«LE SENEGALAIS LAMBDA NE VIT PAS, IL VIVOTE ET BRICOLE POUR SURVIVRE»
Abdoulaye Cissé, sociologue, estime qu’avoir l’esprit tranquille est très relatif. Le montant de la dépense quotidienne doit être déterminé par la taille de la famille, évalué par rapport à la situation du marché et au pouvoir d’achat.

Abdoulaye Cissé, sociologue, estime qu’avoir l’esprit tranquille est très relatif. Le montant de la dépense quotidienne doit être déterminé par la taille de la famille, évalué par rapport à la situation du marché et au pouvoir d’achat. Il souligne une montée généralisée des prix des denrées de première nécessité à Dakar. Ce qui semble être un paradoxe. Les dernières crises mondiales, retient-il, ont fini par démontrer que la souveraineté alimentaire doit désormais être une préoccupation fondamentale de tous les pays pour survivre.
Le sociologue Abdoulaye Cissé dit avoir constaté que l’arrivée du ramadan entraîne une forte consommation dans un contexte de cherté de la vie et de raréfaction de certains produits de première nécessité comme le sucre. Dans un tel contexte, disposer de seulement 5000 francs pour satisfaire les trois repas journaliers relève d’un exercice d’équilibriste pour les femmes appelées à résoudre quotidiennement cette équation. « Ce n’est pas une chose facile. Et il faut dans une situation pareille chercher à s’adapter aux réalités du marché et non forcément aux attentes sociales du foyer », a conseillé le sociologue.
Selon lui, ce qu’on vit actuellement n’est pas une situation spécifique au Sénégal. Des économistes rappellent qu’il y a une inflation importée due à plusieurs facteurs exogènes au lendemain de la crise sanitaire de COVID-19, du fait de la guerre en Ukraine qui perdure encore et d’autres paramètres qui échappent au contrôle de l’Etat. « Ce n’est pas pour dédouaner l’Etat qui a, quand-même, une responsabilité dans tout cela. Il lui revient en particulier de mettre en place des mécanismes d’atténuation, d’impulser au-delà du discours une véritable politique économique capable de porter la souveraineté alimentaire tant chantée et promise. Une transformation structurelle de l’économie requiert des investissements importants dans le secteur de l’industrie agricole. Hélas, jusqu’à présent, ce sont seulement des vœux pieux quitardent encore à être concrétisés », a déploré Abdoulaye Cissé.
D’après lui, la population essaie toutefois de faire sa propre résilience en s’adaptant tant bien que mal aux exigences et réalités du marché. Pour le moment, c’est la seule solution qui vaille en attendant, probablement, les retombées futures de l’exploitation efficiente du pétrole et du gaz. Le sociologue a fait l’amer constat que le Sénégalais lambda ne vit pas. Il vivote en bricolant poursurvivre dit-il en reprenant ce qu’il appelle l’excellent titre d’un ouvrage publié en 2007 par le professeur Abdou Salam. « C’est une question à laquelle les économistes seraient sans doute plus à l’aise pour apporter des éléments de réponse. Il faut aller rapidement vers l’industrialisation effective du secteur de l’agriculture. Puisqu’il est inadmissible, plus de 60 ans aprèsl’indépendance, que l’on continue à faire les mêmes pratiques agricoles au Sénégal. L’emphase doit être mise sur la souveraineté alimentaire. Les dernières crises mondiales ont fini par démontrer que la souveraineté alimentaire doit désormais être une préoccupation fondamentale de tous les pays pour survivre afin de faire leur propre résilience dans un contexte international incertain, sujet à de nombreuses menaces », estime le sociologue.
Et de déplorer qu’aussi bien du côté de l’opposition que du pouvoir, les combats portentsur tout sauf s’attaquer aux difficultés réelles auxquelles les populations sont confrontées. Il se demande si une seule fois des marches, des manifestations ou des sitin ont été organisés par les formations politiques pour parler de la situation de précarité économique des populations. « Je donne ma langue au chat. Ces partis se dérobent par rapport à ces problèmes et les laissent entièrement aux organisations de la société civile et aux syndicats. Si réellement ils étaient fondamentalement préoccupées par l’amélioration des conditions de vie des populations, ils allaient aussi porter ces combats », déduit-il. De façon fort logique !