LES RAISONS D’ERIGER L’AGGLOMERATION EN VILLE MODERNE
Située à une centaine de kilomètres au sud de Dakar, à mi-chemin entre Thiès et Fatick, Mbour s’impose aujourd’hui comme l’une des principales agglomérations du Sénégal

Située à une centaine de kilomètres au sud de Dakar, à mi-chemin entre Thiès et Fatick, Mbour s’impose aujourd’hui comme l’une des principales agglomérations du Sénégal. Ancienne localité de pêcheurs devenue en quelques décennies un pôle économique et résidentiel majeur, la commune fait face à une double pression : une urbanisation fulgurante et une croissance démographique continue. Face à cette dynamique, la question de son érection en une ville moderne, structurée et planifiée devient urgente. Mbour ne peut plus se penser comme une commune classique : elle doit être portée au rang d’une cité métropolitaine, capable d’absorber son expansion, de répondre aux aspirations de sa population et de jouer pleinement son rôle de moteur régional.
UN BOOM DÉMOGRAPHIQUE SANS PRÉCÉDENT
La croissance démographique de Mbour est impressionnante. D’un peu plus de 30 000 habitants dans les années 1970, la commune et ses zones d’influence élargies (Saly, Nianing, Warang, Thiadiaye, Malicounda, entre autres) en comptent aujourd’hui plus de 300 000. Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs : l’exode rural en provenance des régions intérieures, l’attractivité économique et touristique, la proximité avec Dakar et l’aéroport international Blaise Diagne, ainsi qu’un taux de natalité naturellement élevé. Mais cette croissance rapide, si elle traduit une vitalité certaine, pose aussi d’importants défis : pression foncière, saturation des services publics, rareté du logement, tensions sociales… Le tissu urbain se densifie à grande vitesse, souvent en dehors de toute logique d’aménagement durable.
UNE URBANISATION ACCÉLÉRÉE MAIS DÉSORGANISÉE
L’un des paradoxes majeurs de Mbour est que son développement s’est opéré dans une relative improvisation. Si le centre-ville conserve une trame urbaine lisible, les périphéries se sont étendues de façon anarchique. Des quartiers entiers sont sortis de terre sans viabilisation préalable, un accès à l’eau potable plus ou moins universel, des réseaux d’assainissement desservant les quartiers centraux et des voiries gagnées progressivement par l'ensablement. Les services de base peinent à suivre : la carte scolaire croule sous le poids du gigantisme, les écoles primaires publiques sont surchargées , une dizaine de collèges d'enseignement moyen et trois grands lycées, les structures de santé débordées, les marchés informels , et les déchets dans de nombreux points de la ville malgré les efforts louables de la municipalité doivent connaitre un traitement plus efficient et efficace. Le tout accentué par une gouvernance locale peinant à répondre aux préoccupations des populations.
UN RÔLE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL AFFIRMÉ
Malgré ces contraintes, Mbour affiche un potentiel économique remarquable. Port de pêche majeur, plaque tournante touristique (notamment à travers Saly-Portudal), carrefour commercial entre Dakar, le Sine, le Baol et la Casamance, elle se positionne aujourd’hui comme une locomotive régionale. L’installation progressive de zones d’activités industrielles et artisanales, le développement des services bancaires, des télécommunications, de l’enseignement supérieur et des infrastructures hôtelières renforcent cette dynamique. L’agglomération constitue aussi un pôle d’emploi informel très actif, où cohabitent petits métiers, transport urbain, restauration, commerce ambulant, construction et secteur agricole périurbain. Ce bouillonnement économique contraste cependant avec l’absence d’un cadre réglementaire et d’un encadrement urbain à la hauteur des enjeux.
DES ATTENTES CITOYENNES DE PLUS EN PLUS FORTES
La population de Mbour, notamment sa jeunesse, aspire aujourd’hui à mieux. Elle réclame des routes praticables, des espaces publics aménagés, des transports dignes, une meilleure sécurité, une gouvernance participative, mais surtout une reconnaissance de son statut réel. Car Mbour, de fait, vit et fonctionne comme une grande ville. Mais en droit, elle demeure une commune au statut limité, incapable de planifier sur le long terme, de mobiliser des financements à la hauteur, ou de coordonner les multiples territoires qui lui sont liés. Cette attente s’exprime de plus en plus à travers les médias locaux, les associations citoyennes, les élus, les communautés religieuses et les entrepreneurs. Tous convergent vers une même idée : Mbour doit changer d’échelle.
VERS UNE VILLE MODERNE, STRUCTURÉE ET INTÉGRÉE
L’érection de Mbour en véritable ville moderne – dotée d’un statut administratif renforcé, d’un plan d’urbanisme structurant, d’un budget conséquent et d’une vision partagée – offrirait plusieurs avantages. Elle permettrait une meilleure gouvernance territoriale, une attractivité accrue pour les investisseurs, une gestion plus efficace des défis sociaux et environnementaux, et une plus grande résilience face aux risques (inondations, insécurité, embouteillages, dégradation du littoral…). Il ne s’agirait pas d’un simple changement de nom ou de statut, mais d’un processus de transformation profonde, à l’image de ce que Saint-Louis, Ziguinchor ou Pikine ont connu. Un processus qui impliquerait l’État, les collectivités territoriales, les partenaires techniques et financiers, ainsi que les populations elles-mêmes. Mbour n’est plus une ville en devenir : elle est déjà, de facto, une métropole régionale. Ce qu’il lui manque, c’est une reconnaissance juridique, une vision structurée, et des moyens adaptés à ses ambitions. L’érection de cette agglomération en une ville moderne n’est donc pas une faveur politique, mais une exigence de justice territoriale, d’équité nationale et de bon sens. Il est temps que les pouvoirs publics en prennent acte.