LE QUARTIER COMMERCIAL DE TIVAOUANE NOSTALGIQUE DE SON PASSÉ
Jadis cité résidentielle de la commun, l'ex-quartier «Escale», lutte contre l’anarchie qui y règne. Aujourd’hui, les populations veulent que les autorités redonnent à leur cité son lustre d’antan

Jadis cité résidentielle de la commune de Tivaouane, le quartier «Commercial», ancien nom du quartier «Escale», lutte contre l’anarchie qui y règne. Aujourd’hui, les populations veulent que les autorités redonnent à leur cité son lustre d’antan.
Il est environ 13 heures en cette mi-journée du début du mois de septembre. Nous sommes au quartier dénommé «Commercial» à Tivaouane. Un nom qui renvoie à l’image d’un espace où les maisons de commerce françaises faisaient foison, avec leurs représentants libano-syriens. Pour s’en convaincre, il suffit de circuler à travers les rues bien tracées de la localité. Aujourd’hui, ces vieilles bâtisses construites en bois ou en briques rouges et recouvertes de tuiles témoignent du passé colonial du site. Outre sa partie commerciale, le quartier «Commercial» avait une partie résidentielle et des affaires comme la préfecture, la gare ferroviaire inaugurée par le ministre Français André Le Bon, les anciens locaux de l’hôtel de ville, ceux de l’ancien bureau des Postes.
Une époque pendant laquelle l’hygiène, la propreté des artères et le cadre de vie, dans son ensemble, étaient une préoccupation permanente des autorités. «En ces temps-là, les quantités de pluies qui tombaient en hivernage étaient beaucoup importantes et la durée de la saison des pluies plus longue, mais le réseau d’évacuation des eaux pluviales fonctionnait très bien», se souvient Mamadou Ndiaye dit «Gaucher», l’actuel chef du quartier. Selon lui, plusieurs années durant, le quartier n’a jamais souffert du trop-plein d’eau en saison des pluies.
Le bon vivre est en train de se conjuguer au passé
Tout le contraire de ce que l’on voit présentement dans les rues du quartier «Commercial», où les boutiques bien fournies cohabitent avec les eaux stagnantes. Le poto-poto (boue) drainé par les eaux de ruissellement se mélange aux ordures produites par les activités marchandes, rendant le décor sinistre. «Dans ce contexte de Covid-19, les eaux stagnantes asséchées par le soleil, dès que le vent souffle, la poussière importune tout le monde», indique Khady Diop, une marchande de cacahuètes.
À cela s’ajoute un manque criant d’édicules publics devant permettre aux acteurs qui s’activent dans ce marché de pouvoir se soulager en cas de besoin. Une situation qui a fini de transformer les abords de vieux bâtiments en urinoirs où se dégagent des odeurs pestilentielles à couper le souffle. «Nous, habitants du quartier Commercial, sommes obligés de partager nos toilettes avec nos voisins venus gagner leur vie», confie le chef du quartier. Également, «l’éclairage public dont les installations sont obsolètes laisse à désirer», déplore-t-il.
Un quartier pionnier à Tivaouane
Du point de vue historique, «Gaucher» rappelle que tous les autres quartiers de Tivaouane ont pris naissance à partir du quartier «Commercial». On peut citer Fogny, Ndut, Kouly, entre autres. «Le quartier englobait le cimetière catholique et une bonne partie du quartier El Hadji Malick ou Kogne Diaka. D’ailleurs, un de nos anciens, feu à Youssou Corréa, a confié que même l’école des jeunes filles de l’époque, qui a d’abord servi de magasin de stockage, devenue aujourd’hui École II, se trouvait dans notre quartier», déclare-t-il.
Mais, malgré sa position centrale et son histoire qui se confond avec celle de la commune de Tivaouane, les habitants du quartier «Commercial», par la voix de leur chef de quartier, se considèrent comme des laissés pour compte par les autorités municipales. «Nous aimerions davantage les sentir dans l’accompagnement du mouvement associatif du quartier, très engagé pour rendre leur cadre de vie meilleur et participer, ainsi, au développement de leur quartier», plaide le chef de quartier. Selon lui, plusieurs années durant, les jeunes procédaient au nettoiement du quartier spontanément à leurs frais. «Mais, lorsque les politiciens s’y sont mêlés, l’initiative est tombée à l’eau au détriment des habitants du quartier», note-t-il.
Dans cette partie dite «résidentielle» de la commune de Tivaouane, le carrefour menant vers Mboro sur l’axe desservant Saint-Louis, le terrain de basket-ball, les locaux de l’ancienne mairie, entre autres, sont des échantillons valables pour confirmer la vétusté des canaux érigés par les colons et destinés à l’évacuation des eaux de pluie du quartier «Commercial». «Avec l’extension de la commune de Tivaouane, les mares, les étangs qui retenaient une partie des eaux de pluies ont disparu sans que les pouvoirs publics n’intègrent cette donne dans leur planification. C’est pourquoi, pendant l’hivernage, les eaux envahissent les rues et parfois même des maisons», souligne-t-il.
72 quartiers occupent l’espace dans une parfaite anarchie
D’après «Gaucher», le saucissonnage des grands quartiers de Tivaouane en sous-quartiers fait que, présentement, on dénombre 72 quartiers dans la commune de Tivaouane. «À mon humble avis, j’estime que cette façon de faire porte préjudice aux populations. Ces dernières nous disent très souvent ne pas sentir les actions de la municipalité dans la gestion de leur cadre de vie comme il le faut», déclare le chef de quartier. Un brocanteur installé dans une vieille maison à loyer modéré a fini d’occuper tout le trottoir sans crier gare. Sur terre, le bonhomme a déposé des portes en fer, des fenêtres en bois, des lits et fauteuils de seconde main, des lavabos cassés, des chaises anglaises sans compter du matériel d’électrification sont exposés sur la partie réservée aux piétons. Preuve, selon les habitants, de l’occupation anarchique de l’espace public.