LE FLÉAU DE LA "DROGUE DU ZOMBIE" S'ÉTEND AU SÉNÉGAL
Le kush, drogue de synthèse venue de Sierra Leone, fait ses premières victimes dans ce pays. "J'ai vu quelqu'un mourir devant moi et un autre qui a failli y rester. Il n'avait jamais fumé, il a pris trois bouffées et il est tombé net. C'est très violent"

(SenePlus) - Un nouveau stupéfiant ravage les rues de Dakar et menace de s'étendre dans toute l'Afrique de l'Ouest. Baptisé "kush", ce dérivé du cannabis aux effets dévastateurs plonge ses consommateurs dans un état quasi-comateux, d'où son surnom de "drogue du zombie". Son expansion rapide inquiète les autorités sanitaires et sécuritaires de la région.
Contrairement aux rumeurs qui circulent dans la rue évoquant des "ossements humains" ou de la "mort-aux-rats", la composition du kush a été révélée par une étude récente. Selon un rapport de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), cette drogue contient des substances particulièrement dangereuses : "La majorité des échantillons analysés contenaient deux puissants psychoactifs : des cannabinoïdes de synthèse ou des 'nitazènes', des opioïdes en plein essor en Europe et responsables d'une vague de décès en Estonie", détaille l'enquête citée par La Croix.
Ces composants sont particulièrement alarmants : "Ces substances hyperaddictives sont trois à 25 fois plus fortes que le fentanyl, la drogue qui ravage les États-Unis", précise le rapport. D'autres substances comme "de l'acétone, du formol et des feuilles de guimauve" ont également été identifiées.
Dans les rues de Dakar, les consommateurs décrivent un engrenage fatal. Dave (pseudonyme), un Sénégalais de 42 ans, consomme "quotidiennement dix joints de kush" et décrit un cycle infernal : "Tu fumes, tu t'écroules, tu te réveilles et tu recommences jusqu'à ce que tu n'aies plus d'argent, le film d'horreur quoi."
Les scènes observées dans la capitale sénégalaise sont inquiétantes. À proximité d'un dépôt d'autobus, "des jeunes comatent sur un banc ou à même le bitume crasseux. Autour d'eux, les moteurs et les mégaphones des vendeurs ambulants hurlent mais rien ne semble pouvoir les tirer de leur profond sommeil", rapporte la correspondante de La Croix à Dakar.
Plus effrayant encore, les overdoses se multiplient : "J'ai vu quelqu'un mourir devant moi et un autre qui a failli y rester ici. Il n'avait jamais fumé, il a pris trois bouffées et il est tombé net. C'est très violent", témoigne Dave.
Cette drogue, qui se vend à prix modique (environ 500 francs CFA, soit 70 centimes d'euro pour un joint), aurait été introduite au Sénégal depuis la Sierra Leone, où elle fait des ravages.
"Le premier réseau de distribution a été monté en 2017 par un homme surnommé M. Om (un Nigérian expulsé du Royaume-Uni)", explique Lucia Bird Ruiz Benitez de Lugo, directrice de l'Observatoire des économies illicites en Afrique de l'Ouest au sein du GI-TOC.
Le réseau d'approvisionnement s'appuie sur une logistique internationale complexe : "Selon le groupe d'experts, les composés du kush sont importés du Royaume-Uni et des Pays-Bas par voie maritime puis synthétisés localement par des 'cuisiniers'. La Chine, l'un des principaux producteurs d'opioïdes synthétiques, joue également un rôle majeur dans l'approvisionnement."
Les conséquences en Sierra Leone et au Liberia ont déjà conduit ces pays à déclarer l'état d'urgence. "Le kush aurait déjà fait des milliers de morts en Afrique de l'Ouest. En Sierra Leone, les autorités ont dû organiser des crémations collectives à cause des morgues surchargées", rapporte le quotidien français.
Au Sénégal, les professionnels de santé tirent la sonnette d'alarme. "Si nous n'intervenons pas rapidement, le problème va se propager. Nous avons besoin de faire analyser le produit en laboratoire pour identifier sa composition exacte et trouver un antidote en cas d'overdose", alerte le professeur Idrissa Ba, coordinateur du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar.
Les symptômes observés chez les consommateurs sont extrêmement préoccupants : "Ils sont comme des zombies, ils ont du mal à marcher. Au début, on a pensé au fentanyl parce que l'on voyait les images venues d'Amérique, mais c'est pire que ça", insiste cet addictologue, qui mentionne également des cas de "paranoïa, hallucinations" et même des suicides.
Face à cette crise qui ne fait que commencer, les autorités sanitaires appellent à une action coordonnée pour éviter que ce fléau ne se propage davantage dans la région.