QUAND DES AFRICAINS NAISSENT, SE MARIENT ET MEURENT, SANS TRACES
L’état-civil est une véritable équation à mille inconnus pour les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, plus particulièrement au Bénin, Sénégal, Congo et au Burkina Faso.

L’état-civil est une véritable équation à mille inconnus pour les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, plus particulièrement au Bénin, Sénégal, Congo et au Burkina Faso. Ces pays sont loin de disposer de données démographiques fiables à cause de l’absence d’un environnement permettant aux populations de procéder à l’enregistrement des faits d’état-civil. «C’est seulement dans 36% des pays que les centres d’état-civil descendent jusqu’au niveau rural», liton dans un extrait du rapport du Projet d’enregistrement d’état-civil et de statistiques de l’état-civil. Au Sénégal, le problème persiste, même si les autorités académiques adoptent des stratégies non pérennes pour permettre aux potaches de passer l’examen du Cfee.
LA PROBLEMATIQUE DES FAIBLES TAUX D’ENREGISTREMENT
L’analyse des faits d’état-civil en Afrique de l’Ouest et du Centre montre que les taux d’enregistrement sont extrêmement faibles, avec de fortes disparités selon le fait. C’est ce qui ressort du rapport du Projet d’enregistrement d’état-civil et de statistiques de l’état-civil (Civil Registration and Vital Statistics, CRVS en anglais). La situation est d’autant plus grave que «beaucoup d’africains naissent, se marient et meurent sans laisser de traces de leur existence dans les archives judiciaires officielles ou les statistiques», déclare le directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP), Mabingue Ngom. Il l’a fait savoir à l’occasion d’une réunion de lancement pour le partage des normes techniques et les stratégies de mise en œuvre du CRVS tenue à Dakar du 24 au 26 juillet 2019. Sur financement de l’Agence Canadienne pour le développement, le CRVS s’est focalisé sur 4 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, notamment le Bénin, le Sénégal, le Congo et le Burkina Faso. Il a été constaté que de principaux goulots d’étranglement tendant à freiner la disponibilité des données et informations démographiques fiables et de qualité, ont été notés dans cette étude. L’accessibilité géographique des centres d’état-civil est le premier handicap du processus d’enregistrement à l’état-civil. En effet, l’étude a fait savoir que «c’est seulement dans 36% des pays que les centres d’état-civil descendent jusqu’au niveau rural. Les localités secondaires sont donc défavorisées et le risque de non enregistrement y est élevé». En plus d’une faible communication autour de l’importance de l’enregistrement des faits d’état-civil, l’analphabétisme n’aide pas à mesurer l’importance de l’enregistrement. En addition, le coût des services liés à l’enregistrement des faits d’état-civil ne facilite pas à garantir la citoyenneté des populations de disposer des documents légaux prouvant leur existence. «Bien que nous parlions de développer des statistiques vitales, nous ne devons jamais oublier que derrière chaque chiffre se trouve une personne qui définit notre humanité commune», a souligné Mabingue Ngom.
60.000 CANDIDATS SANS PIECES D’ETATCIVIL EN 2019
Ce tableau sombre du suivi de l’évolution de la population va jusqu’à être considéré comme facteur bloquant de la politique de la scolarisation massive des enfants. C’est une véritable barrière à l’atteinte de l’Objectif de développement durable 4 (ODD4): «Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie». Quelques années derrière, beaucoup d’enfants ont raté l’examen du Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE, au Sénégal) car la pièce d’étatcivil est un élément indispensable dans la constitution des dossiers de candidature aux examens. La situation est jusqu’ici alarmante, considérant que sur un potentiel de 3.463.190 enfants scolarisables, seuls 2.014.230 sont effectivement dans les écoles élémentaires, dont 754.101 possèdent l’acte d’état-civil, représentant les 37,44%. Le gap à combler s’élève à 62,56%. La Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (COSYDEP) tire ainsi la sonnette d’alarme dans son rapport sur la situation de l’état-civil dans les établissements scolaires de septembre 2017. L’organisation a dénombré 33.505 candidats sans pièce d’état-civil pour le CFEE en 2016. Bien qu’autorisés à subir les épreuves, ils étaient récemment 60.000 candidats à l’évaluation certificative de l’élémentaire de la session 2019 à composer sans pièces d’état civil Rien que le département de Diourbel à lui seul, avait enregistré 3116 candidats au CFEE, sur un effectif de 5198 inscrits, à participer à l’examen sans pour autant disposer de pièces d’état-civil. Dans le département de Mbour, ce sont 3810 élèves inscrits en classe de CM2, sans disposer de pièces d’état-civil.
STRATEGIES STRUCTURELLES PRECONISEES
Pour contourner cette problématique qui hante la Direction des examens et des concours chaque année, les autorités laissent les potaches composer, tout en invitant les parents à obtenir les extraits pour la poursuite des études de leurs enfants dans les collèges. Pour le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, il urge d’apporter des solutions structurelles pour régler définitivement le problème des candidats aux examens du Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE) et du Brevet de fin d’études moyennes (BFEM) ne disposant pas d’actes de naissance. Non sans plaider l’intervention des familles, des collectivités locales et des partenaires sociaux pour accompagner ce changement. Dans les recommandations, le projet d’enregistrement d’étatcivil et de statistiques de l’état civil propose déjà la modernisation du système d’état-civil à travers son informatisation.