TROP JEUNES POUR JEUNER… ?
Le jeûne, ce n’est pas seulement l’affaire des adultes. Des enfants s’y adonnent. Si certains ne peuvent pas s’abstenir de manger pendant toute une journée, ce moment est une occasion pour ces petits d’apprendre à remplir ce quatrième pilier de l’islam.

De jeunes garçons tapent avec ardeur sur un ballon sur les deux voies de Niarry Tally. Ce terre-plein séparant les deux axes est en chantier. L’espace est fermé par des grilles de clôture. Quelques portes sont ouvertes pour permettre aux riverains d’y accéder. Malgré ces voies d’accès, certains enfants se plaisent à enjamber les grilles pour retrouver leurs camarades. Trois d’entre eux montrent beaucoup d’entrain sous un ciel diurne. Avez-vous jeûné ? Ils s’empressent de répondre. « Oui j’ai jeûné ! » exulte presque le plus âgé Omar Diallo. « Moi aussi, j’ai jeûné ! » renchérit Bory Diallo. « Moi aussi ! » ajoute le cadet de la fratrie des Diallo, Mamadou Saliou. Cependant, les deux derniers sont vite démentis par l’aîné. « Ce n’est pas vrai ! Bory a jeûné un seul jour mais, avant 17 heures, il a mangé. Mamadou Saliou, lui, n’a jamais essayé », affirme Omar Diallo, âgé de 12 ans, avant de poursuivre, tous les trois, leur partie de foot sous une chaleur accablante.
A une encablure d’eux, Mor Sylla égrène son chapelet à l’ombre d’un arbre. En ce dimanche, jour de repos, il a préféré cet espace en cours d’aménagement sur les deux voies de Niarry Tally pour un peu de répit. Un vent modéré atténue la canicule. Un bon endroit pour prendre de l’air et fuir le tumulte de son populeux quartier de Niarry Tally, même si les lieux n’offrent pas toutes les commodités pour attirer plus de monde. Sur la question du jeûne des enfants, M. Sylla souligne que c’est une bonne chose. A son avis, les enfants doivent apprendre à jeûner dès le bas âge. Même s’ils ne peuvent pas s’abstenir de manger toute une journée, il estime qu’ils peuvent commencer à apprendre. Mor Sylla encourage ses enfants à jeûner. Toutefois, il n’est pas question pour lui de les forcer. « Les enfants ont toujours envie de jeûner comme tout le monde. S’ils en manifestent le désir, il faut les encourager », conseille-t-il. Mor Sylla dit avoir commencé à jeûner à l’âge de 12 ans. Le jeûne était une obligation pour lui. Son père, imam, veillait à ce que tous les enfants puissent observer le jeûne pendant le mois de ramadan.
Autre époque, autres mœurs. Même s’il tient à ce que ses enfants aient une éducation religieuse, il ne leur impose aucune conduite sur ce point. Non loin de là, Moussa Faye Niang et Assane Manel jouent dans le sable fin à côté d’un bâtiment en chantier. Le premier est élève en classe de Cm1 à l’école Taïba ; le second au Ce2. La volonté de jeûner est forte chez ces deux enfants. Depuis le début du ramadan, Moussa Faye Niang n’a pas raté un seul jour. « J’ai déjà jeûné cinq fois », jubile-t-il, le visage illuminé de fierté. Le môme ne montre aucun signe de fatigue. Mais ce n’est que le début de la journée. L’horloge affiche 11h. On guette l’approche de l’heure de la rupture ! « Je tiendrai bon jusqu’au soir sans rien manger », prometil, avant de railler son camarade Assane Manel, plus jeune, qui « ne peut pas s’abstenir de manger toute la journée ». Qui sait ? Peutêtre bien qu’Assane Manel a de précoces astuces contre la faim !
AHMADOU MAKHTAR KANTE, IMAM DE LA MOSQUEE DE POINT E «Encadrer et expliquer aux enfants les bienfaits du jeûne»
Il n’y a pas un « âge précis » pour le jeûne des enfants, souligne Ahmadou Makhtar Kanté, imam de la mosquée de Point E. Selon lui, le jeûne est « flexible ». Il précise, cependant, que « l’on peut entamer un travail pédagogique, entre 7 et 10 ans, pour inciter l’enfant à faire le jeûne petit à petit ». A son avis, beaucoup d’enfants, dès cet âge, ont déjà le courage de jeûner et insistent même pour le faire. Par contre, d’autres ont peur et demandent à être accompagnés. Imam Kanté invite les parents à « encadrer et à expliquer les bienfaits du jeûne » à leurs enfants. « Il faut surtout leur montrer que le jeûne n’est pas dangereux pour leur santé avec un langage approprié. Qu’ils ne jeûnent pas brusquement tous les jours. Il faut de la pédagogie », a conseillé le religieux.