même temps, les cursus de formation et la pratique professionnelle ont évolué avec les mutations très rapides de l’environnement et le contexte sécuritaire mouvant. La Gendarmerie est la force du continuum et pour préserver cette aptitude, l’exigence fondamentale est l’adaptation permanente de ses moyens et méthodes. Dans ce cadre, un programme prioritaire d’amélioration des performances (PPAP) a été élaboré pour une prise en compte adéquate des priorités identifiées. Le soutien exceptionnel du Chef de l’Etat, Chef Suprême des Armées a permis d’agir sur les équipements, les méthodes, la culture et les structures de la gendarmerie. Ainsi, la gendarmerie remplit convenablement ses contrats opérationnels. J’ai effectué des visites de travail auprès des unités et formations sur l’ensemble du territoire. Ces sorties sur le terrain m’ont permis de constater l’engagement et la détermination du personnel mais aussi d’identifier les contraintes qui rendent les taches plus difficiles. J’ai confiance en la solidité de notre Institution. Cette solidité, fruit de l’adaptation permanente de nos moyens et méthodes, s’exprime à travers l’efficacité de nos unités qui nous vaut l’estime et la considération des autorités d’emploi et des populations. Le maillage du territoire qui constitue notre avantage comparatif majeur a été densifié avec la mise en place des escadrons de surveillance et d’intervention, en complément des compagnies et brigades, qui assurent en permanence la surveillance du sanctuaire national. Les effectifs ont également connu une hausse constante depuis 2012. De nouvelles unités comme la section aérienne et le GARSI participent à la disponibilité opérationnelle. Donc, les défis sécuritaires sont largement à notre portée. Notre posture proactive nous permet de ne pas subir les évènements mais de garder l’initiative pour assurer, mieux encore, la sécurité du pays.
Dans le domaine social, la Gendarmerie est-elle reconnaissante à l’endroit de ses anciens ?
Comme vous le savez, je place le social au cœur de mon temps de commandement et j’entends assurer, par une politique adaptée, le renforcement des forces morales, l’instauration du dialogue interne, la consolidation de l’esprit de corps, de la compréhension réciproque de l’intérêt général et de la cohésion nécessaire à un bon accomplissement des missions pour que le gendarme puisse retrouver le rang social qui est le sien au sein de la Cité. Je mesure l’importance de l’action de nos « anciens » et le devoir de reconnaissance à leur endroit. Les « anciens » toujours dévoués, engagés et volontaires nous apportent régulièrement leur précieuse contribution et leur expertise à la formation de la nouvelle génération. Je profite de votre question pour saluer respectueusement mes illustres prédécesseurs qui, grâce à leur sens élevé du devoir et leur autorité intelligente, ont fait de notre Institution un outil majeur de sécurité aussi bien au plan national qu’international.
Mon Général, est-ce que la montée en puissance de la Gendarmerie nationale, entamée par vos prédécesseurs sur le plan des équipements se poursuit sous votre commandement ? Autrement dit, la Gendarmerie est-elle suffisamment équipée et disposet-elle de la logistique suffisante pour remplir correctement ses missions face à la criminalité transfrontalière ?
Evidemment, les bonds capacitaires réalisés, depuis 2006, grâce au leadership des Hauts commandants qui se sont succédé, nous permettent de disposer, aujourd’hui, d’un outil sécuritaire performant. Sous l’autorité du Chef de l’Etat et avec le soutien du gouvernement, le plan d’équipement va se poursuivre même si la gendarmerie dispose déjà d’assez de capacités pour relever les défis sécuritaires notamment la criminalité transfrontalière. Au-delà des moyens, la stratégie de prévention de proximité garantit une meilleure surveillance du territoire et une réduction des délais d’intervention. Le maillage des escadrons de surveillance et d’intervention (ESI), l’intégration des capacités aéromobiles et la participation du GARSI à la disponibilité opérationnelle sont significatives de l’efficacité de la gendarmerie face aux menaces transfrontalières et transnationales.
Souvent on attend parler que la Gendarmerie combat aux cotés de l’Armée. Dans quel contexte les gendarmes combattent aux cotés des unités de l’Armée pour faire valoir leur statut de militaires ?
Partie intégrante des Forces armées, la gendarmerie est une force qui assure des missions de sécurité et de défense. Pour répondre à votre question, je vais convoquer l’Histoire pour vous rappeler que la gendarmerie a participé, à côté des armées à l’opération « FODE KABA 2 » en Gambie en 1981, à l’opération « GABOU » en Guinée Bissau en 1998 d’ailleurs cette opération a valu au premier escadron blindé de la Légion de gendarmerie d’intervention (LGI) une citation à l’ordre des forces armées. Plus récemment, dans le cadre de l’opération « Restore Democracy » en Gambie en 2017, la gendarmerie a été engagée dès les premières heures aux côtés des armées. La LGI est une unité de réserve générale organisée, entrainée et équipée pour combattre aux côtés des unités de l’armée nationale.
Mon Général, la Gendarmerie nationale est une auxiliaire très précieuse de la Justice en tant que police judiciaire. Elle est aussi en première ligne dans la répression des crimes et délits. Pouvez-vous nous donner le bilan 2018 de vos différentes opérations dans ce domaine ?
La Gendarmerie territoriale est principalement chargée de remplir la mission de police judiciaire qui comprend la constatation des infractions, la recherche des preuves, l’arrestation et la remise des auteurs présumés aux autorités judiciaires. Elle concerne aussi les concours apportés à l’administration pénitentiaire et à la justice. Au cours de l’année 2018, les militaires de la gendarmerie territoriale, ont établi 7722 procédures pour des crimes et des délits commis sur le territoire national. Du fait de leur action, 7845 personnes mises en cause ont été arrêtées dans des affaires de tous ordres. Plus de 5724 kilogrammes de chanvre indien ont été saisies, plus de la moitié du bétail volé a été retrouvé et restitué. (2914 bêtes retrouvés sur les 4919 volés).
Mon Général, « Le Témoin » sait que, bien qu’ayant des compétentes multidisciplinaires, vous avez été un brillant officier « aux grandes oreilles » pour ne pas dire un as du renseignement. D’où cette question : les services de Renseignements de la gendarmerie occupent-ils une place de choix dans votre commandement surtout en ces temps de menaces terroristes ?
Le Renseignement est une mission essentielle de la gendarmerie qui conditionne la réussite de notre action. Le renforcement de notre posture de lutte antiterroriste exige un effort sur le Renseignement ce qui justifie la mise en place d’une chaine spécialement dédiée à cette fonction. La gendarmerie est un acteur important de la communauté du renseignement national et nous travaillons sur les ressources humaines et matérielles pour améliorer nos performances dans ce domaine.
Ces derniers temps, les affaires d’accès aux codes confidentiels des banques ayant permis de détourner des milliards de francs mais aussi celles relatives aux escroqueries ou chantages sexuels via le Net défraient la chronique. Justement, la Gendarmerie est-elle bien outillée pour faire face à ces nouvelles menaces cybercriminelles ?
La gendarmerie adapte régulièrement sa posture à la menace. Elle dispose de la plateforme nationale de lutte contre la cybercriminalité (PNLC) qui est dotée de laboratoires d’investigation numérique et de moyens technologiques pour lutter efficacement contre la délinquance liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.