«THEMIS PARLE AUX EUROPEENS, MAIS NE NOUS PARLE PAS»
Selon le magistrat Cheikh Tidiane Lam, Thémis, déesse grecque qui représente la Justice, ne parle pas aux Africains.

Selon le magistrat Cheikh Tidiane Lam, Thémis, déesse grecque qui représente la Justice, ne parle pas aux Africains. A l’en croire, il faut domestiquer certains symboles de la Justice. Il l’a fait savoir lors de la conférence publique qu’il animait hier au musée Léopold Sédar Senghor.
Parfois, on habite tellement une profession qu’il est presque impossible de prendre du recul pour y réfléchir. Toutefois, le magistrat Cheikh Tidiane Lam a pu «enlever» sa robe de juge pour réfléchir sur les symboles, les rituels, les mots et les murs de cette institution qui est la seule à porter le nom d’une vertu. Avec plus d’une vingtaine d’années de carrière, le N°2 de l’Inspection Générale d’Administration de la Justice (IGAJ) a indiqué que le langage judiciaire peut paraître hermétique et complexe pour le commun des mortels. «Mais comme la justice est rendue au nom du peuple, il faut que ce peuple-là comprenne le langage dans lequel sa justice est rendue», soutient l’inspecteur général adjoint de l’Igaj.
Déconstruisant certains concepts qui sous-tendent cette institution, il a soutenu, devant une assemblée composée d’intellectuels comme le philosophe Abdoulaye Elimane Kane et l’écrivain Alioune Badara Bèye, que l’objectif est d’attirer l’attention des uns et des autres sur l’importance à trouver le mot et le concept justes pour aller vers des attitudes de développement et non des attitudes qui poussent au pessimisme. De l’avis du juge Lam, tous les symboles et rituels relatifs à la justice doivent être domestiqués. «Car comme le disait Professeur Cheikh Anta Diop, les gens ne deviennent des génies que dans leurs propres langues et dans leurs propres réalités.
Par exemple, Thémis parle aux Européens, mais elle ne nous parle pas. Nous, on devrait s’inspirer de l’Egypte, de la charte du Mandé qui a été une charte avant-gardiste et qui a précédé la déclaration des droits de l’Homme. Il y a également la constitution de Thierno Souleymane Baal en termes de bonnes pratiques et de bonne gouvernance, en terme de gestion vertueuse du pouvoir », affirme le magistrat. Pour le philosophe Abdoulaye Elimane Kane, il est nécessaire que chaque peuple adapte les principes de la justice par rapport à ses propres réalités, à sa population. Saluant la vaste culture du magistrat et conférencier du jour, il propose d’aller aujourd’hui vers le décloisonnement des disciplines.